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Éric Bonnet-Maes, PDG de LexisNexis France : « Nous ne remplaçons pas les juristes avec l’IA, nous les augmentons »

Éric Bonnet-Maes, PDG de LexisNexis France
Éric Bonnet-Maes, PDG de LexisNexis France

L’intelligence artificielle bouleverse tous les secteurs du monde du travail et les métiers juridiques ne font pas exception. C’est ce que délivre comme analyse Éric Bonnet-Maes, CEO Continental Europe, Middle East and Africa (CEMEA) de LexisNexis et PDG de LexisNexis France dans cette interview exclusive pour Forbes France.

Depuis combien de temps êtes-vous chez LexisNexis et quel est votre rôle actuel ?

Éric Bonnet-Maes : Je suis chez LexisNexis depuis 17 ans. J’ai d’abord rejoint l’entreprise en France avant de piloter les activités du groupe en Asie à partir de 2018. Puis, 5 ans plus tard, j’ai pris la direction de la région CEMEA tout en restant à la tête de LexisNexis France. En tant qu’ingénieur de formation, je ne viens pas du monde juridique, ce qui m’apporte une perspective différente pour innover dans ce secteur.

Le cœur de métier de LexisNexis est-il toujours centré sur l’information juridique ?

É. B.-M. : Oui, mais notre approche a considérablement évolué. Nous sommes l’une des quatre divisions de RELX, un groupe britannique de 36 000 collaborateurs qui rassemble plusieurs pôles d’activités éditoriales professionnelles et de communication événementielle. Chez LexisNexis, nous employons 12 000 personnes et réalisons un chiffre d’affaires de 2,5 milliards d’euros. Historiquement, en France, nous avons commencé avec le Jurisclasseur, une encyclopédie juridique lancée en 1907. Depuis, nous avons migré vers le numérique, en passant par le CD-ROM, puis l’Internet « plat », et aujourd’hui les technologies d’intelligence artificielle (IA).

Nous avons toujours cherché à enrichir notre contenu grâce à une base de données exhaustive, alimentée par plus de 8 000 auteurs actifs. Avec l’IA, notre mission est d’aller plus loin : aider nos clients, qu’ils soient avocats, juristes, notaires, experts-comptables ou étudiants, à poser des questions précises et obtenir des réponses basées sur des données fiables.

Comment l’intelligence artificielle transforme-t-elle vos métiers ?

É. B.-M. : L’IA générative permet d’améliorer considérablement la productivité des professionnels du droit. Nous avons identifié quatre cas d’usage principaux grâce à notre plateforme Lexis+ AI :

  • Recherche conversationnelle : une interface conversationnelle qui va au-delà du moteur de recherche classique, capable de répondre de manière dynamique aux questions posées.

  • Résumé : une technologie qui résume des documents complexes pour gagner un temps précieux.

  • Rédaction : une assistance pour rédiger des emails ou des contrats, avec un ton et un vocabulaire juridiques précis.

  • Téléchargement : une analyse de documents pour extraire des informations ou les enrichir à partir de nos bases de données.

En moyenne, nos outils permettent à nos utilisateurs de gagner 11 heures par semaine de travail.

Quelles sont vos garanties en matière de confidentialité et de sécurité des données ?

É. B.-M. : C’est un point essentiel. Contrairement à des modèles comme ChatGPT qui exploitent des données du web, nos IA fonctionnent dans un environnement fermé. Nous garantissons la confidentialité des prompts et des résultats, et aucune donnée client n’est utilisée pour entraîner nos modèles. Cette approche rassure nos clients et prévient les risques d’ »hallucinations » qui peuvent survenir avec des modèles grand public.

Que pensez-vous de la régulation européenne sur l’IA, notamment l’AI Act ?

É. B.-M. : Nous saluons cette initiative. Mais chez LexisNexis, nous n’avons pas attendu ce cadre pour adopter une gouvernance éthique stricte. Notre engagement repose sur la transparence, la supervision des biais, et la sécurité des données. Ce modèle « fermé et privé » est la clé pour répondre aux besoins du secteur juridique, où la précision et la fiabilité priment.

Comment percevez-vous l’avenir des professions juridiques avec l’IA ?

É. B.-M. : Nous ne remplaçons pas les juristes avec l’IA, nous les augmentons. Les professionnels équipés d’outils comme Lexis+ AI auront un avantage considérable sur ceux qui ne le sont pas. Cela va au-delà de la productivité : nos solutions favorisent une meilleure curiosité intellectuelle et une recherche plus performante, ce qui est essentiel pour naviguer dans un environnement juridique complexe.

LexisNexis investit massivement dans l’IA. Pouvez-vous en dire plus ?

É. B.-M. : Le groupe RELX investit 1,7 million d’euros en innovation par an et une grande partie de ces investissements est orientée vers l’IA générative depuis 2023. Nous avons récemment lancé « Protégé » (aux États-Unis et bientôt en France), notre nouvelle génération d’assistants IA de LexisNexis et fait récemment l’acquisition d’outils comme Henchman, une start-up de legaltech qui optimise la rédaction et la négociation de contrats complexes.

Quels sont vos objectifs stratégiques pour les mois à venir ?

É. B.-M. : Notre ambition est claire : devenir le leader de l’IA dans le domaine juridique. Chaque produit que nous développons intègre désormais une dimension d’IA générative. Nous continuons également à renforcer cette stratégie en menant davantage d’acquisitions pour renforcer nos compétences technologiques. Juste avant le rachat d’Henchman en juin dernier, nous avons aussi fait l’acquisition de Jarvis, une plateforme de gestion des cabinets d’avocats.

Au-delà de notre mission éditoriale et commerciale, nous avons aussi une ambition sociétale forte : promouvoir l’État de droit à travers le monde. Par le biais de notre « Rule of Law Foundation », nous développons des solutions accessibles pour les juridictions dans des environnements difficiles, contribuant ainsi à un monde plus juste et transparent.

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