Flexibles Et Incertains : Quel Avenir Pour Les Smartphones Pliables ?

Fin 2018, les nouvelles concernant la sortie imminente de smartphones pliables déferlaient. Faisant suite à l’annonce du chinois Royole avec son FlexPai, Samsung et Motorola n’ont pas tardé à présenter leurs prototypes, afin d’aiguiser la curiosité du public. Pourvus de deux, voire même trois écrans pour certains, les smartphones pliables semblent pouvoir se plier telle une feuille de papier. Attendus depuis quelque temps déjà, les smartphones pliables sont bien plus que des gadgets. Ils sont les prémices d’une nouvelle génération de téléphones portables, un souffle nouveau dans un domaine où les évolutions commencent à frôler l’impasse.

Naissance d’une nouvelle génération de téléphones portables

Aussi futuriste que l’écran flexible puisse paraître, il ne constitue pas la partie technique la plus difficile pour les constructeurs. Depuis plus d’une décennie, dans les laboratoires de recherche du monde entier, chez Samsung, Apple, Motorola comme chez d’autres fabricants, dont d’illustres inconnus cherchant à se faire une place sur un marché déjà très dense, les écrans sont pliés, dépliés, formés et déformés dans tous les sens. Ce que nous observons aujourd’hui est comparable à une course aux armements, ou plutôt aux équipements du smartphone, arrivé à maturité, et donnant naissance à des progrès intelligents de certaines composantes des téléphones portables pour faire place à de nouveaux écrans qui se présentent comme de nouveaux produits de consommation.

Le smartphone pliable : qu’y avait-il d’autre à faire pour évoluer ?

Avant de s’attarder sur les solutions techniques qui permettent de plier un smartphone, il est indispensable de se poser la question du pourquoi. En effet, pourquoi les consommateurs auraient-ils besoin d’un téléphone pliable ? Lors de la conférence annuelle de Samsung, l’un des responsables du groupe, Justin Denison,  a répondu à cette question de manière très claire : lorsqu’il est ouvert, le smartphone pliable se présente sous forme de tablette, offrant à l’utilisateur une expérience grand écran. Lorsqu’il est fermé, il devient un téléphone qui s’insère parfaitement dans une poche.

Cette dichotomie n’est pas simplement utile pour les déplacements quotidiens. Dans un univers où les cycles de ces produits sont étroitement liés à leurs tailles, Samsung et ses concurrents ont tout naturellement emprunté une voie qui semblait, avec du recul, tout à fait logique. L’un des professeurs assistants à la Carnegie Mellon University a d’ailleurs confirmé ceci en indiquant que les constructeurs et les scientifiques étaient à court d’idées intéressantes pour faire progresser les smartphones. En outre, le seul moyen de conférer plus d’espace à l’écran est d’utiliser l’arrière de ce dernier de créer un appareil pliable.

Lorsque l’on y regarde de près, l’idée est séduisante. Il est désormais possible de conserver son smartphone en utilisant son écran unique sur un trajet en train ou en métro pour aller au travail par exemple, pour ensuite le déplier en format tablette et lire le journal en étant attablé au bureau ou au café.

Pourquoi avoir attendu si longtemps ?

Il peut paraître étonnant que les constructeurs n’aient pas pensé à développer ce produit plus tôt ! D’ailleurs, il faut remonter jusqu’à 2011 pour retrouver, dans les annonces de Samsung, les prémices d’un smartphone pliable que le Coréen serait le premier à lancer sur le marché. Puis les années ont passé… et toujours rien.

La raison de ce « délai » est plus compliquée que ce que l’on peut imaginer. D’abord, un écran pliable nécessite davantage d’énergie, donc une batterie plus puissante. En l’occurrence, le coût d’un smartphone construit avec de nouveaux matériaux nécessite un processus de fabrication unique, impactant grandement sur le prix que les consommateurs sont prêts à payer pour un tel appareil. Ainsi, lorsque Samsung vantait les avantages des écrans OLED flexibles au début des années 2010, ce n’était pas la technologie de cet écran qui posait problème, mais de toutes les composantes qui l’entourent. Si l’on prend, par exemple, les matériaux nécessaires à la fabrication d’un écran de smartphone OLED transparent, il s’agit de placer des couches de matière organique très minces entre deux électrodes, capables de fournir l’électricité aux pixels, pouvant ainsi les allumer et les éteindre.

Ce matériau conducteur devant également être transparent, l’industrie de la téléphonie mobile s’est largement appuyée sur un matériau appelé oxyde d’indium-étain (ITO). Le problème que les fabricants ont rapidement rencontré est lié au fait que l’ITO est cristallin et qu’il peut difficilement être plié. En outre, il perd sa performance dès qu’il est manipulé et plié de l’avant vers l’arrière.

Il s’agissait, pour les constructeurs, de trouver des solutions différentes, sous forme d’électrode que l’on peut aisément plier. Sans grande surprise, les solutions envisagées étaient loin d’être parfaites. Certains groupes ont utilisé des nanofils d’argent pour créer quelque chose ressemblant à un filet ou à un hamac, dispersés à travers l’écran. Néanmoins, plus les fils se croisent, moins ils sont efficaces en tant qu’électrodes. L’oxyde de graphène a également été envisagé, mais son coût prohibitif l’a rapidement exclu du domaine des possibles.

Il est bien évident que la technologie du téléphone pliable repose sur les capacités de la technologie OLED. Si cette dernière est tout à fait capable de se transformer en film conducteur transparent pour les écrans flexibles, les matériaux adjacents, indispensables dans la composition du téléphone pliable, n’en sont pas encore au même point d’évolution. L’adhésif de connexion optique qui lie entre elles les couches de l’intérieur du capteur tactile ainsi que le capteur à l’OLED lui-même, le couvercle… autant d’éléments qui ont été pensés pour être très résistants et qui ne sont, comme on peut se l’imaginer, pas pliable en l’état. Il est important de prendre en compte le fait qu’un écran pliable et transparent n’est pas une seule et même entité. Le produit fini est un ensemble de différentes couches et de composantes qui doivent former un seul et même tout.

À ce jour, Samsung n’a pas précisé de quel matériau il se servirait pour concevoir son premier smartphone pliable. Les experts soupçonnent également que, à travers le monde, les entreprises résolument déterminées à se lancer sur la vague des « nouveaux téléphones portables pliables » développeront probablement leurs propres méthodes. En 2018, une étude menée par BCC Research indiquait que le marché mondial des écrans OLED flexibles avait plus que doublé entre 2016 et 2017, dépassant les 2 milliards de dollars. L’agence de recherche s’attend à ce que le marché des écrans flexibles quadruple d’ici 2022…

Si une nouvelle vague de smartphones se profile à l’horizon, que peut-on escompter quant à l’avenir des fabricants ?

Les fabricants de smartphones pliables peuvent-ils contourner les lois de la physique ?

Les préoccupations bien réelles concernant les smartphones pliables, déjà évoquées plus haut, notamment la durée de vie de la batterie et le coût de l’appareil, restent bel et bien présentes dans l’esprit des fabricants. Ajoutés à cela, les problèmes inévitables que les smartphones pliables rencontreront lors de leur premier pas sur le marché… Certaines mauvaises langues (ou réalistes cartésiens ?) affirment que le fait de plier quelque chose encore et encore, sur un seul et même endroit, induit nécessairement des contraintes qui finissent par conduire le produit à la défaillance.

Les fabricants de smartphones pliables seraient-ils donc capables de contourner les lois de la physique ? Aujourd’hui, il n’est pas possible de le dire ni de se voiler la face. La réalité veut que les écrans des smartphones pliables seront bien moins protégés que les appareils auxquels les consommateurs ont été habitués. Le nouveau Infinity Flex Display de Samsung, par exemple, ne sera bien évidemment pas construit avec du verre, et devra se contenter d’un polymère pour permettre à Samsung de répondre à sa promesse par rapport à ses clients. L’entreprise affirme néanmoins que le matériau peut être soumis à des ouvertures et des fermetures répétées plusieurs centaines de milliers de fois. À défaut de pouvoir nous permettre des essais répétés, tel que l’on peut les observer sur les tiroirs et les portes des meubles dans les magasins IKEA, nous devons, pour l’instant, accepter les dires des fabricants.

Même sans qu’ils ne soient mélangés à des clés dans une poche, les smartphones pliables seront nécessairement davantage sujets aux rayures. En outre, selon le matériau que les fabricants utiliseront pour pallier ce problème, nous pouvons nous attendre à ce que la luminosité de l’écran ne soit pas la même que celle que nous connaissons aux appareils aujourd’hui.

Que va-t-on faire avec les smartphones pliables exactement ?

La question de l’utilisation que feront les consommateurs des nouveaux smartphones pliables se pose également. Samsung annonce que l’on pourra exécuter jusqu’à trois applications à la fois sur l’écran pliable. Néanmoins, l’utilité ne dépendra-t-elle pas de la manière dont les développeurs travailleront ?

Lorsqu’on leur pose la question de l’utilisation des smartphones pliables, les fabricants ne sont pas à court de réponses. Ils parlent d’une expérience immersive, commençant par exemple avec une vidéo sur petit écran lorsque l’appareil est plié, pour ensuite se plonger dans le grand écran et continuer à profiter des films et des vidéos lorsque l’écran est ouvert. Au fur et à mesure qu’il est déplié, l’écran s’adapte, assurant à l’utilisateur de ne pas manquer une seule miette de ce qu’il regarde, pour une expérience parfaitement fluide.

Avides d’avoir « quelque chose de différent », friands de nouveauté, les consommateurs qui se lanceront sur les nouveaux smartphones pliables seront certainement nombreux. Reste à savoir si les fabricants seront capables de tenir leur promesse… Quelle que soit la tournure des événements, l’avenir des smartphones pliables tiendra à la capacité des fabricants de proposer des produits répondant aux attentes du plus grand nombre…et à leurs rêves les plus fous !