Une contribution de Fabien Fouissard, directeur marketing Fujitsu France, GenAI & AI Advisory
Le quatrième pouvoir, tel qu’il est nommé, est depuis la fin du XIXe siècle une réalité essentielle dans nos démocraties. Ancré dans les fondements de la société occidentale, la presse a pour mission d’informer, d’éclairer, de créer un espace de débat public sur la base de données fiables et vérifiées. Cependant, en ce début de XXIe siècle, la presse vit une crise profonde et multiforme, menaçant sa pérennité. Elle se trouve attaquée à la fois sur le plan économique mais également sur le terrain de la confiance qui lui est accordée.
Si en relisant notamment Balzac, on constate que la presse a déjà été confronté à des crises de confiance et de légitimité, aujourd’hui, la crise est protéiforme.
Un travail journalistique mis à mal
Longtemps basés sur la vente d’éditions papier ou d’abonnements numériques, les modèles économiques des médias traditionnels peinent à survivre face à la révolution digitale. Les jeunes générations, en particulier, se tournent vers des formats courts, gratuits, souvent de sources variées et dispersées sur des plateformes comme YouTube, X ou même Twitch.
Cette fragmentation de l’audience a permis l’émergence de nouveaux acteurs qui, bien que souvent innovants, se dispensent souvent des exigences de rigueur et d’authenticité du journalisme traditionnel. En parallèle, les médias, pour une part d’entre eux accordent de plus en plus d’importance aux opinions éditoriales au détriment du journalisme d’investigation, une tendance qui éloigne les journalistes de leur code déontologique originel.
Quand la technologie s’en mêle
À ce contexte s’ajoute une nouvelle vague scélérate : l’arrivée des deepfakes, ces contenus synthétiques, créés par des IA génératives, capables de produire des images, vidéos et enregistrements sonores d’un réalisme sans appel. Les conséquences de ces technologies sont profondes : elles diminuent la capacité des citoyens à discerner le vrai du faux et permettent à des individus, des groupes et même des organisations de manipuler l’opinion publique. Les réseaux sociaux, vecteurs d’une diffusion massive et instantanée, deviennent alors des amplificateurs de désinformation, les algorithmes favorisant les contenus sensationnels au détriment de la véracité.
Pour les journalistes, la question n’est plus seulement de vérifier les faits, mais d’en garantir l’authenticité. Certes, de nouvelles réglementations et des dispositifs de contrôle peuvent être envisagés pour encadrer les contenus en ligne. Mais dans des sociétés démocratiques où la liberté d’expression est fondamentale, toute tentative de régulation est quelque chose à manipuler avec mesure, tant le risque est grand de sombrer dans des pratiques liberticides. Pour cette raison, des initiatives de transparence basées sur la technologie semblent pertinentes.
La blockchain, un contre-feu salvateur
La blockchain, en particulier, pourrait s’avérer être une solution clé dans cette quête de certification et d’authenticité. Par nature, elle permet d’établir une traçabilité inaltérable et publique des contenus publiés. Appliquée au journalisme, elle pourrait ainsi fournir aux médias un moyen de garantir l’origine et la véracité de leurs informations, qu’il s’agisse d’articles, de photos ou de vidéos. Il deviendrait alors possible pour le public de vérifier l’authenticité de chaque publication et de s’assurer que le contenu n’a pas été modifié, recadré ou manipulé. Combien d’images issues de conflits passés sont aujourd’hui réutilisées et présentées comme des preuves actuelles, sans aucune mise en contexte ?
La blockchain offrirait également un cadre de transparence et de traçabilité renforçant la crédibilité, en garantissant la responsabilité de chacun vis-à-vis de ses propos. Dans un contexte où l’anonymat et l’irresponsabilité sont devenus notre quotidien, encourager une prise de parole identifiable et vérifiable permettrait de redonner de la valeur aux débats d’idées tout en respectant les règles de la liberté d’expression.
Mais la blockchain ne saurait remplacer le travail fondamental des journalistes : enquêter, vérifier les sources et rapporter les faits. Il est donc crucial que cette transition technologique s’accompagne d’une réaffirmation des valeurs éthiques de la profession et d’une éducation accrue des nouvelles générations à l’analyse critique et à la vérification des sources. Restera la question cependant du modèle économique.
Il est de notre responsabilité de ne pas laisser la désinformation s’imposer, mais de tirer parti des innovations pour défendre un droit fondamental : celui à une information fiable et authentique.
Et pour ceux qui regretteront, à juste titre, la nécessité de devoir commencer à certifier le réel avec de la technologie pour lutter contre la technologie, la bonne nouvelle est que les blockchains sont de moins en moins énergivores.
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