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Et si on mettait un peu d’humain dans ce texte ?

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La semaine passée, en navigant sur LinkedIn, petit moment d’effarement : une personne proposait des prompts capables de rendre plus humains des textes générés par l’IA. Une question se pose : jusqu’où irons-nous en matière d’absurdité ?

Une contribution de David Benguigui, Directeur marketing & communication 360 IONIS Education Group et vice-président du CMIT

 

Si on analyse les logiques mises en œuvre, nous avons donc un humain qui, pour produire du contenu, va solliciter une IA, autrement dit une machine. Ce même humain se rend compte que ce contenu est machinique. Qu’à cela ne tienne, il va alors écrire un prompt (l’histoire ne dit pas si ce prompt n’a pas lui-même été généré par une machine) qu’il va envoyer à cette IA pour qu’elle humanise un texte initialement généré par elle. Que cela dit-il de nous et, plus globalement, de la société ?

 

Au commencement était le verbe

Démarrons par un petit rappel : une des vocations de l’écriture est de faire passer des émotions, de faire preuve de créativité. À travers l’usage de la machine, on s’affranchit de cet usage ancestral. Nous répondons en effet à une nouvelle injonction : remplir des contenants de plus en plus nombreux et de plus en plus voraces. Dans cette course effrénée, plutôt que l’artisanat, on privilégie l’industrialisation. On recourt donc à la capacité inégalable de la machine à produire des contenus en quantité et rapidement. Pour une marque souhaitant conserver une forme de cohérence, c’est du pain béni. Elle peut en effet donner des directives à la machine pour qu’elle produise des contenus homogènes, aussi bien dans le style que dans le ton. Peu importe qu’ils soient dépourvus de l’imperfection humaine qui les rend vivants et qu’ils en deviennent fades et monotones. Fini la polyphonie des textes, les différences de style, la capacité à susciter de l’empathie, à se connecter au lecteur à travers l’émotion. Adieu les nuances savamment distillées en fonction de la cible à laquelle on s’adresse, le sens critique, etc.


Faire machine avant pour mieux faire machine arrière

Revenons à notre postulat : semblant oublier sa propre nature, l’humain choisit de recourir à une machine pour « humaniser » un texte. On peut juger cette situation absurde, improbable, anxiogène, elle n’en reste pas moins réelle. Ces milliards de lignes et de signes humanisés à coups de prompts ne risquent-ils pas de contribuer à la prolifération de la désinformation ? Jusqu’à présent, il était plutôt facile de déceler un contenu généré par une IA (qui n’a jamais bâillé d’ennui devant une litanie de phrases répétitives et plates calibrées pour le SEO ?). En ajoutant une touche d’humanisation, n’allons-nous pas complexifier la détection des contenus fake ? Ils pourraient ainsi gagner en visibilité, en viralité et mieux duper le lectorat.

C’est d’autant plus absurde que les citoyens-consommateurs aspirent à plus d’authenticité, de transparence. Comment garantir ce contrat de confiance entre marques et consommateurs en recourant à des textes générés par une IA, saupoudrés de prompts destinés à les humaniser ? Le résultat risque d’être pour le moins indigeste. Un peu comme ces conversations forcées avec ces chatbots de SAV qui, malgré plusieurs couches de maquillage sémantique, tournent rapidement en rond et finissent par faire regretter l’absence d’un être de chair et de sang au bout du clavier.

Ces frontières de moins en moins étanches entre contenu généré par un humain et contenu généré par une machine ne manquent pas non plus de poser un certain nombre de questions éthiques et sociétales. Au même titre que les aliments trop gras ou trop sucrés sont étiquetés pour souligner leur potentielle nocivité, si nous voulons sauver nos démocraties, il va devenir essentiel d’identifier les textes et, plus globalement, les contenus générés via une IA. La Commission européenne a d’ailleurs appelé les principales plateformes en ligne, telles que TikTok, Facebook et Instagram, à le faire.


Une collaboration risquée ?

Contre toute attente, au même titre que le pharmakon, à la fois remède et poison, la solution viendrait-elle des machines elles-mêmes ?

Après tout, la machine a parfois du bon. À titre d’exemple, Google a récemment pénalisé des sites dont les contenus semblaient avoir été créés pour les moteurs de recherche et non pour les lecteurs. En résumé, bien que ce soit ubuesque, une machine a détecté et sanctionné des contenus générés sciemment par une IA pour être indexés par d’autres machines.

Alors, quels usages pourrait-on faire des machines en matière d’écriture ?

Bien que cela semble paradoxal, l’IA est capable de stimuler la créativité grâce à sa capacité à assimiler, analyser et synthétiser d’immenses quantités de données. Dans une certaine mesure, elle peut également améliorer l’efficacité en vérifiant des faits, en révisant des contenus, en les traduisant dans d’autres langues et en s’affranchissant ainsi de barrières qui, auparavant, semblaient indépassables. Toujours grâce à sa capacité à analyser de grandes quantités de données, notamment le comportement des consommateurs, elle peut générer des contenus plus individualisés donc en principe plus percutants, plus impactants. Cela tombe bien, clivant et ultra personnalisation sont dans l’air du temps.

 

L’humain lit déjà de moins en moins. Avec l’accélération de l’IA, il risque d’écrire de moins en moins. En perdant deux de ses attributs, ne risque-t-il pas de se commuer en machine ? Nous assistons en effet à un point de bascule. Les machines, à force de mimétisme, deviennent de plus en plus humaines tandis que l’humanité, à force de recourir à des machines, perd ses caractéristiques humaines pour mieux se machiniser. Gardons cependant espoir et ne sombrons pas dans la dystopie. Après tout, si l’on en croit Paul Valéry, « L’homme est absurde par ce qu’il cherche, grand par ce qu’il trouve. »


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