Le secteur de « l’Edtech », à peine naissant, va connaître un essor spectaculaire et bousculer l’école de la République. La Fondation « IA pour l’école » créée sous l’égide de l’Institut de France pour promouvoir le développement d’une Intelligence Artificielle responsable pour le bien des élèves et des enseignants s’est intéressée aux tendances qui se dessinent en matière d’IA scolaire, ailleurs dans le monde. Conclusion : il ne faut pas que la France rate la révolution en cours.
De New-Delhi à Washington, un même combat
Autant le dire franchement : l’IA pour l’école et l’Edtech ne se développent pas en ayant comme seule vocation une mission de service public. La concurrence est forte entre start-up, dans l’ombre des GAFA, pour capter l’extraordinaire marché qui s’annonce. A l’échelon national aussi, la compétition fait rage. Nombreux sont les pays à vouloir devenir des leaders du secteur, dessinant ainsi, aux quatre coins du monde, des intérêts convergents entre public et privé. La France doit en prendre conscience, en particulier les pouvoirs publics qui ont tout intérêt à favoriser l’émergence d’un ecosystème d’entreprises françaises spécialisées dans l’« Edtech ». Ce qui signifie permettre aux acteurs publics et privés de travailler ensemble, au sein des écoles !
La pression est d’autant plus forte pour agir vite, dans certains pays, que cette nouvelle forme d’éducation offre une réponse adaptée aux défis locaux. Ainsi, en Inde, le NITI Aayog, think-tank chargé de mener à bien les objectifs de développement, explique clairement dans son rapport de juin 2018 intitulé » « national strategy for artificial intelligence » que « l’IA doit améliorer la qualité et l’accès à l’éducation ».
Dans ce vaste pays qui compte plus de 850 millions d’abonnés à un opérateur de téléphonie de mobile et où l’on dénombre 234 langues maternelles, seule l’IA peut permettre de démultiplier les contenus pédagogiques et de les adapter à chaque réalité linguistique.
Vouloir s’imposer dans ce secteur, c’est préparer l’avenir de ses futures générations.
A cet égard, Israël et sa capitale économique Tel Aviv tentent de devenir le lieu incontournable de toutes les innovations. Tel Aviv accueille notamment des manifestations reconnues comme « L’Israël Edtech Week », « l’Israël Edtech Summit ». Elle figure dans les dix villes les plus actives en matière de Edtech. Tel Aviv totalise un « Edtech Index » (qui mesure les fonds engagés et le nombre de compagnies actives) de 57/100, ce qui la place juste derrière Paris qui obtient une note de 58. En apparence, la capitale française n’est donc pas si mal placée. Mais derrière cette place flatteuse on trouve deux faiblesses : d’abord, les meilleurs villes dans l’« Edtech Index » sont très loin devant avec des notes de 88 pour Pékin, 86 pour la baie de San Francisco et 85 pour New York ; ensuite, Paris a certes des entreprises de qualité mais en nombre trop insuffisant pour espérer réduire l’écart.
Blended learning is the new rule
Contrairement aux prédictions pessimistes, le professeur n’a pas été évincé par l’IA. Les Etats-Unis qui donnent le « la » en termes de tendances technologiques, attestent en effet de l’essor du « blended learning ». Cet « apprentissage combiné » intègre solutions digitales et intervention à part entière de l’enseignant. Ce dernier ne revêt pas un rôle accessoire, il est la condition sine qua non pour que l’IA produise ses effets bénéfiques auprès des élèves. Plus précisément, l’IA est utilisée comme un moyen de mieux connaître les élèves, leurs qualités, leurs faiblesses, ce qui libère l’enseignant des tâches rébarbatives comme les simples notations d’exercices, et lui permet de personnaliser ses commentaires tout en adaptant le niveau de ses cours aux besoins de chacun.
De son côté, l’élève n’est plus passif face à sa progression. C’est la fin du « chalk and talk » : la craie au tableau avec un sachant qui parle et un public captif qui prend des notes.
Si l’apprentissage est « combiné », c’est en combinant les apports de l’IA, l’implication du professeur et celle de l’élève !
Et, si le meilleur était à venir ?
Les possibilités offertes par les « EdTechs » en général et l’Intelligence artificielle en particulier sont donc nombreuses. A une condition : ne jamais oublier l’éthique. La sécurisation des datas des élèves est un sujet crucial. La « RGPD », devenue incontournable ces derniers mois, a toute sa place dans les salles de classe. Mais il faut aller plus loin. Cette prise de conscience a besoin de s’incarner dans un véritable code éthique de la donnée scolaire. C’est l’un des chantiers de la fondation « l’IA à l’école », placée sous l’égide de l’Institut de France. Ce code éthique sera aussi bien une manière de sensibiliser les élèves – citoyens de la République – aux risques qu’ils encourent dans une économie de la donnée mal maîtrisée, qu’un puissant pare-feu contre toutes les tentatives de mercantiliser les données relatives aux enfants, que nous avons le devoir de protéger.
Car comme le prouvent les exemples internationaux cités plus haut, la concurrence va s‘accélérer et avec elle de possibles dérives.
L’éthique doit être notre référence absolue, pour pouvoir ensuite nous réjouir des transformations et des perspectives qui se dessinent : « la personnalisation » des applis éducatives, la « gamification » qui rend l’enseignement plus ludique tout en gardant un contenu de qualité. C’est à cette condition que nous bâtirons une école ouverte sur le monde et l’avenir !
Guillaume Leboucher préside le groupe Open Value et la fondation « l’IA à l’école »
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