Rechercher

Helsing, la licorne européenne de l’IA, s’apprête à lancer une flotte de drones tueurs

Helsing
Helsing, la licorne européenne de l'IA. | Source : Getty Images

Évaluée à 4,5 milliards de dollars, la licorne Helsing souhaitait transformer les armées européennes avec des logiciels et non du matériel. Aujourd’hui, elle fait volte-face et prévoit de créer une flotte de drones d’attaque.

Article d’Iain Marti et de David Jeans pour Forbes US

 

Lorsque Torsten Reil, PDG et cofondateur de Helsing, est monté sur la scène lors d’une conférence technologique dans une église londonienne transformée en espace événementiel en septembre dernier, sa vision de la start-up de défense, valorisée à 4,5 milliards de dollars, était claire. « Nous ne sommes pas une entreprise de matériel. Nous sommes une société de logiciels. C’est tout ce que nous faisons », a-t-il déclaré.

Cette présentation était radicalement différente de celle d’autres dirigeants de start-up du secteur de la défense, comme Palmer Luckey, milliardaire d’Anduril, ou Ryan Tseng, de Shield AI, qui veulent construire leurs propres missiles et drones, pour éventuellement défier des géants de la défense comme Raytheon ou Lockheed Martin. Au lieu de cela, Torsten Reil a déclaré que Helsing se concentrerait uniquement sur les logiciels, en utilisant l’IA pour renforcer les armées et les fabricants d’armes européens. « Il s’agit spécifiquement d’ajouter des capacités aux actifs existants », a expliqué Torsten Reil, ancien développeur de jeux vidéo, lors d’un autre événement en 2022.

 

Un virage à 180 degrés

Aujourd’hui, il a opéré un virage à 180 degrés. Helsing a dévoilé cette semaine le HX-2, un drone d’une portée de 80 km, capable de chasser en essaim et de détruire des véhicules blindés. « Déployé à grande échelle le long des frontières, le HX-2 peut servir de puissant bouclier de contre-invasion contre les forces terrestres ennemies », a déclaré Niklas Köhler, cofondateur de Helsing, dans un communiqué.

Peter Quentin, porte-parole de Helsing, a déclaré que la société avait récemment commencé à fabriquer les drones HX-2 en Allemagne, ajoutant qu’ils seraient moins chers que d’autres systèmes comparables. Torsten Riel a déclaré à Bloomberg en début de semaine que l’entreprise prévoyait de produire des dizaines de milliers de ces appareils par an, ajoutant que le drone « a la capacité de créer un niveau de dissuasion qui n’est actuellement tout simplement pas réalisable avec un autre dispositif ».

Cette volte-face de la licorne européenne fait suite à une série de contrats signés avec des fabricants d’armes européens tels que le fabricant de chars Leopard Rheinmetall et le constructeur d’avions Airbus, ainsi que le groupe aérospatial suédois Saab. Les cofondateurs Torsten Reil, Niklas Köhler et Gundbert Scherf avaient présenté aux investisseurs leur IA, qui a été utilisée pour améliorer le système radar des avions de chasse Griphen de Saab et pour mettre à niveau les Eurofighters de la Luftwaffe allemande.

Helsing a commencé à concevoir et à fabriquer ses propres drones après avoir constaté qu’aucun produit existant ne correspondait aux spécifications dont la start-up avait besoin, a déclaré un investisseur de Helsing, qui a requis l’anonymat pour pouvoir s’exprimer librement. « Il n’y a pas de prime dans cet espace et ces drones sont assez banalisés, mais ce n’est qu’avec l’IA et l’autonomie qu’ils changent la donne », a déclaré l’investisseur. « Si vous voulez introduire l’IA dans le secteur des drones, vous avez besoin d’un certain contrôle vertical. »

Peter Quentin a contesté le fait que l’entreprise ait eu du mal à trouver un partenaire. « Nous travaillons en partenariat avec l’industrie dans tous les domaines, chaque fois qu’il est possible d’adopter des approches véritablement définies par logiciel, mais nous refusons de nous contenter de sous-traiter lorsque ce n’est pas possible. »

Les investisseurs ont injecté plus de 100 milliards de dollars dans les start-up de défense depuis 2019, selon Pitchbook, mais seule Anduril, qui a levé 1,5 milliard de dollars pour une valorisation de 14 milliards de dollars cette année, commande des ressources similaires à Helsing. La valorisation de Helsing a grimpé à 4,5 milliards de dollars en juillet après une levée de fonds de 480 millions de dollars auprès des fonds de capital-risque américains General Catalyst et Accel. Cette opération fait suite à une première levée de fonds de 325 millions de dollars auprès d’investisseurs, dont la société d’investissement du milliardaire de Spotify Daniel Ek, depuis le lancement de l’entreprise en 2021.

 

Un paysage incroyablement compétitif

La start-up de défense la plus valorisée d’Europe entre maintenant dans un paysage incroyablement compétitif. Outre les drones fabriqués en Chine qui ont dominé le marché, Helsing est également confrontée à une bataille difficile contre les opérateurs historiques américains tels qu’Anduril, Shield AI et Skydio, qui construisent de petits drones non réutilisables depuis des années. La licorne européenne pourrait également empiéter sur le territoire de ses propres partenaires, tels que Saab, Airbus et le fabricant français de missiles MBDA, qui ont tous leurs propres programmes de drones.

Les start-up du secteur de la défense ont rencontré d’importantes difficultés pour déployer des drones en Ukraine, où l’armée ukrainienne a réussi à fabriquer des milliers de drones à partir de pièces disponibles sur le marché. Les bricolages quotidiens et les mises à jour effectuées près de la ligne de front ont permis à l’armée ukrainienne de tenir tête aux forces russes en matière de brouillage de signaux radio et de technologie GPS qui permettent aux drones de naviguer et de recevoir des instructions de la part des opérateurs. Le niveau de brouillage est si intense que les forces russes et ukrainiennes utilisent désormais des drones reliés par des câbles en fibre optique afin que les pilotes disposent de commandes câblées.

Les drones de fabrication américaine, quant à eux, ont été moins efficaces, nombre d’entre eux s’étant écrasés ou ayant rencontré des problèmes. « Le plus grand défi est la guerre électronique, avec le brouillage et l’usurpation d’identité, et c’est la raison pour laquelle les drones américains ne fonctionnent pas très bien en Ukraine », explique Kateryna Bondar, membre du Wadhwani AI Center au Centre d’études stratégiques et internationales.

Néanmoins, des entreprises comme Shield AI et AeroVironment ont conclu des contrats pour fournir des drones au ministère ukrainien de la Défense. L’entreprise allemande Quantum Systems construit également ses propres drones à Kiev.

« Les entreprises qui essaient de comprendre ce que les Ukrainiens sont en train de réaliser, de savoir où se situe le point idéal, doivent s’engager sur le terrain », a déclaré Andrew Michta, membre de l’Atlantic Council (think tank américain spécialisé dans les relations internationales). « Et franchement, certaines de nos solutions technologiques ne sont pas à la hauteur. »

 

Une orientation surprenante

L’orientation de Helsing en a surpris plus d’un. Le fondateur de Quantum Systems, Florian Seibel, qui avait demandé en vain à Torsten Reil d’investir dans sa propre entreprise de drones militaires, a déclaré que son message était resté le même : la construction de matériel informatique était une course vers le bas en termes de prix. « Il misait tout sur les logiciels », se souvient Florian Seibel. Dans un post LinkedIn supprimé depuis, rapporté précédemment par Bloomberg, Florian Seibel avait critiqué les plans de Helsing pour son nouveau drone, déclarant : « La guerre en Ukraine est mortelle et ne devrait pas être utilisée à mauvais escient à des fins de marketing. »

D’autres fondateurs du secteur de la défense ont averti que la nature du processus d’approvisionnement des armées rendait les logiciels difficiles à vendre. « Vendre un logiciel sans produit matériel est presque impossible », a déclaré à Forbes le fondateur d’une start-up du secteur de la défense. Brandon Tseng, cofondateur de Shield AI, a témoigné devant le Congrès américain en septembre que le département d’État à la Défense traitait souvent les logiciels comme des éléments secondaires dans les transactions basées sur le matériel.

L’entreprise de Torsten Reil aura au moins une longueur d’avance en Ukraine. Elle a ouvert un bureau en Estonie l’année dernière et aurait du personnel travaillant en Ukraine depuis au moins 2023, selon Wired. Il est possible que les drones soient testés en action dès ce mois-ci. Le ministre allemand de la Défense, Boris Pistorius, a annoncé en novembre que 4 000 drones équipés du logiciel d’intelligence artificielle de Helsing seraient donnés à l’Ukraine à partir de décembre.

Il ne s’agira pas du nouveau HX-2 de Helsing, mais d’un modèle moins cher, baptisé HF-1, qui sera fabriqué en Ukraine par la start-up locale Terminal Autonomy, ont indiqué à Forbes des sources proches du dossier. Helsing affirme que ces drones ont déjà été certifiés par le gouvernement ukrainien et qu’ils utiliseront leur technologie d’intelligence artificielle et de vision par ordinateur pour naviguer sur le champ de bataille sans l’aide d’un satellite. La BBC a rapporté plus tôt cette année que le drone Bayonet de Terminal Autonomy coûtait quelques milliers de dollars à produire.

La start-up Helsing a déclaré qu’elle prévoyait d’utiliser son récent financement, l’un des plus importants de l’année en Europe, pour sa recherche et son développement et pour aider à « sécuriser le flanc oriental de l’OTAN ». L’entreprise a révélé peu de détails sur son logiciel basé sur l’IA, se contentant d’indiquer que les outils donnent aux commandants une vue d’ensemble du champ de bataille.

Cependant, Torsten Reil et ses investisseurs semblent désormais parier sur le fait que le matériel est plus facile à pirater que les logiciels. « Nous disons toujours en interne que le saut de capacité que nous voulons faire est toujours multiplié au moins par dix », a déclaré Torsten Reil lors de l’événement de septembre 2023. « Et pour nous, il ne s’agit pas d’une revendication marketing. »

 

Une traduction de Flora Lucas

 


À lire également : AeroVironment, l’entreprise américaine qui tire profit de la guerre en Ukraine pour commercialiser ses drones tueurs

Vous avez aimé cet article ? Likez Forbes sur Facebook

Newsletter quotidienne Forbes

Recevez chaque matin l’essentiel de l’actualité business et entrepreneuriat.

Abonnez-vous au magazine papier

et découvrez chaque trimestre :

1 an, 4 numéros : 30 € TTC au lieu de 36 € TTC