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Facebook : Serait-il Temps D’Un Démantèlement ?

Facebook

Facebook cristallise les griefs contre les réseaux sociaux. Des scandales à répétition en passant par les effets négatifs sur la démocratie ou l’impact sur la population, les géants du Net, et en particulier Facebook, sont la cible de ceux qui veulent les réguler, voire les démanteler.

 

Nul besoin de maîtriser la langue de Shakespeare pour comprendre le titre et mesurer l’intensité de la tribune parue dans le New York Times début mai : « It’s Time to Break Up Facebook »[1]. Outre qu’il s’agit d’un véritable appel au démantèlement de Facebook, l’auteur de ces lignes décrivant avec force détails la personnalité de Mark Zuckerberg n’est autre que Christopher Hughes, ancien bras droit de Mark Zuckerberg et co-fondateur du réseau social.

« Mark n’est pas une mauvaise personne. Ça serait super qu’il puisse résoudre ce problème tout seul, mais ça n’est pas possible… Il est temps de démanteler Facebook. » estime-t-il. Et d’achever son réquisitoire en expliquant, dans une vidéo, que « Facebook est devenu trop gros et trop puissant. Je ne travaille plus pour Facebook depuis longtemps mais je me sens responsable de son évolution. Nous n’avons pas assez réfléchi à la manière dont l’algorithme du News Feed pouvait modifier notre façon de penser, influencer les élections ou donner une telle importance aux dirigeants nationalistes. Et je suis inquiet que Mark se soit entouré d’une équipe qui renforce ses convictions au lieu de les défier. »

 

Une décennie de scandales

Evidemment, une telle crucifixion sur la place publique ne doit rien au hasard. Christopher Hughes, au même titre que les membres du Congrès des Etats-Unis ainsi que les autorités politiques de nombreux pays, sans parler de la mobilisation générale de la presse, se réfère à la décennie de scandales qui ont entaché la crédibilité de ce réseau social tout puissant (2,4 milliards d’utilisateurs – 460 milliards de dollars de capitalisation boursière) :
2007, Beacon, le système de publicité ciblée est accusé d’intrusion dans la vie privée des utilisateurs ;
2010, en ouvrant son réseau à des logiciels extérieurs, Facebook rend possible la collecte de données sans autorisation ;
2013, Edward Snowden accuse Facebook de permettre à la NSA américaine de collecter des données ;
2018, la presse révèle l’influence de Cambridge Analytica (en 2015, cette même société ayant aspiré les données personnelles de 50 millions de profils Facebook) sur l’élection présidentielle américaine et le Brexit.

Sans parler des événements de ces derniers mois de l’année 2019 au cours desquels  Facebook a dû, excusez du peu, faire face à la révélation d’un programme consistant à rémunérer les utilisateurs pour espionner leurs activités sur mobile mais aussi la découverte d’une faille ayant permis à plusieurs entreprises partenaires d’accéder aux conversations privées des utilisateurs. Sans oublier l’absence flagrante de contrôle de la plateforme sur ses contenus après que le terroriste de l’attentat de Christchurch eut diffusé « en live » les images de sa sordide tuerie.

Face à ces dérives qui portent aussi bien sur le non-respect de la vie privée, l’insuffisance de modération des contenus mis en ligne ou la lutte contre les infox, le temps serait-il advenu d’une régulation, voire d’un démantèlement ?

 

Avis de tempête

Impossible pour Facebook, et au passage les autres GAFA, d’ignorer la concentration de ces vents contraires qui finissent par se transformer en avis de tempête. Mark Zuckerberg en personne s’est décidé à monter au créneau pour faire acte de contrition et annoncer un changement de cap[2]. Pour autant, pas sûr que ces contre-mesures suffiront à calmer les esprits alors que Facebook continue de dérouler sa stratégie d’entreprise-monde d’ores et déjà plus puissante et influente que bon nombre d’Etats.

A ce sujet, la récente annonce de la création de « Global Coin »[3], nouvelle cryptomonnaie supranationale, à l’horizon 2020, démontre que le réseau social a pour projet de s’arroger bon nombre de prérogatives régaliennes sous couvert d’innovations censées faciliter la vie de milliards de personnes. C’est pour tenter de contrer l’emprise de Facebook – Chris Hugues décrit le réseau social comme « un Léviathan qui nuit à l’entrepreneuriat et limite la liberté de choix du consommateur », – que les Etats passent à l’offensive. A l’image de Margrethe Vestager, commissaire européenne à la concurrence qui, en 2017, infligea à Google une amende de 2,42 milliards d’euros, pour abus de la position dominante de son moteur de recherche, le département américain de la justice[4] ainsi que la Commission fédérale du commerce semblent bien décidés à contrer la puissance des GAFA.

Dans le cas de Facebook, les griefs se concentrent principalement sur le pouvoir exorbitant de WhatsApp et Instagram. Ces deux réseaux-là, ainsi que Facebook lui-même, ayant cette capacité infinie à collecter des milliards de données à des fins de ciblage publicitaire. Du côté des politiques, la sénatrice américaine Elizabeth Warren[5], proposant d’avoir recours à la loi pour séparer ces plateformes alors que d’autres, milite pour que les futurs rachats d’entreprises par ces géants du numérique soient strictement régulés afin que la concurrence ne soit pas étouffée par ces GAFA désireux de faire méthodiquement disparaître des concurrents potentiels sur leurs propres marchés.

 

Démanteler ou réguler Facebook ?

Pour les adeptes de la solution radicale consistant à démanteler Facebook, il est temps de remettre le génie dans la lampe en ayant recours à la loi. Après tout, et en se référant au seul motif de concurrence déloyale (loi antitrust), de telles décisions ont existé dans l’histoire économique contemporaine, en particulier aux Etats-Unis quand, en 1982, l’ancien monopole de l’opérateur téléphonique AT&T fut démantelé ou, en 1914, quand le tribunal ordonna le démantèlement de la Standard Oil en une trentaine de sociétés indépendantes.

Dans le cas de Facebook, il n’est pas certain qu’un démantèlement pur et simple soit la réponse définitive aux dérives des réseaux sociaux. Au fond, le débat est multiple puisqu’il porte aussi bien sur les sujets de fiscalité de ces plateformes que sur des notions de sécurité ou de propriété des données ou encore de liberté d’expression. Du fait de son poids, il est vrai que Facebook cristallise aujourd’hui l’ensemble de ces enjeux qui témoignent tous que nous vivons encore à l’aube d’une nouvelle ère, celle d’un numérique sauvage. Pour Facebook, comme pour toutes les autres plateformes du même type, il est temps de les domestiquer en les régulant strictement. Ce n’est qu’au terme de cette tentative que l’on pourra mesurer les changements advenus.

Une chose est sûre, et si rien ne venait à changer, nul doute alors que resurgirait la question de leur démantèlement pur et simple. Façon polie de paraphraser la formule de Michel Audiard quand il faisait dire à ses personnages qu’il allait les « éparpiller par petits bouts, façon puzzle».

 

Twitter  https://twitter.com/Boyer_Ph

[1] https://www.nytimes.com/2019/05/09/opinion/sunday/chris-hughes-facebook-zuckerberg.html

[2] https://www.latribune.fr/technos-medias/internet/securite-des-donnees-la-conversion-difficile-de-mark-zuckerberg-816877.html

[3] https://www.latribune.fr/entreprises-finance/banques-finance/facebook-lancerait-sa-crypto-globalcoin-debut-2020-818270.html

[4] https://www.sciencesetavenir.fr/high-tech/usa-les-geants-du-numerique-dans-le-viseur-des-autorites-de-la-concurrence_134190

[5] https://www.latribune.fr/technos-medias/internet/concurrence-l-etau-se-resserre-autour-des-gafa-aux-etats-unis-819293.html

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