Le monde tel que nous le connaissons a subi des bouleversements sans précédent et change à une allure qui peut être déstabilisante. Les répercussions positives ou négatives des changements entrepris dépendent de notre volonté collective et de la réactivité avec laquelle nous les mettons en œuvre. Sans Internet, il aurait été impossible de relever les défis auxquels nous avons été, et continuons d’être, confrontés depuis ces derniers mois. Par Mitchell Baker, CEO de Mozilla Corporation.
Cette crise a porté sur le devant de la scène le meilleur de l’humanité, tout en révélant parallèlement la montée en puissance de la désinformation, de pouvoirs obscurantistes, de surveillance accrue des populations ou encore du phénomène de « shaming » sur le Web. Avec un défaut de transparence notoire, les acteurs du Web et plus largement des nouvelles technologies ont trop souvent pour but de manipuler les internautes à des fins lucratives pour leurs organisations mais préjudiciables pour la majorité des internautes. Cela ne peut plus durer.
Ayant adopté une approche centrée sur l’internaute dès les balbutiements d’Internet, je sais combien il est difficile de se sentir impuissant face à l’inertie — jusqu’à ce que soudainement, ce ne soit plus le cas. Des individus armés de bonne volonté et les technologies à notre disposition ont le pouvoir de changer le monde rapidement. Chez Mozilla, nous croyons fermement que les spécialistes et entreprises du Web possèdent une vraie responsabilité et doivent commencer à construire différemment leurs produits et solutions. Tout comme les citoyens qui ont le devoir de faire entendre leur voix. Seule l’union de ces deux « forces » peut conduire à des changements d’envergure. Et c’est pourquoi il apparaît impératif d’entreprendre cinq chantiers fondamentaux pour qu’Internet corresponde également aux valeurs portées par l’expression : le monde d’après.
Garantir la sécurité et la fiabilité du Web — Les informations personnelles doivent être protégées contre les pirates informatiques, les espions et l’ensemble des tiers, le trafic web circulant en toute sécurité vers et depuis les banques, cabinets médicaux et entreprises.
C’est pourquoi « Let’s Encrypt », une alliance que Mozilla a aidé à fonder, offre désormais une sécurité accrue à plus de 85 % des transactions Web — en ajoutant les « s » automatiquement dans « https:// » – et prouvant ainsi qu’une amélioration de la sécurité à grande échelle est possible. Nous souhaitons aller plus loin en proposant par exemple que les sites de visioconférence garantissent des protections de sécurité plus approfondies contre les intrusions.
Proposer un commerce équitable des données — Pour mettre fin à cette pandémie, nous pourrions tous avoir à fournir des données concernant notre santé, mais cette autorisation devrait être l’exception et non la règle. Aujourd’hui, les grandes entreprises technologiques utilisent nos données pour servir des pratiques de marketing digital ciblé, les gouvernements les utilisent pour nous surveiller et les outils de machine learning les extraient par téraoctet — le tout sans presque aucune surveillance. De nouveaux modèles de propriété des données tels que les fiducies de données proposent déjà des alternatives. Il est temps de construire un monde où les individus sont en mesure de garder le contrôle de leurs données en les conservant pour leur usage propre mais aussi en leur offrant la possibilité de les rendre disponibles au domaine public ou de les échanger contre des avantages commerciaux, s’ils en ont envie.
Promouvoir un contenu digne de confiance — L’Internet de demain doit pouvoir aider à la protection des individus contre la désinformation en modifiant les incitations des plateformes de contenu et en offrant aux utilisateurs plus de choix. Des plateformes comme Facebook et YouTube ont pu au cours de la crise démontrer qu’elles avaient le pouvoir de diriger les internautes vers des informations précises, et ont pris des mesures pour modifier des algorithmes afin d’empêcher la désinformation de devenir virale. Sur un Internet repensé, les plateformes de contenu pourraient aller beaucoup plus loin en développant des pratiques d’IA plus transparentes et en travaillant aux côtés des chercheurs et des gouvernements pour empêcher la propagation de la désinformation avant qu’il ne soit trop tard.
Défendre le respect en ligne — Durant cette crise si les internautes ont pu démontrer une plus grande bienveillance entre eux, nous avons malgré tout constaté que les pratiques de « shaming » sur le net restent malheureusement bien ancrées. Il est temps de créer des produits qui rejettent les appels à l’indignation pour susciter l’engagement. Nous voyons déjà des entreprises unir leurs forces pour instituer des codes de conduite lors d’événements et de forums en ligne. Afin d’améliorer Internet, les réseaux sociaux devraient disposer de normes éthiques et d’outils intégrés permettant d’identifier et de mettre fin au harcèlement et aux menaces de violence.
Préserver le principe d’accessibilité universelle — Il est désormais évident qu’il est important que tout le monde ait accès à Internet, mais les lacunes en matière d’infrastructures persistent dans le monde entier. Des milliards de personnes ne disposent pas d’un accès direct à Internet et beaucoup d’autres ont du mal à se payer une connexion, même de base. Sans accès à haut débit, certains élèves sont laissés pour compte, la possibilité de travailler à distance pour leurs parents est retirée et la possibilité de participer à un nombre croissant d’activités de la vie sociale disparaît. Il est donc temps de mettre en place un écosystème de fournisseurs de services incluant à la fois les grands fournisseurs d’accès Internet, les réseaux municipaux, réseaux communautaires et coopératives. De nouveaux modèles réglementaires, techniques et financiers doivent être élaborés et mis en œuvre.
Dans le monde tel que nous le connaissons aujourd’hui, il apparaît que des spécialistes des nouvelles technologies, entrepreneurs, décideurs politiques et pionniers de toutes sortes se mobilisent pour construire la prochaine génération de produits et services pour une vie en ligne plus sûre et respectueuse des internautes. Il s’agit d’un début et nous devons aller encore plus loin. Améliorer la vie des internautes sera un effort conjoint mené par de multiples acteurs. Mozilla s’engage à faire tout son possible pour travailler conjointement avec l’ensemble des acteurs du Web qui veulent créer des produits et des expériences en ligne qui valorisent le meilleur de la nature humaine.
Il y a longtemps, nous formulions l’espoir qu’un jour, la vie en ligne deviendrait indissociable de la vie réelle. La crise du COVID-19 a révélé que ce jour est arrivé. Nous avons maintenant la responsabilité d’améliorer non seulement la qualité du temps que nous passons sur le Web mais aussi la vie elle-même.
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