De nombreuses mesures comme le confinement ou la limitation des déplacements ont été mises en place pour lutter contre la pandémie de coronavirus, notamment en Chine où le virus est né. Le pays, célèbre pour son réseau de surveillance, a donc tout mis en place pour scruter la population : analyse approfondie des données, reconnaissance faciale, suivi des téléphones, applications et même drones. Et si l’Europe faisait de même ?
Chacun sait que la Chine est l’un des pays les plus surveillés au monde, et de nombreux rapports font état d’une intensification de la surveillance de la population depuis deux ou trois ans. Le pays contrôle l’information, internet, l’économie… Alors après tout, pourquoi pas ses habitants ?
Mais tout cela ne s’arrête pas aux frontières de la Chine. Récemment, des histoires de surveillance gouvernementale en Corée du Sud et à Singapour se sont fait jour. Une surveillance plus légère, certes, mais généralisée et obligatoire. En Europe, nous l’avons expliqué par des différences culturelles, qui justifieraient de telles mesures en Asie.
Parallèlement, des piqûres de rappel ont été faites aux gouvernements concernant ce qu’ils pouvaient faire ou non. Un exemple simple nous vient d’Iran, où une application d’auto-diagnostic a été lancée par le gouvernement, une aberration pour les médecins. Rapidement, le pot aux roses a été découvert : l’application était en fait un logiciel espion qui avait pour seul but de surveiller la population, afin de collecter des données.
Puis est venu le tour d’Israël. Le week-end dernier, Benyamin Netanyahou, le Premier ministre, a déclaré : « Tous les moyens seront mis en œuvre pour lutter contre la propagation du coronavirus ». Il a par ailleurs annoncé l’utilisation à grande échelle « d’outils numériques » conçus pour surveiller la population, à l’origine développés dans le cadre de la lutte antiterrorisme. L’homme politique a assuré : « Jusqu’à aujourd’hui, je me suis abstenu de les utiliser sur la population civile ». Mais encore une fois, il y avait un hic : il ne s’agissait pas de surveiller des patients, mais bien d’exploiter les données de la population.
Le plus intéressant dans cet exemple, c’était ce que Benyamin Netanyahou n’avait pas dit. Il a bien parlé de la géolocalisation des téléphones à la population, et dès lors tout le monde a supposé que cela consistait à surveiller les coordonnées téléphoniques des malades pour avoir à l’œil leurs déplacements. Mais le Premier ministre israélien s’est bien gardé de préciser que cet outil serait utilisé sur la totalité de la population.
Toutes ces initiatives s’expliquent facilement : notre smartphone est une source de richesse inestimable, dont les données peuvent être collectées et exploitées. Dans notre poche, il sait où l’on va, mais aussi à l’on parle et à quelle fréquence. Tout cet ensemble de données peut servir à établir une liste de contacts probables, qui sont donc potentiellement atteints du coronavirus.
Toutes les mesures mises en place dans le cadre de la lutte contre le coronavirus sont sans précédent. Les dirigeants du monde entier parlent régulièrement de « l’ennemi invisible » et martèlent que nous sommes en guerre, comme Emmanuel Macron l’a fait lors de son allocution télévisée lundi soir. Cela crée un conflit interne : nous voulons que les autorités fassent tout ce qui est en leur pouvoir pour endiguer la crise sanitaire, mais cela doit-il se faire au prix de notre vie privée ?
Mercredi, le Washington Post a rapporté que le gouvernement américain était « en discussion avec Facebook, Google et d’autres sociétés technologiques, ainsi que des experts de la santé, concernant la manière dont il pourrait exploiter les données de géolocalisation des Américains pour lutter contre le coronavirus ». Pour l’instant, il s’agirait d’établir des tendances anonymes, et non de suivre les déplacements quotidiens de certains individus en particulier.
L’idée est simple : prédire les zones sensibles grâce à des « données anonymes cumulées ». Cela pourrait notamment servir à s’assurer que la distanciation sociale est bien respectée et fonctionne, ou si dans certaines zones les contacts sont encore trop fréquents et augmentent la propagation du virus.
À long terme, ces méthodes pourraient créer un conflit sans précédent quant à l’équilibre entre vie privée et sécurité. Quel pouvoir sommes-nous prêts à conférer à l’État alors que nous attendons impatiemment que celui-ci trouve une solution ? Il y a des chances pour que les pays européens adoptent ces méthodes et commencent à surveiller nos téléphones. C’est d’ailleurs déjà le cas en Italie, où le gouvernement analyse les déplacements des habitants et en a conclu que seulement 60 % de sa population restait véritablement à la maison pendant la période de confinement.
La Chine a ouvert la voie à cette utilisation des technologies de surveillance de la population, mais pour les mauvaises raisons, et cela lui a valu de nombreuses critiques. Mais aujourd’hui, alors que les autorités cherchent à endiguer le coronavirus à tout prix, il nous faudra peut-être remettre en question notre tolérance à l’égard de notre propre gouvernement et accepter que nos données soient surveillées tout comme en Chine, mais cette fois pour la bonne cause.
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