Des documents de trente pages découverts dans le cadre d’un procès contre ByteDance, propriétaire de TikTok, révèlent que l’entreprise aurait encouragé l’utilisation de son application par des enfants, malgré sa connaissance des risques généralisés, notamment l’exploitation sexuelle. Ce rapport exclusif de NPR corrobore les conclusions précédemment publiées par Forbes.
Un article de Stephen Pastis pour Forbes US – traduit par Lisa Deleforterie
Faits marquants
- Les documents, découverts par la Kentucky Public Radio après avoir été indûment expurgés, comprennent des résumés d’études internes et de communications entre les dirigeants de TikTok, qui discutent des réponses à apporter aux crises et des moyens d’améliorer l’application.
- Ces documents font partie d’une plainte déposée la semaine dernière par le procureur général du Kentucky dans le cadre d’une enquête de deux ans sur TikTok.
- En 2022, un rapport de Forbes révélait que la plateforme de streaming en direct de TikTok était saturée de spectateurs incitant et rémunérant de jeunes filles pour des comportements « proches de la pornographie enfantine». En réponse, ByteDance a lancé une enquête, confirmant qu’un nombre « significatif » d’adultes envoyaient des messages à des streamers mineurs pour qu’ils se déshabillent en direct. Les documents montrent qu’en l’espace d’un mois seulement, les utilisateurs ont envoyé 1 million de « cadeaux » à des mineurs impliqués dans ce type de « transactions ».
- L’enquête a incité un responsable de TikTok, selon NPR, à déclarer : « L’un des principaux défis de l’activité LIVE est que le contenu qui suscite le plus d’engagement n’est pas forcément celui que nous voulons sur notre plateforme ».
- D’autres documents révèlent que les dirigeants de TikTok sont conscients du caractère addictif de l’application, s’appuyant sur des recherches internes montrant qu’il suffit de moins d’une heure pour développer une dépendance. Cette utilisation compulsive est corrélée à des effets négatifs sur la santé mentale, tels qu’une diminution des capacités d’analyse et de mémorisation, et perturbe également le sommeil, les responsabilités quotidiennes et les relations humaines.
- Selon les documents, les fonctionnalités mises en place et promues par TikTok pour aider les utilisateurs à limiter leur temps d’écran étaient perçues en interne uniquement comme un « moyen d’améliorer la confiance du public », sans réellement réduire efficacement le temps passé sur la plateforme. Les documents révèlent également que TikTok estimait que 95 % des utilisateurs de smartphones de moins de 17 ans utilisaient l’application, ce qui rendait souvent difficile l’exclusion rapide des utilisateurs de moins de 13 ans, l’âge minimum requis pour accéder à l’application.
- Les documents révèlent également que la plateforme a massivement recours à l’intelligence artificielle plutôt qu’à la modération humaine pour bloquer les contenus liés à l’automutilation et aux troubles alimentaires. Parallèlement, l’entreprise pénaliserait les utilisateurs jugés « peu attrayants » et ajusterait son algorithme pour mettre en avant ceux perçus comme « beaux ».
- Alex Haurek, porte-parole de TikTok, a déclaré à Forbes qu’il était extrêmement irresponsable de la part de NPR de publier des informations scellées par le tribunal. Il a ajouté : « La plainte utilise des citations trompeuses et des documents obsolètes sortis de leur contexte pour déformer notre engagement envers la sécurité de la communauté».
Citation importante
Un cadre de TikTok avertit dans les documents que la nature addictive de l’application pourrait priver les enfants d’« autres opportunités », en précisant : « Je fais référence, de manière très concrète, à des activités essentielles comme dormir, manger, se déplacer et établir un contact visuel avec les autres ».
Contexte clé
Ces documents, désormais scellés, proviennent de la Kentucky Public Radio, qui a copié et collé des extraits de dossiers juridiques expurgés, dévoilant ainsi 30 pages de documents confidentiels. Ils résultent d’une enquête de deux ans menée par 14 procureurs généraux et ont conduit des responsables de l’État à intenter une action en justice contre l’entreprise mardi dernier. L’une des plaintes, déposée devant la Cour supérieure du district de Columbia, fait explicitement référence à un article de Forbes sur les problèmes liés à TikTok LIVE. ByteDance, propriétaire de TikTok, fait face à une loi fédérale qui impose la vente de la société d’ici janvier 2025 pour qu’elle ne soit plus exclusivement détenue par une entreprise chinoise, sous peine d’interdiction aux États-Unis. Les représentants fédéraux soutiennent dans leur plainte déposée en septembre que la propriété chinoise de ByteDance « représente une menace pour la sécurité nationale d’une ampleur considérable ». L’enquête de Forbes citée dans la plainte est l’un des nombreux articles de ce média sur l’entreprise, qui accuse également ByteDance de surveiller les journalistes de Forbes, de suivre les mots « sensibles », de rendre publics les contacts de célébrités et de politiciens, de promouvoir la propagande chinoise et de compromettre la gestion des données des utilisateurs.
La riposte de TikTok
En réaction à la loi fédérale, TikTok a soutenu que l’interdiction imposée par le gouvernement américain ne respectait pas de manière uniforme les principes de liberté d’expression applicables aux plateformes. L’entreprise a également affirmé que cette interdiction reposait uniquement sur des spéculations et des inquiétudes infondées concernant la manipulation de contenu et les pratiques de sécurité des données, dont elle assure ne pas être responsable.
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