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EXCLUSIF | Les bonnes feuilles de la biographie de Jeff Bezos

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Jeff Bezos. | Source : Getty Images

Le 16 mars prochain, sortira la biographie de Jeff Bezos (L’Archipel, 2023), signée Luc Mary qui avait déjà raconté la vie d’Elon Musk dans un précédent ouvrage. Inventeur génial réfractaire au dialogue social, le fondateur d’Amazon rêve de donner un tour nouveau à la conquête de l’espace. Forbes.fr vous livre, en avant-première, la conclusion de cette biographie-vérité, ni complaisante, ni hagiographique.

(Extraits)

Automne 2022. Rien ne va plus dans la galaxie Bezos. En l’espace de quelques semaines, l’une de ses fusées s’écrase dans le Texas, son entreprise phare Amazon dévisse à la Bourse et une femme de ménage employée dans sa villa de Seattle le poursuit en justice. Après avoir été au faîte de sa gloire, il traverse une tempête sans précédent. Échecs cuisants, pertes financières, tensions sociales, les déboires s’accumulent dans la vie du célèbre entrepreneur. Une fois n’est pas coutume, tous les voyants sont au rouge. L’année 2023 va-t-elle sceller la consécration ou l’éclipse de l’astre Bezos ?

 

 

La tête et le cœur

Jeff Bezos est-il un dieu prédateur qui dévore ses enfants pour mieux exercer son pouvoir ? C’est tout au moins l’image qu’aimeraient propager ses nombreux détracteurs. À lui seul, un épisode de sa jeunesse illustre on ne peut mieux le caractère peu amène du fondateur d’Amazon et de Blue Origin. En 2010, lors d’une cérémonie de remise des diplômes aux étudiants de l’université de Princeton, Jeff Bezos raconte sans sourciller avoir sermonné sa grand-mère autrefois, lorsqu’il avait dix ans, car elle fumait trop en voiture. Mais là ne s’arrêtent pas ses reproches. S’appuyant sur des statistiques de mortalité selon lui très crédibles, le jeune Bezos aurait calculé le nombre d’années de vie que l’abus de cigarettes retranchait à sa « divine » grand-mère, déjà accablée par un cancer : neuf pour être exact. Et le petit diable de le lui annoncer ! Bezos précise sans regret qu’elle fondit en larmes. Voyant son épouse effondrée, le grand-père dut arrêter son véhicule et sermonner à son tour son petit-fils : « Jeff, un jour tu comprendras qu’il est plus difficile d’être gentil qu’intelligent. » Quarante-trois ans plus tard, loin de faire son mea culpa, l’intraitable entrepreneur en tire une tout autre leçon : « L’intelligence est un don, la gentillesse est un choix. »

La dimension humaine, voilà bien le talon d’Achille de notre talentueux entrepreneur. Assurément, l’homme de tête a éclipsé l’homme de cœur. Preuve en est cette affaire épineuse avec une employée de maison hispano-américaine. Le 1er novembre 2022, Mercedes Wedaa a en effet porté plainte contre le milliardaire. Elle aurait travaillé trois années durant dans la luxueuse villa des Bezos, dans la région de Seattle. Selon ses dires, les conditions de travail y étaient exécrables. Non seulement elle n’avait pas le droit de se trouver dans la villa en présence des Bezos si elle n’utilisait pas son balai, mais elle travaillait comme une stakhanoviste et ne pouvait même pas se reposer une minute pour aller aux toilettes. Pause-pipi interdite à l’intérieur même de la résidence ? L’info paraît invraisemblable, elle n’en est pas moins scandaleuse. Pour se soulager, Mercedes Wedaa devait en effet faire preuve d’une grande agilité en escaladant la fenêtre d’une buanderie, puis en sautant dans un étroit chemin avant de courir le plus rapidement possible pour atteindre les toilettes des jardiniers. Un vrai parcours du combattant, mais surtout une démonstration du caractère intraitable de l’ambitieux entrepreneur…

En attendant le résultat de cette peu glorieuse affaire de femme de ménage, Jeff Bezos voit en cet automne 2022 ses deux entreprises phares prendre l’eau. Non seulement une fusée New Shepard s’écrase sur le sol de son célèbre ranch de Van Horn mais sa maison-mère Amazon a du grain à moudre à la Bourse. En l’espace de dix-huit mois, la valorisation boursière de la reine de l’e-commerce a dégringolé de 1 000 milliards de dollars. Jeff Bezos a perdu lui-même 83 milliards de dollars. Serait-ce un juste retour du destin ?

2023, année du grand retournement ?

12 septembre 2022. Au petit matin de ce lundi ensoleillé, le vaisseau de Blue Origin s’élance vers l’infini. A priori, un énième vol de routine. Mais le voyage vers les étoiles tourne court. Une minute et deux secondes après le décollage, le lanceur se décroche en effet de la capsule et rejoint le plancher des vaches sans se poser sur le sol à la verticale, comme à l’accoutumée. En un mot, il explose. Pour la première fois depuis le début des envols de New Shepard en 2015, le lanceur s’écrase dans le Texas comme une vulgaire météorite.

Fort heureusement, cette mission, la vingt-troisième du nom, était inhabitée. La capsule, à défaut de passagers, ne transportait que des équipements scientifiques. Elle est d’ailleurs revenue intacte au sol au moyen de ses trois parachutes. Il n’en demeure pas moins que, pour Blue Origin et son célèbre fondateur, le choc est rude. C’est le premier échec en vol depuis près de sept ans. Faisant contre mauvaise fortune bon cœur, la direction de Blue Origin déclare qu’« il n’y a pas de blessés » avant d’ajouter « l’échec du lanceur provient d’un dysfonctionnement. Avec tant de lancements, de moteurs et de lanceurs en développement dans le secteur, un tel événement ne devrait pas étonner », se rassure Jared Isaacman, le directeur des opérations spatiales de Blue Origin. En attendant les résultats de l’enquête de la FAA 1, les futurs vols de New Shepard sont néanmoins suspendus…

Un malheur n’arrivant jamais seul, Jeff Bezos apprend quelques semaines plus tard le « désorbitage » d’Amazon à la Bourse. En l’espace de dix-huit mois, sa capitalisation financière a fondu de 1 000 milliards de dollars. Comment expliquer un tel retournement ? Après une année 2020 euphorique, Covid oblige, Amazon connaît en effet un fort ralentissement de ses activités, pour ne pas parler d’un véritable coup de mou. Il semblerait que les Terriens, passé cette pandémie inattendue, aient recouvré leurs esprits et repris leurs habitudes d’antan. Fini les achats à distance sur le Web, retour au contact humain. Pour couronner le tout, l’inflation a corsé la note. Du stockage au transport des marchandises, tous les prix se sont envolés.

Derrière ce « grand retournement », peut-être un grand rebondissement, pour ne pas dire un ultime rebond. Après tout, avant Jeff Bezos, les milliardaires Steve Jobs, Mark Zuckerberg, Bill Gates et même l’inévitable Elon Musk ont connu d’énormes déboires financiers. Ils en sont tous sortis grandis et renforcés dans leurs convictions, leurs passions et leurs réalisations. Gageons que ce provisoire passage à vide sera le tremplin d’une nouvelle ère… celle d’une ascension désormais irrésistible.

 


  • Luc Mary, historien, est l’auteur de nombreux ouvrages dont, aux éditions de l’Archipel, 100 idées reçues sur la conquête de l’espace (2019) et Elon Musk, l’homme qui invente notre futur (2021).

 

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