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Guillaume Asskari : « Le numérique peut devenir un outil de cohésion sociale »

Guillaume Asskari

Grâce à Internet « On garde le contact » : cette petite phrase est aujourd’hui possible en quasi instantanée, même à grande distance. Mais que signifie garder le contact ou rester en contact pour les personnes quine maîtrisent pas les rudiments d’Internet ? Cette semaine, j’interview Guillaume Asskari et Ali Jiar du collectif la France Connectée. 

Yann-Maël Larher : Si la télémédecine, le télétravail et le e-commerce sont déjà les grands gagnants de la crise du coronavirus qui sont les perdants ?  

Guillaume Asskari : L’illectronisme touche près de 20% de la population Française aujourd’hui (INSEE). Cette absence de maîtrise des outils numériques s’est fortement accrue pendant la crise de la COVID 19. D’une part, entre les régions bien desservies par nos opérateurs Télécoms et les zones blanches, principalement dans le monde rural, mais également entre nos classes populaires et nos classes plus aisées sur la question des équipements informatiques. En effet, de plus en plus de services essentiels tels que le « click and collect » se sont développés sur les plateformes Internet ce qui a permis aux commerçant de maintenir leurs activités. Des solutions très simples de vente à emporter ont été mise à la disposition des consommateurs leur permettant en quelques clics de répondre leur besoin. La télémédecine s’est également fortement développée pendant la crise. Elle a permis aux médecins de tester la téléconsultation, même dans l’urgence et de suivre les patients. Il est ainsi urgent que nos pouvoirs publics comblent cet écart rapidement entre les zones connectées et les zones mal desservis, pour éviter que nos 13 millions de Français isolés physiquement par la crise le soient aussi numériquement mais aussi socialement puisque ces derniers exemples démontrent que c’est lié.

Yann-Maël Larher : Faire de la France une France « 100 % connectée », c’est l’objectif du Gouvernement mais est-ce qu’il est atteignable ? Les moyens sont-ils suffisants ? 

Ali Jiar : L’objectif affiché par notre gouvernement est une bonne nouvelle mais il faudra d’abord pouvoir répondre à 3 enjeux important.

D’abord l’enjeu de pouvoir déployer les infrastructures et les équipements nécessaires pour que tous nos concitoyens puissent profiter d’internet.

Ensuite, avoir une France « 100% connectée » implique d’avoir des ordinateurs dotés d’applications disponibles chez chaque Français, permettant le travail collaboratif au niveau éducatif mais également au niveau professionnel. Ces solutions techniques doivent également répondre aux standards de sécurité et à la réglementation de protection de nos données RGPD, pour faciliter l’utilisation de ces outils et rassurer les Français quant à leurs usages. Il est en effet regrettable de constater que certaines solutions collaboratives très utilisées pendant la crise, d’ailleurs souvent étrangères, pouvaient présenter des problèmes de sécurité et relancer le débat sur le traitement de nos informations personnelles.

Enfin le soutien de l’Etat doit s’accompagner de formations adaptées car si en plus des exclus du numérique nous considérons nos concitoyens qui ne sont pas à l’aise avec ces nouvelles technologies, nous comptabilisons près de 20 millions de Français. La formation est d’autant plus importante qu’il est nécessaire de former une génération de « citoyen numérique » sensibilisés aux questions de cybermenace.

En effet, la cybercriminalité est largement répandue sur le web pour les particuliers, les entreprises et les collectivités. Les moyens mis à disposition par l’Etat sont certes présents mais insuffisant pour faire face à toutes ces attaques. Les derniers évènements démontrent que personnes n’est épargné par ces cyberattaques : fraude sur internet, usurpation d’identité, vol de coordonnées bancaire, vol de données pour nos entreprises etc… Un plan d’investissement doit être consacré pour parer à ces menaces.

Yann-Maël Larher : On parle beaucoup de la couverture du territoire en équipement comme la fibre, mais comment atteindre ceux qui sont déconnectés faute de compétences ou de moyens ? En quoi consiste l’inclusion numérique ? 

Ali Jiar : Les nouvelles technologies utilisées par nos opérateurs comme la 4G sont aujourd’hui des véritables leviers pour équiper des zones d’activité en forte croissance et avec des besoins numériques croissant.

Avec l’arrivée de la 5G en France depuis ce mois de novembre, les opérateurs annoncent des débits 10 fois plus important que la 4G et avec des possibilités de traitement parfois supérieures à la fibre optique.

Il faut cependant bien valider que cette nouvelle technologie qui utilise plus d’énergie et des hautes fréquences n’a pas d’impact sur notre santé.

Guillaume Asskari : Concernant l’inclusion numérique, c’est un est un processus qui vise à rendre le numérique accessible à chaque individu et à lui transmettre les compétences numériques qui seront un levier de son inclusion sociale et économique. Cela suppose une politique plus égalitaire au niveau des moyens accordés aux territoires et aux villes.

Guillaume Asskari, fondateur de la France Connectée et Ali Jiar, vice-président de la France Connectée et fondateur de l’Ecole Numérique Solidaire des Quartiers
Ali Jiar, vice-président de la France Connectée et fondateur de l’Ecole Numérique Solidaire des Quartiers et Guillaume Asskari, fondateur de la France Connectée.

Yann-Maël Larher : Comment rompre l’isolement des jeunes et des moins jeunes alors que les Français sont invités à rester confinés chez eux ? Être connecté sur internet est-il aujourd’hui un service essentiel ? 

Guillaume Asskari : Alors que l’état, les collectivités, les entreprises, les commerces et les acteurs de santé développent de plus en plus de services essentiels sur internet, que certains réseaux sociaux comptabilisent plusieurs milliards d’utilisateurs actifs qui échangent avec leur famille ou avec leurs amis, il devient difficilement concevable dans notre société de rester à l’écart du numérique.

C’est justement pour rompre l’isolement des jeunes et de ceux qui sont touchés par la fracture numérique (les seniors) que nous avons fondé « La France Connectée ».

Notre collectif, qui a intégré l’école numérique solidaire des quartiers, demande un grand plan national de formation aux nouvelles technologies et de conférences à destination des plus anciens mais aussi des familles les plus éloignés du numérique. Nous sommes persuadés que le numérique peut devenir un outil de cohésion sociale.

Yann-Maël Larher : Vous avez développé des formations pour les citoyens éloignés du numérique et les quartiers prioritaires? Comment ça fonctionne ? Est-ce transposable ailleurs ? 

Ali Jiar : Le gouvernement recrute des conseillers numériques pour former les plus en difficultés avec les nouveaux outils du numérique. Nous soutenons cette démarche. La France Connectée avec l’Ecole Numérique Solidaire des quartiers, nous défendons une inclusion numérique intergenerationnelle. Il faut réduire cette fracture numérique pour éviter de nouvelles inégalités. 

Chaque année notre pays manque de plusieurs dizaine milliers de développeurs. Le constat que je fais en 2014 alors maire adjoint en charge de l’économie et du numérique à la ville de Sevran, ville de 50 000 habitants, c’est qu’un jeune sur deux est en situation d’échec scolaire. Pourtant 90% de ces mêmes jeunes ont dès l’âge de 18 ans accès au numérique via un smartphone avec des usages très connectés. C’est ainsi que j’ai fondé l’ENSQ ou Ecole Numérique Solidaire des Quartiers en faveur des quartiers prioritaires inaugurée 4 ans plus tard à Sevran, et qui forme ces mêmes jeunes sur les métiers de développeur Web très prisés par le marché des startups et des entreprises. L’ENSQ travaille au sein la France connectée pour lutter contre la fracture numérique.

Notre École travaille en effet à faire du numérique un levier d’inclusion  et  de  croissance en France. L’Ecole a été labellisée grande école du numérique avec comme premier soutien l’Etat et pôle Emploi. Nous travaillons à titre d’exemple actuellement avec la ville de Paris et notre partenaire la 3W ACADEMY sur le projet « Paris code ».

Yann-Maël Larher : Comment soutenir vos actions ? Quelles sont vos sources d’inspiration ? 

Guillaume Asskari : Le sentiment d’individualisme et de repli sur soi semble avoir été exacerbé par le confinement et la crise de la COVID 19 en 2020. Ainsi, avant de penser à l’amplification des moyens économiques et matériels je penses qu’il faut d’abord restaurer les valeurs de solidarité et d’humanisme si cher à notre pays.

Les moyens technologiques matériels ou logiciels viendront dans un second temps seulement pour accélérer ces liens de fraternité qui deviennent un des enjeux de notre unité nationale, d’ailleurs rappelée par notre hymne liberté, égalité et fraternité.

Nos sources d’inspiration c’est notre quotidien, servir sans attendre en retour. Pour nous soutenir rejoignez donc notre collectif « la France connectée » pour une inclusion numérique de nos seniors.

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