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Future of Tech | Il nous faut accompagner la révolution robotique qui vient

robotsUK, Burnley, Operator with robot vehicle in battery research facility
 
À voir fonctionner Grace, l’une des créations de la firme hong-kongaise Hanson Robotics, nous découvrons un robot dédié aux personnes âgées qui ne s’impatiente jamais, qui prend soin de nous au moment où nos défaillances sont les plus éprouvantes. Basée à Montpellier, Quantum Chirurgical a mis au point le robot Epione, lequel est capable d’opérer les tumeurs des cancers du foie, parmi les plus virulents. Robeauté, la start-up de l’ingénieur roboticien français Bertrand Duplat, met au point un robot miniature de 1,8 millimètre de diamètre capable d’entrer dans notre cerveau pour y mener des opérations de neurochirurgie à une échelle inimaginable jusqu’à lui. Les robots sont donc déjà là pour nous, pour effectuer ce que nous avons un jour rêvé d’accomplir, mais aussi ce que nous ne voulons plus effectuer.
 
L’ampleur et la diversité du phénomène ne sont pas à minimiser. Une prévision concernant les camions sans chauffeur décrit qu’aux États-Unis, 5,5 millions d’emplois seraient directement concernés par un remplacement robotisé. Uber a passé commande de 2000 robots-livreurs qui rentreront en activité en 2026, à l’instar de Scout, le modèle d’Amazon, ils assureront toutes les livraisons dites du « dernier kilomètre ». Tous les domaines sont concernés et la liste est d’ores et déjà trop longue pour espérer être exhaustif, mais le fait est déjà là : un monde robotisé advient. 
 
Le stock des robots a plus que doublé ces dix dernières années. Dans le monde, pour des tâches toujours plus variées, toujours plus sophistiquées et qualifiées, des robots remplacent déjà des ouvriers, des soldats, mais aussi des ingénieurs. Néanmoins, pendant que cette robotisation s’accélère, nous reculons. Dans les usines tricolores, selon une étude réalisée en 2022, le nombre de robots pour 10 000 employés a reculé de 16% (passant ainsi à 163 unités) par rapport à l’année précédente.
 
Si l’idée d’une réindustrialisation du pays fait consensus sur l’ensemble de l’échiquier politique, aucun de nos décideurs ne semblent pourtant réaliser que celle-ci sera synonyme de robotisation. À titre de comparaison, en Corée du Sud, ce sont 1 000 robots pour 10 000 ouvriers. Le président de la République peut appeler à « réarmer » la nation, mais ne serait-il pas plus concret, pour pallier le manque de main-d’œuvre, de fabriquer des robots et d’assurer la formation des cerveaux qui les contrôleront et les amélioreront ? Avec 800 millions d’euros alloués à la robotisation du pays dans le cadre du plan d’avenir « France 2030 », on semble loin des volumes et des enjeux à venir. Les investissements requis sont-ils même envisageables à la seule échelle de la France ? Ne seraient-ils pas temps de poser cette question à l’échelle européenne ? Après tout, cette technologie de pointe n’est-elle pas en tous points adaptée à nos talents ?
 
En France, nos ingénieurs en robotique sont parmi les meilleurs du monde, mais pour quelles opportunités ? Un pays plus robotisé serait non seulement plus autonome à l’égard des puissances industrielles rivales mais aussi plus compétitif tout en maintenant une partie des emplois dans l’hexagone. Mieux vaut quelques emplois conservés en France et formés aux nouveaux métiers que des pertes sèches d’emplois liées aux délocalisations sauvages. Le philosophe Michel Serres a finalement raison d’écrire que nous sommes « condamnés à être intelligents », nous sommes même condamnés à être plus intelligents que l’intelligence engendrée et conditionnée des robots. Alors, faut-il subir le changement ou le conduire ? 
 
Ce tournant est déjà engagé, alors pourquoi l’ignorer ? De quelle peur ce déni de l’une des transformations les plus magistrales des deux derniers siècles est-elle le nom ? Et si la raison était que nous n’étions pas prêts à penser une société qui ne serait pas conditionnée par le labeur ? Si les robots et leur généralisation nous plaçaient face à une interrogation trop abyssale ? Questions sociales, d’abord : si les emplois se raréfient, comment vivrons-nous ? Faudra-t-il imaginer un revenu universel ? Questions juridiques, ensuite : qui assumera la responsabilité des robots ? Leurs concepteurs ou leurs exploitants ? La robotique est politique puisqu’elle interroge le type de société que nous choisissons.
 
Aujourd’hui, en France, des drones policiers volant à 100 mètres de haut et à 72 km/h sont utilisés pour escorter les manifestations. Dans d’autres pays, comme la Chine, où de tels appareils sont élaborés et montés, cette surveillance va bien au-delà et s’apparente à un contrôle totalitaire des vies et à une négation des libertés individuelles. Un même outil pour deux usages. Ces robots qui se créent, et dont les performances ne cessent de s’affiner, les dédiera-t-on à la sécurité ou à la répression ? En somme, nos robots, comme nos premiers outils, demeurent ce que nous en faisons. Justement, qu’en faisons-nous ? Et s’il n’y avait personne pour répondre à cette question, ne serait-ce pas le plus inquiétant ?


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