Acteur majeur du cloud computing, la division Cloud de Google connaît une forte progression ces dernières années. Au cœur de la stratégie du géant de Mountain View, l’activité cloud permet à Google de réduire sa dépendance à la publicité et la firme mise notamment sur la France. Alors que le salon Big Data Paris 2019 ferme ses portes, rencontre avec Eric Haddad, le directeur général de Google Cloud France.
Encore challenger dans l’univers du cloud computing il y a quelques années, Google a consenti de lourds investissements pour devenir un acteur majeur du secteur. La firme californienne compte aujourd’hui sur l’engouement autour du cloud pour poursuivre son développement et rattraper ses rivaux AWS (Amazon) ou Microsoft Azure. Une manière aussi pour Alphabet, la maison mère de Google, de diversifier ses revenus et réduire sa dépendance vis-à-vis de ses performances dans la publicité. Élément central de la stratégie du géant américain, la division cloud de Google fait du marché français l’une de ses priorités. Rencontre avec Eric Haddad, directeur général de Google Cloud France.
Bonjour, qui êtes-vous Eric Haddad ?
Eric Haddad : Bonjour. Je dirige les opérations de Google Cloud pour la France dont la vocation est de contribuer à la transformation digitale des entreprises françaises. J’ai rejoint Google il y a maintenant huit ans pour initier les activités B2B ou “Entreprises” qui étaient les prémices de Google Cloud et se concentraient principalement sur les solutions de collaboration et plateforme en ligne. J’ai occupé auparavant différents postes chez Microsoft, depuis la direction des alliances stratégiques, du vertical des télécommunications aux plans français et européen avant de m’occuper de leur offre Cloud (déjà !) et communications unifiées. J’ai commencé ma carrière chez IBM, avant de continuer chez plusieurs entreprises toutes rachetées par Oracle telles que Sun Microsystems et BEA Systems.
Je suis ingénieur de formation, diplômé de l’ENSEEIHT de Toulouse et de Polytech Orléans, et ai obtenu un MBA de EM Lyon. Plus récemment, je suis retourné sur les bancs de l’école pour suivre l’advanced Management Program à Harvard.
Je suis également, depuis le printemps dernier, membre du conseil d’administration et co-président du comité innovation du Syntec Numérique.
Eric Haddad, pouvez-vous nous présenter rapidement Google Cloud et ses activités ?
E.H : Google Cloud est une division de Google qui met à disposition des entreprises de toutes tailles et de tous secteurs une plateforme d’innovation basée sur une infrastructure cloud sécurisée avec une présence mondiale. En quelques années, Google Cloud a su se hisser au tout premier plan des acteurs du cloud computing en termes de part de marché mais aussi de leadership sur l’innovation.
Le cloud et le digital font parti de l’ADN de Google et c’est bien souvent pour cette culture unique que nos clients et partenaires nous font confiance pour leur projets de transformation.
Concrètement, nous leur proposons une plateforme de cloud computing à la fois sécurisée, ouverte, intelligente et évolutive. Nos technologies s’appuient sur l’expérience et l’innovation dont Google fait preuve depuis maintenant plus de 20 ans en sécurité informatique, architecture réseau, collaboration, gestion de la donnée et intelligence artificielle. De plus, Google est un des principaux acteurs de l’open source que ce soit pour les outils d’intelligence artificielle, la gestion de données ou encore les méthodes modernes de containerisation pour le cloud.
Pourquoi y a t-il tant d’engouement autour du cloud aujourd’hui ?
E.H : Nous avons, avec probablement un petit groupe d’acteurs du web, aidé à expliquer les avantages du cloud computing depuis le début. Les entreprises du web et les start-up sont probablement les premières qui ont pris avantage du cloud pour entrer sur des nouveaux marchés qui semblaient immuables. La puissance de la technologie au service des bonnes idées a largement démontré son efficacité. Bien que quelques entreprises traditionnelles ont très tôt mis en oeuvre les technologies du cloud pour certaines de leurs applications, ce n’est que plus récemment que les choses se sont accélérées. J’imagine que cette accélération est le résultat de plusieurs facteurs dont le succès de certains projets de transformation d’entreprise, une plus grande maturité des offres des principaux acteurs et la mise place de règles plus lisibles de la protection des données.
La dimension économique du modèle du cloud est aussi un élément d’attrait important puisqu’il permet une variabilité des coûts informatiques, en faisant passer ceux-ci du capex à l’opex.
On ouvre non seulement la voie à plus de flexibilité mais également à la possibilité d’essayer de nouvelles approches, de se tromper, de se corriger pour mieux réussir. Le cloud favorise ainsi un esprit entrepreneurial et intrapreneurial même à l’intérieur de grandes organisations.
Quelle est la place de l’activité cloud dans la stratégie de Google à l’international ?
E.H : Google Cloud est la division qui embauche de façon massive et qui connaît la plus forte croissance. L’activité a fait l’objet d’un investissement de 30 milliards de dollars sur 3 ans ; une grande partie des recrutement réalisés dans le monde en 2018 concernait des postes commerciaux et techniques de Google Cloud. Les revenus autres que ceux issus de la publicité, dans lesquels sont comptabilisés les chiffres du Cloud avec ceux des activités hardware étaient de 6,5 milliards de dollars US sur le dernier trimestre 2018, en augmentation de 31 %. Nous sommes structurés pour accompagner l’ensemble des entreprises, des start-up jusqu’aux grandes entreprises du Fortune 500. Du reste l’an dernier, nous avons vu une très forte augmentation des contrats de plus de 100 millions de dollars, un doublement des contrats pluriannuels et de ceux à plus de 1 millions. Notre suite collaborative, G Suite, compte désormais plus de 5 millions d’entreprises clientes. Nous constatons une très bonne réponse à nos offres technologiques et à notre approche singulière sur la transformation digitale.
Quelles sont aujourd’hui vos perspectives d’évolution sur ce marché en France ?
E.H : Pour Google Cloud, la France fait partie des marchés stratégiques et est l’une des priorités en terme d’investissement et de recrutements. Nos clients et partenaires français tiennent le haut de l’affiche en ce qui concerne l’innovation en termes d’usages de la technologie. L’an passé a marqué un vrai tournant avec de nouveaux partenaires importants comme Atos, et de grandes entreprises qui ont décidé de nous faire confiance et de se transformer avec nous telles que Airbus, Carrefour ou Total. Notre croissance a été clairement supérieure à celle du marché; nous avons pu multiplier par cinq nos effectifs en dix-huit mois.
En 2019, nous entendons poursuivre les recrutement massifs pour accompagner notre hyper-croissance. Alors que nous avons historiquement beaucoup travaillé avec les entreprises de la grande distribution, de l’industrie et du service, nous souhaitons investir aussi dans les secteurs financiers, de la santé et du secteur public. Nous investissons de manière à répondre aux règles de conformité propres à ces secteurs.
Comment se positionne la France dans l’industrie cloud par rapport aux autres pays dans le monde ?
E.H : Il se trouve que je suis directement impliqué dans l’industrie du cloud depuis plus de 10 ans. Pendant longtemps le cloud a été le sujet d’initiés qui ont vu très tôt ses avantages économiques et transformatifs. Il faut reconnaître que certains leaders français, notamment des DSIs (qui se reconnaîtront !), ont vraiment tracé le sillon en Europe. La France a été historiquement plutôt en avance en termes d’innovation et de leadership, moins en volume. Le marché aujourd’hui est donc en très forte croissance. Ce que je trouve particulièrement intéressant, c’est que les entreprises françaises ont dépassé les stades du “lift and shift” informatique ou du nième projet-test, pour clairement intégrer le cloud au cœur de leurs stratégies de croissance.
Pourquoi le cloud devient-il un passage obligé pour les entreprises aujourd’hui ?
E.H : Je ne dirai pas nécessairement que c’est un passage obligé, car si je défends bien sûr les avantages du cloud et de Google Cloud en particulier, je crois qu’il faut aussi considérer l’existant et les problèmes à résoudre. En fonction de l’entreprise, il existe différents cas de figure économiques et technologiques qui nécessitent un accompagnement spécifique et des vitesses de transformation différentes. La réalisation de plusieurs projets visibles et impactant même petits sont préférables à un grand plan pluri-annuel. C’est cet accompagnement, la pertinence des technologies proposés et une véritable culture digitale qui nous permet d’aider nos clients à révéler tout le potentiel d’une stratégie cloud adaptée. Très rapidement, les bénéfices d’investissement maîtrisé, de flexibilité et d’innovation, d’analyse des données nécessitant des puissances de calcul que seul le cloud permet, de collaboration, de définition de nouveaux modèles d’activités apparaissent.
Le passage n’est donc pas obligé, mais il est en tout cas de plus en plus emprunté et c’est à nous de le baliser !
De plus en plus de clients vous font confiance en France, quelle est votre stratégie pour les séduire ? En quoi votre approche diffère-t-elle de celles de vos principaux concurrents Microsoft Azure et Amazon AWS ?
E.H : Vous avez raison de parler de confiance car c’est effectivement le cas : les entreprises françaises comprennent très rapidement que nous nous engageons réellement à leur côté pour leur permettre de réussir. Nos équipes, en France comme au siège, sont présentes au quotidien, pour faire en sorte que les objectifs technologiques et business de nos clients et partenaires soient atteints, voire dépassés. La confiance passe également par la sécurité, et les solutions Google Cloud sont reconnues notamment pour cet aspect. Autre point: l’ouverture technologique et notre leadership dans l’open source est plébiscité par l’écosystème des développeurs français car elle facilite l’innovation.
Nous privilégions d’abord les objectifs de nos clients et partenaires par rapport celui des commerciaux. De plus: nous sommes nés avec, pour et par le digital, et le cloud fait partie de l’ADN de Google. Cet aspect culturel est vraiment unique que l’on retrouve dans nos équipes et nos technologies et dont nos clients bénéficient directement.
Comment l’Intelligence Artificielle peut-elle aider à la transformation digitale des entreprises ?
E.H : L’Intelligence Artificielle est un vrai levier de croissance et d’émancipation pour les entreprises françaises. On devrait d’ailleurs parler d’intelligence ou d’entreprise augmentée. La disponibilité de services Cloud de Machine learning permettent une application concrète, accessible et rapide dans le cadre par exemple de la prédiction, du filtrage, de la reconnaissance ou du diagnostic. C’est le cas de Total par exemple qui utilise l’IA pour développer un assistant virtuel au service de leurs géoscientifiques, de Carrefour pour proposer de nouvelles expériences consommateurs ou d’optimisation de la chaîne d’approvisionnement, mais également d’industriels qui peuvent mieux “voir” les éléments défectueux d’une production. Elle suppose une certaine maturité numérique, ainsi que des principes éthiques qui permettront de mener à bien l’ensemble des projets d’IA.
Les entreprises françaises et européennes semblent très attachées à la protection de leurs données et la sécurité de celles-ci. Quelle est la position de Google Cloud en matière de sécurité ?
E.H : Sans sécurité, il n’y a pas de confiance, que ce soit dans notre relation avec nos clients et partenaires, ou dans les échanges qu’ils peuvent eux-mêmes avoir avec leurs publics et clients. Google Cloud s’est développé en intégrant la sécurité en son cœur, et cela fait maintenant plus de 20 ans que nous protégeons des applications dans le cloud, 8 d’entre elles dépassant du reste le milliard d’utilisateurs. Google Cloud été conforme aux impératifs de protection des données définis par le RGPD dès son entrée en vigueur. D’ailleurs, nous opérons et protégeons les données de nos clients dont ils restent les seuls propriétaires. Tout client peut reprendre ses données et les confier à un autre opérateur ou les remettre dans ses propres serveurs.
La confiance est un travail de tous les jours, et que ce soit pour les entreprises françaises, européennes et internationales, qu’elles soient petites ou grandes, nous travaillons chaque jour pour gagner cette confiance, la conserver et en être digne !
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