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« Free Our Feeds », ou comment une campagne cherche à récolter 4 millions de dollars pour protéger les réseaux sociaux de l’influence des milliardaires

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Logo de Bluesky. | Source : Getty Images

La campagne « Free Our Feeds », qui bénéficie du soutien de la Mozilla Foundation, travaille avec Bluesky pour s’assurer de la solidité du paysage des réseaux sociaux open source, même si cela signifie une concurrence accrue pour Bluesky.

Article de Richard Nieva pour Forbes US

 

Principal rival de X ayant connu un essor fulgurant depuis les dernières élections américaines, la plateforme Bluesky n’était pas censée être une simple alternative au réseau social anciennement connu sous le nom de Twitter. En effet, cet outil était censé instaurer un nouveau modèle pour les réseaux sociaux, fondé sur une technologie open source permettant aux utilisateurs de contrôler leurs propres données et de les partager librement sur différents sites internet.

Une nouvelle campagne intitulée « Free Our Feeds » (littéralement, « Libérez nos flux ») espère donner une chance à cette vision. Lundi 13 janvier, les organisateurs ont déclaré qu’ils travaillaient en étroite collaboration avec Bluesky pour créer une fondation indépendante à but non lucratif destinée à étendre l’utilisation de l’infrastructure open source sur laquelle l’application a été construite. La campagne a été organisée par une poignée d’organisations axées sur les technologies d’intérêt public, notamment le Better Information Project, la Worker Agency et la Social Web Foundation.

L’idée est d’aider Bluesky à poursuivre sa mission initiale. En 2019, le cofondateur de Twitter, Jack Dorsey, a conçu Bluesky comme un projet de recherche visant à décentraliser les réseaux sociaux. L’entreprise a chargé Jay Graber, aujourd’hui PDG de Bluesky, d’élaborer un protocole, un langage partagé que les ordinateurs peuvent utiliser pour parler entre eux, spécifiquement pour ouvrir le monde fermé des réseaux sociaux. C’est ainsi qu’est né le protocole AT, abréviation de Authentic Transfer. Cependant, après le rachat de Twitter par Elon Musk, le projet de rendre le protocole plus largement accessible a disparu de la feuille de route de l’entreprise. L’équipe a donc utilisé le protocole pour lancer Bluesky en 2023.

Aujourd’hui, « Free Our Feeds » veut s’assurer qu’il existe un écosystème solide d’autres applications sociales basées sur le protocole AT, qui pourraient finir par concurrencer Bluesky. Le groupe cherche à obtenir un financement initial de 4 millions de dollars pour le projet, dans le cadre d’un objectif plus large visant à collecter 30 millions de dollars au cours des trois prochaines années. Le groupe utilisera l’argent pour créer la fondation et mettre en place un deuxième réseau social utilisant le protocole AT (un projet peut-être contre-intuitif qui pourrait faire concurrence à Bluesky).

Toutefois, l’objectif est de s’assurer que le protocole reste indépendant, même si Bluesky devait d’une manière ou d’une autre succomber à la cupidité des entreprises ou aux pressions des intérêts commerciaux soutenus par le capital-risque. L’idée est de donner aux utilisateurs un endroit où aller si Bluesky décide de fermer l’accès des développeurs aux données ou fait l’objet d’un rachat comme celui d’Elon Musk chez X.

 


« C’est véritablement le bon vouloir de ces personnes qui façonne l’univers des réseaux sociaux dans lequel nous vivons. »

Mark Surman, président de la Mozilla Foundation.


 

La fondation engagera sa propre équipe d’ingénieurs pour travailler en étroite collaboration avec les ingénieurs de Bluesky à la mise en place du nouveau service, qui devrait être opérationnel d’ici la fin de l’année. La fondation utilisera également l’argent pour financer d’autres projets de développeurs externes qui s’appuieront sur le protocole. « La fondation veut s’aligner sur Bluesky, mais elle souhaite conserver sa résilience au cas où Bluesky deviendrait une entité hostile », a écrit le groupe dans un document décrivant ses priorités.

Bluesky n’a pas répondu à une demande de commentaire de Forbes.

Les organisateurs de la campagne ont contribué à la constitution d’une équipe de superviseurs qui prendront les décisions de gouvernance pour la mise en place de la fondation, comme l’embauche d’un PDG et le déploiement de l’argent collecté. Ces membres, qui se qualifient eux-mêmes de « gardiens », comprennent les directeurs exécutifs de la Mozilla Foundation, Mark Surman et Nabiha Syed, le fondateur d’Avaaz, Eli Pariser, et Mallory Knodel, directrice exécutive de la Social Web Foundation. Lundi, le groupe a également publié une lettre ouverte signée par des personnes soutenant le projet, notamment Jimmy Wales, fondateur de Wikipédia, l’acteur Mark Ruffalo et Shoshana Zuboff, autrice de l’ouvrage L’Âge du capitalisme de surveillance.

L’objectif à long terme est de s’assurer que l’avenir des réseaux sociaux résiste au contrôle des milliardaires. Le rachat de Twitter par Elon Musk a entraîné un exode des utilisateurs, un boycott publicitaire et une dégradation des pratiques de sécurité et de modération. Les entreprises propriétaires, comme Elon Musk et Mark Zuckerberg (Meta), ont trop de pouvoir pour exercer leur propre influence sur les plateformes, a déclaré Mark Surman à Forbes.

« C’est véritablement le bon vouloir de ces personnes qui façonne l’univers des réseaux sociaux dans lequel nous vivons. », a-t-il déclaré, décrivant la fondation comme une sorte d’« alliance rebelle » pour faire face à des géants comme X et Meta.

Meta a illustré ce pouvoir démesuré la semaine dernière. Mark Zuckerberg a brusquement annoncé que l’entreprise mettrait fin à son programme de vérification des faits (fact-checking) pour Facebook et Instagram, prenant de court les organisations de vérification des faits. Le groupe a déclaré qu’il s’appuierait plutôt sur les « notes de la communauté » des utilisateurs pour contrôler le contenu, de la même manière que X modère ses messages. Cette décision a été critiquée par certains comme une ouverture au président américain élu Donald Trump, qui se plaint depuis longtemps de la censure présumée des points de vue conservateurs et qui a menacé l’année dernière de jeter Mark Zuckerberg en prison.

Depuis l’élection de Donald Trump, Bluesky a connu une croissance massive. Sa base d’utilisateurs a presque doublé pour atteindre 25 millions depuis octobre, date à laquelle la plateforme comptait 13 millions d’utilisateurs, ce qui ne représente toutefois qu’une fraction des 3 milliards d’utilisateurs de Facebook et des centaines de millions d’utilisateurs de X (la société ne divulgue plus le nombre d’utilisateurs depuis qu’Elon Musk l’a transformée en société privée). Le service a également rassemblé un certain nombre d’utilisateurs importants de X, dont l’humoriste Dril et le milliardaire Mark Cuban.

Afin de susciter l’intérêt pour « Free Our Feeds », le groupe a publié la semaine dernière des affiches énigmatiques qui ont commencé à apparaître à San Francisco et à Bruxelles. Les affiches montraient un ciel bleu nuageux et l’URL d’un site internet promotionnel, avec un compte à rebours jusqu’au lancement.

Mark Surman a déclaré que Mozilla et lui-même souhaitaient s’impliquer dans ce projet parce qu’il pense qu’il a une réelle « chance de changer les réseaux sociaux », après que beaucoup d’autres ont essayé au cours de la dernière décennie. « Je suis à fond pour ce projet », a-t-il déclaré. « Je pense vraiment que cela doit être un succès. »

 

Une traduction de Flora Lucas

 


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