Unique en son genre, le programme Entrepreneur First mise sur des talents plutôt que sur des projets existants. Au cœur de sa stratégie, un recrutement de talents de pointe spécialisés dans la deep tech, et un accompagnement rigoureux afin de les accompagner dans toutes les étapes de la création de leur entreprise, qu’il s’agisse de rencontrer un cofondateur, de générer une idée ou encore de lever des fonds. Coralie Chaufour, responsable de l’antenne parisienne, nous en dit plus.
Bonjour Coralie. Pouvez-vous rapidement nous présenter le concept d’Entrepreneur First ?
Coralie Chaufour : Entrepreneur First est le pionnier d’un nouveau modèle d’investissement. Ce programme investit dans des talents ambitieux qui ont envie d’entreprendre, avant même qu’ils n’aient un cofondateur ou un projet. Notre programme a vocation à supprimer certaines des barrières à l’entrepreneuriat : nous aidons ces talents à trouver un cofondateur, générer une idée, lancer leur startup et accélérer leur première levée de fonds en amorçage auprès des meilleurs fonds de capital-risque. EF a déjà aidé plus de 1 200 talents à créer plus de 200 startups, pour une valorisation totale de plus de 1,6 milliard de dollars.
Nous encourageons également ces talents à se lancer en leur versant une bourse de 2 000 euros par mois pendant les 3 premiers mois du programme, puis en investissant environ 90 000 euros dans les projets les plus prometteurs au bout de ces 3 mois.
En France, notre programme accueille une soixantaine d’entrepreneurs 2 fois par an, en avril et octobre de chaque année, à Station F.
Pouvez-vous nous en dire plus sur le processus de recrutement ? Quels sont vos critères de sélection ?
Notre proposition de valeur est attractive et nous recevons un grand nombre de candidatures pour rejoindre le programme. Nous faisons très attention à la composition de nos cohortes d’entrepreneurs, en nous assurant qu’il y ait un bon équilibre entre des «doers » (futurs « CTOs ») et des « talkers » (futurs « CEOs »).
Nous recherchons notamment des candidats ayant une expertise technique ou scientifique poussée, souvent chercheurs doctorants ou post doctorants, dans des domaines comme l’intelligence artificielle, la robotique ou les biotechnologies par exemple, des candidats ayant une connaissance approfondie d’un secteur de l’industrie (par exemple, la construction, le retail, l’industrie pétrolière) ou d’une fonction (par exemple, la logistique, le marketing, les RH) et des candidats plus généralistes, souvent développeurs ou ingénieurs de formation, qui vont permettre de catalyser l’expertise des autres candidats.
Tous les candidats qui rejoignent le programme ont en commun d’être extrêmement motivés à l’idée d’entreprendre, d’être ambitieux et d’avoir une forte affinité avec les technologies de rupture.
Pourquoi avez-vous décidé de rejoindre EF ?
C’est un très beau challenge de rejoindre l’aventure EF et de lancer la filiale française. Nous sommes confrontés à la fois à des problématiques opérationnelles, qui sont celles d’une startup à forte croissance de 100 personnes opérant dans 6 géographies, mais également à des problématiques d’investissement, qui est notre business model. Nous sommes surtout en train de créer une nouvelle catégorie, celle de « talent investor », qui implique un fort effet de réseau du fait de notre communauté grandissante d’entrepreneurs et d’alumni, avec un impact humain et économique majeur.
Pourquoi pensez-vous qu’il soit important d’accompagner des jeunes talents dès le début de la création de leur startup ?
Entrepreneur First existe pour encourager des talents ambitieux à entreprendre. Nous pensons que le monde passe à côté de certains de ses meilleurs entrepreneurs potentiels, et que notre mission est de les trouver et de les inciter à se lancer. Sans EF, beaucoup de ces talents n’auraient jamais sauté le pas, et auraient continué une carrière souvent brillante, mais dans un tout autre secteur.
L’entrepreneuriat représente un coût d’opportunité important pour ces talents, qui quittent souvent des positions excitantes et confortables dans des grands groupes, des acteurs majeurs de la tech ou au sein du milieu académique. Notre rôle est donc également de s’assurer que le projet sur lequel ils ou elles travaillent est suffisamment ambitieux pour leur permettre d’atteindre leur véritable potentiel.
Par ailleurs, EF a déjà accompagné plus de 1 500 entrepreneurs au sein de 25 cohortes d’entrepreneurs dans nos 6 bureaux : Londres, Berlin, Singapour, Hong Kong, Bangalore et bien sûr Paris. Nous avons développé une méthodologie bien rodée pour accompagner la création de startups. Nous insistons notamment sur la compréhension du besoin client et la négociation d’un premier pilote, souvent en amont du développement du produit. Notre expérience nous permet de faire éviter de nombreuses erreurs aux entrepreneurs qui rejoignent le programme.
Quelle est l’importance de trouver le bon cofondateur ?
Elle est cruciale. Au-delà de l’entente entre les cofondateurs, il est important que les expertises soient complémentaires et les rôles bien définis. Nous croyons beaucoup dans un format d’équipe de deux personnes (un « CEO », un « CTO ») seulement dans les premiers mois de la création du projet, pour faciliter une communication fluide et la productivité de l’équipe.
Au sein d’EF, la formation d’une équipe de cofondateurs et la génération d’une idée sont également souvent liées. En effet, nous croyons beaucoup à l’innovation qui vient de la rencontre de l’expertise des 2 cofondateurs. Nous appelons ça l’«innovation combinatoire ».
Comment le programme d’Entrepreneur First se positionne-t-il dans la sphère startup française ?
Entrepreneur First se différencie des programmes existants à deux titres. Tout d’abord, nous sommes la seule structure en France à proposer ce modèle d’investissement dans des talents. Tous les programmes d’incubation ou d’accélération sont focalisés sur des équipes, des idées et des projets existants. Nous intervenons encore plus en amont.
Par ailleurs, nous nous focalisons sur la création de startups porteuses de technologies de rupture, qu’on appelle également « deep tech ». Les projets que nous accompagnons ont le potentiel d’avoir un impact majeur. Près de 50 % des candidats qui nous rejoignent sont détenteurs d’un doctorat et sont souvent parmi les rares personnes au monde à pouvoir développer une certaine technologie. Dans ce contexte, nous avons vocation à développer des partenariats avec les universités, grandes écoles et centres de recherche pour accompagner la transition des jeunes chercheurs du milieu académique vers l’entrepreneuriat.
Pensez-vous que la France soit un terrain accueillant pour les jeunes entrepreneurs de la deep tech ?
La France bénéficie d’un incroyable vivier de talents scientifiques et ses grandes écoles et universités sont à la pointe du développement de nombreuses innovations technologiques de rupture. Mais contrairement aux pays anglo-saxons, le pont entre le milieu académique et l’écosystème entrepreneurial ne se fait pas toujours facilement. EF a vocation à aider les talents français à développer la meilleure application commerciale pour ces innovations technologiques, avec une ambition dépassant les frontières nationales.
L’écosystème est par ailleurs favorable, à la fois en termes d’abondance de financement privés, mais également en termes d’initiatives gouvernementales, comme le plan national pour l’intelligence artificielle du gouvernement ou le déploiement du fonds d’investissement French Tech Seed, doté de 400 millions d’euros et opéré par Bpifrance, pour investir exclusivement dans des startups deep tech.
Qu’est-ce qui peut, selon vous, convaincre des talents de créer leur entreprise en France, et quels sont les freins majeurs qui peuvent les en empêcher ?
Je ne pense pas qu’il y ait de freins majeurs à la création d’entreprise qui soient spécifiques à la France. Au contraire, l’écosystème est particulièrement favorable et il y a beaucoup d’initiatives et de capital déployé pour accompagner les startups en
amorçage. Là où nous sommes moins performants, c’est dans la croissance et l’internationalisation de ces startups. Quand on compare le nombre de « licornes » françaises avec le Royaume-Uni, l’Allemagne la Suède, on réalise que la France est en retard. Certaines des startups françaises les plus prometteuses, comme Front ou Algolia, ont dû rapidement se relocaliser aux États-Unis pour accélérer leur croissance.
Quelles sont vos perspectives d’évolution dans les cinq prochaines années en France ? Et au niveau mondial ?
Le modèle EF répond à un vrai besoin en France, et nous aspirons à permettre la création d’une vingtaine de startups deep tech basées ici chaque année. Nous avons lancé notre premier programme parisien en octobre dernier et avons déjà présenté 9
startups issues de ce programme lors de notre dernier Demo Day. Ces projets vont de plantes génétiquement modifiées pouvant purifier l’air intérieur à l’analyse d’images satellites pour détecter des fuites dans les canalisations d’eau en passant par l’automatisation des réapprovisionnements de stock en temps réel en intégrant les données fournisseurs. Tous ces projets suscitent déjà un vif intérêt des fonds de capital-risque français, dont la plupart n’ont encore jamais investi dans une startup EF. Nous espérons que certaines de ces startups constitueront la prochaine génération de licornes françaises.
À l’échelle mondiale, nous avons levé un fonds de 115 millions de dollars, qui va nous permettre d’investir dans 2 000 entrepreneurs sur les 3 prochaines années en Europe et en Asie. Nous avons également annoncé l’ouverture d’une antenne dans la Silicon Valley, pour permettre de continuer à développer notre réseau d’investisseurs américains et de mieux accompagner nos startups qui souhaitent se lancer aux États-Unis.
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