Dans ce deuxième volet des aventures de René, notre consultant geek en financement de l’innovation, une question cruciale se pose : pourquoi construire un agent IA quand un super-prompt ultra-détaillé pourrait suffire ?
Rappelez-vous de René : ce consultant en financement de l’innovation, un brin geek, avait découvert les joies de l’IA générative en 2022 en s’aidant de ChatGPT pour rédiger ses dossiers techniques. Puis, en 2025, il s’était lancé dans la grande aventure des « agents IA » en automatisant les différentes étapes de conception de ses dossiers, du recueil d’informations jusqu’au dépôt final.
Pourtant, en plongeant dans le monde des agents, René s’est posé une question fondamentale : « Pourquoi créer un agent quand je peux juste fournir un unique super-prompt ultra détaillé à l’IA ? » René est un geek. Et un geek, ça pense toujours que ses idées sont géniales. Mais heureusement, un geek, ça expérimente. Alors René a tenté l’approche. Il a donc commencé la rédaction de son super-pompt en listant toutes les actions à mener : collecter la documentation, lister les points d’innovation, produire un projet de dossier, réaliser des allers-retours de relecture, etc. Puis il a demandé à son IA générative préférée de tout exécuter d’une seule traite.
Loin d’être farfelue, cette approche « Super-prompt » a fait beaucoup parler d’elle lorsque sont apparues les LLM (Large Langage Model, ou Grands Modèles de Langage comme GPT), capables de gérer d’importants volumes de texte. Alors, pourquoi « perdre son temps » à construire un agent sophistiqué qui enchaîne de manière autonome plusieurs étapes modulaires, alors qu’on peut tout faire en une seule requête ?
La réponse tient en plusieurs points, très évolutifs au fur et à mesure que la technologie mûrit. Mais aujourd’hui, en 2025, les limites de la méthode super-prompt demeurent bien réelles :
La focalisation sur une tâche à la fois reste souvent plus efficace
Les systèmes d’IA classiques (ChatGPT, Claude, o1…) s’avèrent encore plus pertinents lorsqu’ils se concentrent sur un objectif précis et circonscrit. En effet, si on leur demande de mener une longue suite de tâches imbriquées, sans segmentation, ils risquent de s’y perdre ou de commettre des erreurs de cohérence.
Certes, l’arrivée de modèles de raisonnement, comme o1 ou Grok3, et leur grande capacité à gérer des tâches complexes, a progressivement repoussé cette limite (cela fait d’ailleurs d’eux d’excellents candidats pour servir de moteur d’intelligence aux agents, notamment aux briques d’orchestrations gérant la planification des tâches de l’agent). Mais dans la pratique, pour beaucoup d’entreprises – et pour un consultant comme René -, il reste plus sûr de diviser la mission en étapes successives, pilotées ou orchestrées par un agent.
Les contraintes de la « fenêtre de contexte » et de la « fenêtre de sortie »
Pour répondre à une requête, une IA n’a accès qu’à une certaine quantité de texte en entrée (la fenêtre de contexte) et peut produire une sortie limitée en taille (la fenêtre d’output). Chez les géants du secteur, ces limites s’élargissent sans cesse : Gemini 2.0, le dernier modèle de Google DeepMind, peut prendre jusqu’à deux millions de tokens (~1,5 millions de mots, ou une vingtaine de romans complets) en entrée. Google DeepMind définit d’ailleurs ce modèle comme « Built for the agentic era » (« Conçu pour l’ère des agents ») . Claude 3.7 d’Anthropic grimpe jusqu’à 128 000 tokens (~96 000 mots ou un roman complet) en sortie via son API.
Mais on est encore loin d’un prompt infini ! Même si ces chiffres semblent gigantesques, ils restent insuffisants pour enchaîner la totalité des étapes complexes qu’on voudrait confier à une IA, surtout si chacune d’entre elles requiert des allers-retours, la compilation des réflexions numériques de nombreux sous-processus experts, des boucles de rétroactions pour relire, critiquer, améliorer, … D’où l’intérêt de décomposer le travail en différents modules ou micro-tâches, orchestrés par un agent.
Toutes les IA ne se valent pas pour toutes les tâches
L’un des avantages majeurs d’un agent est de pouvoir appeler différents modèles en fonction de la sous-tâche à accomplir. Prenons des exemples très concrets :
• Pour écrire du code, une IA spécialisée (type Codestral, le modèle spécialisé de la startup française Mistral, ou Qwen2.5-coder, celui du géant chinois Alibaba) sera plus performante et/ou moins coûteuse qu’une IA généraliste.
• Pour faire des recherches d’informations, un agent préférera peut-être s’appuyer sur Deep Research (l’agent présenté récemment par OpenAI, avec une déclinaison Open Source créée par HuggingFace) ou sur des concurrents experts dans l’extraction et la synthèse de données.
• Pour un travail purement créatif, type brainstorming ou storytelling, un autre modèle plus « littéraire » et généraliste (comme Claude) sera adapté.
Bref, chaque modèle a ses forces et ses faiblesses, ses coûts et ses contraintes. En unifiant l’ensemble sous la bannière d’un seul et même « super prompt », on impose l’usage d’un seul modèle, qui ne sera probablement pas le plus adapté pour chaque étape du processus. Un agent, lui, est capable de « router » chaque sous-tâche vers la bonne IA ou le bon service spécialisé. On gagne de la performance et de l’argent, alors pourquoi se priver ?
Les agents gèrent aussi des « outils » non-IA
C’est un point que beaucoup négligent : dans un agent, il n’y a pas seulement des briques d’IA. Il y a également l’intégration d’outils traditionnels (CRM, bases de données, fichiers Excel ou Google Sheets, API tierces comme AirBnB ou Stripe, et même des objets connectés ou des robots physiques dans une usine !).
Tant qu’on se limite à un gros prompt unique, on ne peut donner à l’IA qu’un accès limité à ces sources externes. Elle ne peut pas naviguer de manière autonome pour aller, par exemple, récupérer un script sur YouTube, puiser dans vos e-mails ou questionner une autre IA spécialisée. Avec un agent, le système peut planifier, puis utiliser tous ces outils pour exécuter ses actions au moment opportun.
Le contrôle, la robustesse et la reproductibilité du processus
René l’a constaté sur le terrain : avec un super prompt, si l’IA produit un livrable insatisfaisant, on ne sait pas trop pourquoi. Était-ce un manque de clarté dans la formulation ? Une maladresse dans la consigne ? Une erreur logique dans le raisonnement du modèle ?
Quand on utilise un agent, on peut suivre chaque étape de la chaîne de raisonnement, revoir la sortie à mi-chemin, corriger ou remplacer l’IA s’il y a un problème. Cette modularisation offre un contrôle plus fin et un processus plus robuste, surtout pour des tâches critiques (déclaration administrative, diagnostic financier…). On retrouve ici le meilleur de deux mondes : la puissance des IA connexionnistes (fondées sur les réseaux de neurones) ayant une approche émergente et systémique de la connaissance et de la réflexion dans une structure modulaire, quasi symbolique, où chaque brique est isolée et testable.
(Et soyons honnêtes…) C’est aussi la mode des agents
Oui, c’est un clin d’œil, mais il y a un fond de vérité. L’engouement actuel pour les agents IA incite les entreprises à capitaliser sur cette nouvelle approche plus qu’à rester sur le simple paradigme du chatbot. Dans l’industrie tech, la course à la nouveauté fait partie de l’ADN, et les agents IA incarnent la frontière la plus prometteuse du moment.
Même s’il y a l’effet de mode, les agents ont des avantages réels que n’a pas l’approche du prompting. Il reste très pertinent de recourir à un prompt classique pour des tâches simples, ponctuelles ou dont le cadre est assez restreint : rédaction rapide d’un paragraphe, synthèse d’un document court, correction de texte, traduction, etc. En revanche, dès lors qu’il s’agit de mener plusieurs étapes successives, faisant intervenir plusieurs sources de données ou outils, ou nécessitant une forte cohérence et des ajustements en continu (allers-retours itératifs, interactions avec des systèmes externes, etc.), la création et l’utilisation d’un agent IA prend tout son sens. L’agent offre alors une modularité, une robustesse et un contrôle plus fins que le « super prompt » unique, tout en permettant d’orchestrer différentes IA et actions algorithmiques au sein d’un même processus.
René, lui, continue à affiner son offre de conseil stratégique. Son agent gagne en autonomie et commence même à se charger de la relance clients pour les pièces manquantes des dossiers… plus besoin d’écrire ces affreux e-mails de relance ! De temps à autre, il retente un super-prompt par curiosité, nourrissant l’espoir qu’un modèle de nouvelle génération parvienne enfin à tout réaliser d’une seule traite. Mais pour l’instant, l’approche agent reste imbattable.
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