Avec la fin annoncée des cookies tiers, c’est le secteur publicitaire dans son ensemble qui est forcé de trouver des alternatives à son modèle. Mais certains acteurs tiraient déjà leur épingle du jeu, bien avant ce revirement de situation… Geoffroy Martin, Chief Operating Officer d’Ogury nous explique comment son entreprise avait déjà fait le pari que la collecte consentie des données s’imposerait.
Quand avez-vous rejoint Ogury ?
Geoffroy Martin : J’ai été recruté il y a 5 mois en tant que Chief Operation Officer et mon rôle est de diriger l’ensemble des divisions de l’entreprise : commerciales, opérationnelles, produit. Auparavant, j’ai travaillé chez Criteo notamment pour réorganiser toute leur activité de retail média et trouver des solutions de ciblage publicitaire plus performantes.
À ce titre, le marché autour du retail média connaît une croissance fulgurante. Mais les entreprises de l’Ad Tech qui tireront leur épingle du jeu sont celles qui adopteront une dynamique de respect de la vie privée.
Quelle vision portez-vous sur le secteur de l’Ad Tech ?
Il existe trois catégories d’entreprises de l’Ad Tech. D’une part, il y a les géants comme Amazon, Facebook ou encore Tik Tok qui récoltent des données appelées “First party data”. Ces acteurs capitalisent sur la valeur générée par leur audience captive et se réservent le droit de faire ce qu’ils veulent des données. Et avec l’avènement de la publicité de masse en ligne, de nombreuses entreprises sont intéressées par le fait d’accéder à leur data. Malgré le changement de paradigme en cours, ces géants vont continuer d’être des acteurs majeurs du secteur.
D’autre part, il y a les acteurs traditionnels avec des solutions uniquement basées sur des identifiants publicitaires, comme les cookies. Le problème pour eux, c’est qu’au vu de l’évolution réglementaire notamment autour du RGPD et du CCPA (California Consumer Privacy Act), leur modèle est effectivement amené à disparaître. Certains continuent d’éviter le sujet en continuant de dépenser des millions pour réinventer le cookie. Mais c’est à mon sens une solution qui n’est pas pérenne. Et surtout, bonne chance pour que l’industrie arrive à se mettre d’accord sur un standard commun en la matière.
Enfin, il y a des entreprises plus visionnaires et récentes qui ont compris que le vent tourne. Des solutions comme la nôtre, qui n’ont pas recours à des identifiants tiers. Ogury a misé très tôt sur le fait que le modèle des cookies tiers sur l’internet ouvert allait disparaitre. Et l’annonce récente de Google d’y mettre fin est une bonne chose car les données collectées sur les internautes étaient trop fines. Nous verrons sûrement des acteurs de l’industrie publicitaire tenter de contourner cette mesure en fabriquant d’autres identifiants mais je suis convaincu que cela ne marchera pas pour des raisons industrielles et éthiques.
Comment Ogury procède-t-il pour se passer de la collecte de données ?
Nous savions tous que la fin des cookies allait arriver un jour ou l’autre, et ce n’était qu’une question de temps avant de voir des scandales apparaître comme Cambridge Analytica. Quand vous êtes Meta et que vous disposez de données aussi fines sur les personnes, il y a toujours un risque. Le problème n’est d’ailleurs pas tant les entreprises tierces qui accèdent à ces données – car cela peut encore se faire dans le respect de la vie privée – mais c’est la collecte abusive de données en tant que telle qui doit être régulée. À mesure que la régulation sur les données devient de plus en plus stricte, les marques prennent conscience que des alternatives existent.
Dès la création de l’entreprise en 2014, nous avons fait le pari d’une collecte de données basée sur le consentement strict de l’utilisateur, et depuis 2021 nous nous passons de collecte de données. Nous misons sur l’élaboration de “persona” qui permettent d’identifier clairement les habitudes de consommation sans identifier les personnes en tant que telles.
L’idée est de définir un profil-type à partir de centres d’intérêt comme la musique, le sport ou bien la technologie. Nous effectuons ensuite un ciblage sur la destination, c’est-à-dire là où cette persona consomme son contenu, et non sur la personne elle-même. C’est un modèle pérenne qui fait ses preuves car, d’après une étude en partenariat avec Lumen Research, nos formats publicitaires génèrent jusqu’à 5 fois plus d’attention que la moyenne du marché. À ce jour, Ogury est présent dans une vingtaine de pays à travers le monde, nous comptons 460 employés et 150 nouveaux talents vont être recrutés d’ici la fin de l’année.
Puisque vous ne collectez plus de données, est-ce que celles que vous détenez vous suffisent à identifier les habitudes de consommation de demain ?
Nos données historiques nous permettent d’avoir une stratégie data qui est “future-proof”. Elles sont enrichies grâce à des sondages qui sont proposés aux internautes – sur la base du volontariat – sur des milliers de pages internet, avec des questions adaptées aux personas identifiées. D’ici quelques mois, nous n’aurons d’ailleurs plus besoin de données historiques.
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