Rechercher

Future of Tech | La French Tech est-elle en danger ?

tech
 
En cette veille d’élections législatives déterminantes pour le pays, les acteurs économiques sont inquiets. Il en va de même pour les acteurs de la filière Tech. 
 
 
En recevant à l’Elysée en février 2023 les nouveaux lauréats du Next40/FT120 et d’autres représentants de l’écosystème français des start-ups, Emmanuel Macron avait réaffirmé son soutien à l’innovation technologique. Cette démarche avait certes un aspect communicationnel : il s’agissait sans doute de tirer tout le profit de l’optimisme généré. L’actualité nationale et internationale était déjà bien sombre, et voilà que la centaine d’entreprises en question venait présenter un taux de croissance enthousiasmant (41 % par an en moyenne). 
 
Or, le contexte d’incertitudes actuel pourrait affaiblir considérablement la French Tech. Et au demeurant, le défi en lui-même, en dehors même des aléas politiques du moment, est déjà immense. 
 
 Car notre problématique est d’échelle. Sans rien enlever aux talents des entrepreneurs et de leurs collaborateurs, il faut constater que les 120 pépites françaises représentent un chiffre d’affaires cumulé de seulement 11,3 milliards d’euros, soit une moyenne de moins de 100 millions d’euros par entreprise. Les comparaisons sont parfois cruelles : ce volume total ne représente que 2 % de celui d’Amazon, quand Apple réalise 23 milliards de dollars de chiffre d’affaires avec le seul commerce des AirPods ! L’écart est donc abyssal. Une fois cet abîme considéré, la seule volonté politique française n’est pas suffisante. 
 
Nous parlons d’économie digitale, bien souvent dématérialisée, et pourtant celle-ci nous rappelle aux notions de géographie et de territoire, elles tout à fait matérielles. Les États-Unis et la Chine sont nos grands concurrents, or ils disposent de populations et de territoires d’une toute autre envergure. Notre logique nationale paraît, à leur aune, minuscule. En serait-il de même si nous imaginions associer tous les premiers pays européens au classement des levées de fonds relatives aux nouvelles technologies ? Et si le Royaume-Uni et l’Allemagne, qui occupent respectivement la première et la troisième position – la France tient la deuxième place – s’unissaient pour mettre en œuvre une politique d’investissement de grande ampleur ? Quels que soient les résultats des prochaines élections, il faudra plus que jamais convaincre de l’importance d’un tel rapprochement. Les innovations technologiques rythment nos économies, ce sont elles qui décident de leurs bouleversements. 
 
Le précédent de l’aviation civile est, à ce titre, éloquent. Dans le tournant des années soixante, l’Europe subissait un même éclatement de ses entreprises et de ses industries aéronautiques, et un même abîme concurrentiel avec les Etats-Unis. Elle y a répondu brillamment en réfléchissant à partir d’une notion qu’il serait bon de réactiver : « la masse critique ». Il s’agissait alors de fédérer plusieurs pays – d’abord la France et l’Allemagne, puis le Royaume-Uni et l’Espagne – pour constituer une certaine « masse », mais surtout d’orienter cette masse pour la faire converger vers des objectifs jugés « critiques ». Il y a donc d’une part un seuil critique en-deçà duquel il paraît impossible de rivaliser, mais il y a également, d’autre part, la capacité de piloter ensemble ces fonds et ces expertises. 
 
Ce précédent a beaucoup à nous apprendre. Notre French Tech a un dynamisme insolent, mais à quand sa projection européenne ? La BPI, en s’associant à des entités sœurs européennes, deviendrait un acteur qui supporterait la comparaison avec les investisseurs américains. Il y a urgence, plus que jamais, à créer une BPI européenne ! Une fois cette masse de capitaux constituée, il nous faudra fixer des priorités et ainsi répéter l’un des succès technico-industriel les plus éclatants de l’histoire européenne : Airbus rivalise aujourd’hui avec Boeing. 
 
Les temps à venir sont certes incertains mais il ne faut jamais oublier les succès et la force que nous procure collectivement la coopération européenne. 
 

Vous avez aimé cet article ? Likez Forbes sur Facebook

Newsletter quotidienne Forbes

Recevez chaque matin l’essentiel de l’actualité business et entrepreneuriat.

Abonnez-vous au magazine papier

et découvrez chaque trimestre :

1 an, 4 numéros : 30 € TTC au lieu de 36 € TTC