Est-ce la faute des femmes si elles sont si peu représentées dans la Tech ?

“Les femmes ne représentent que 16 % des salariés dans les métiers Tech et 8 % des entrepreneures Tech”* et lorsqu’elles sont CEO d’une start-up, elles lèvent deux fois moins d’argent que les hommes !

En tant qu’entrepreneure et CEO de Trustt, Nadia Gabriel revient sur cette réalité, celle de se sentir comme une “espèce rare” dans un univers hyper masculinisé. Cependant, dans ce parcours semé d’embûches, certaines initiatives l’ont aidé à percer ce plafond de verre et à se lancer dans l’univers de la Tech…

*Etude du cabinet de recrutement Digital Urban Linker, 2017.

Être une femme dans la Tech, c’est quoi ?

Lorsqu’on est une femme et que l’on décide de devenir CEO d’une start-up qui développe un outil SaaS, il faut s’attendre à rencontrer certaines frictions, souvent subtiles et invisibles… Surtout, lorsque l’on ne vient pas d’une filière scientifique, ou d’une formation d’ingénieure, censée mener tout droit à ces métiers d’experts de la Tech : data Scientist, développeur, growth hacker…

Non, je n’ai pas eu ce parcours ! Je me suis laissée porter par ma passion pour les démarches customer centric et par ma curiosité – celle de comprendre les attentes des marques et de trouver des solutions complètes et pertinentes pour répondre à leurs besoins. De ces constatations est né un logiciel SaaS ultra complet qui permet d’engager des contributeurs au service du développement des marques.

Mais ce chemin, on ne le fait pas seule… Les rencontres – celles qui vous challengent, qui vous mettent en défaut ou qui vous portent – sont toutes aussi formatrices ! C’est le moyen d’apprendre sur ce secteur à haute valeur ajoutée qui a – et qui aura longtemps – un impact financier et politique majeur dans nos sociétés. Pour le comprendre, il suffit de se tourner vers les Gafam et leurs entrepreneurs devenus des références iconiques en matière de capitalisation (chacune d’elles dépasse 1000 milliards de dollars !). Ainsi, on prend conscience que se lancer dans l’entrepreneuriat et dans la Tech, c’est aussi une question de prise de pouvoir, même à petite échelle…

Des raisons d’ordre socio-culturel

En 2022, en tant qu’entrepreneures, nous sommes encore une “espèce rare” dans l’univers de la Tech ! “Dans les métiers du numérique, 23% des effectifs sont des femmes” selon le rapport de l’association Femmes@Numériques de 2020. Et même dans ces cas-là, elles sont plus souvent présentes dans le secteur tertiaire (communication, marketing…) que dans les métiers purement techniques !

Quelles en sont les raisons ?

Difficulté pour faire “sa place” dans un univers majoritairement masculin ? Comportement grégaire ? Voire même, insécurité physique ou harcèlement sexuel au travail ? On ne peut pas faire confiance à une jolie femme ayant un “look féminin” (D’ailleurs, ça veut dire quoi “avoir un look féminin” ?) ? First Round – State of startups 2019 rapporte que “49% des femmes dans la Tech déclarent avoir fait l’expérience de harcèlement sexuel au travail, ou connaitre quelqu’un qui en a fait l’expérience”.

Mais souvent, d’autres questions plus personnelles s’ajoutent à ce constat déjà bien assez désastreux…

Suis-je vraiment légitime d’aller vers un métier Tech “si pointu” ? En tant que femme, puis-je manager une équipe de développeurs ? Dans la tête des femmes qui mettent le pied (ou le talon) dans l’univers de la Tech, ce sempiternel syndrome de l’imposteur prend vite une grande place ! Car sur le plan purement technique, la femme est souvent plus challengée que les hommes. Et quand elle réussit, une femme ambitieuse est vite jugée arrogante car elle doit être plus forte, plus résistante et surtout, plus motivée qu’un homme !

Il est donc ardu de surfer entre toutes ces marques d’inégalité de genre inconscientes ou non…

Et ceci n’est pas sans conséquence sur les femmes CEO qui souhaitent effectuer une levée auprès d’investisseurs (hommes souvent !). Ainsi, il m’est arrivée, face à un business angel, d’avoir cette question assez étonnante mais tellement éloquente : “Comment organisez-vous vie pro et vie perso ? Parce que j’aimerais bien que vous donniez des conseils à ma femme !” De ce fait, les femmes doivent plus batailler que leurs homologues masculins pour fournir des “preuves” de leurs compétences. D’ailleurs, les femmes, sont-elles vraiment capables de prendre des risques ?

Pourtant, selon une étude de 2018 du cabinet Boston Consulting Group qui porte sur 350 entreprises, “les start-ups dirigées par des femmes génèrent en moyenne 10% de plus de chiffre d’affaires au bout de 5 ans” alors que “des start-ups dirigées par des hommes lèvent en moyenne 224% de plus que celles dirigées par des femmes” ! Par conséquent, “plus de 90% des fonds levés l’ont été par des start-ups fondées par des hommes” (Collectif Sista, 2020).

Comment percer le plafond de verre ?

Inconsciemment, la femme va souvent là où on l’attend et c’est là où le bât blesse ! Pourtant, beaucoup d’initiatives sont mises en place par des associations, des réseaux, des médias et des programmes de formation pour inverser positivement cette tendance et déclencher des vocations chez les femmes.

“Elles bougent”, fondée en 2005, est une association qui fait découvrir aux femmes les métiers d’ingénieures et de techniciennes. De nombreuses entreprises et établissements d’enseignements supérieurs les rejoignent pour susciter des vocations et dire que “oui, ces métiers Tech leurs sont accessibles !”.
L’association “Duchess France”, depuis 2010, organise des évènements et des ateliers pour valoriser et donner de la visibilité aux femmes ayant des profils Tech.
Willa, accélérateur de projets innovants, accompagne les femmes dans leur envie d’innover et d’entreprendre en les inspirant et en les formant à travers des programmes et des formations.

Et beaucoup d’autres, souvent fondées par la volonté même de femmes audacieuses !

Une espèce rare mais pas en voie de disparition !

Les femmes dans la Tech ? Une espère rare mais de moins en moins ! Grâce à la volonté de ces femmes inspirantes, fondatrices ou dirigeantes de start-up, ingénieures, business angel… qui ont osé – avec succès – casser ce plafond de verre.

Avec leur mantra “compter les femmes pour que les femmes comptent”, le collectif Sista oeuvre au quotidien avec notamment 2 axes :

Sista Entrepeneure – qui a pour objectif de constituer une communauté de femmes fondatrices sur laquelle s’appuyer pour évoluer dans le monde de l’entrepreunariat
Et la mise en avant annuelle de 10 femmes qui illuminent la French Tech. Ces “modèles féminins” proposent des projets toujours innovants, dans l’air du temps, avec souvent un objectif philanthropique.

Montrer des exemples de réussites féminines dans la Tech influence significativement la tendance des jeunes femmes à oser se lancer !

Dans le domaine de la data et des algorithmes, pensons aussi à Aurélie Jean – docteure en sciences et figure montante dans l’univers de la Tech. Cette ingénieure-chercheuse pointe l’importance de la mixité chez les concepteurs d’algorithmes qui sont quasiment utilisés dans toutes les industries. Comme nous transmettons les biais de genre dans les choses que l’on conçoit, il est important de construire des algorithmes qui incluent les besoins des femmes afin qu’elles ne soient pas les oubliées du monde de demain !

Mais malgré ces multiples initiatives, je suis encore étonnée que la France – pays dont l’égalité est gravé dans la devise « liberté, égalité, fraternité” – ne soit qu’au 5ème rang pour l’égalité femmes-hommes dans le monde professionnel, juste derrière la Suède, l’Islande, la Finlande et la Norvège (étude “Glass Ceilling Index” de The Economist) !

Mais restons optimistes – ce que je suis fondamentalement – tout est possible ! Je suis certaine que l’avenir nous appartient et que ça vaut le coup de se lever chaque matin pour œuvrer quotidiennement à la construction de l’entrepreunariat avec une richesse des profils pour répondre au mieux aux enjeux business et sociétaux de demain !