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Comment Faire Adopter Les Outils et Les Applications Collaboratifs ?

L’usage d’outils et d’applications collaboratifs est appelé de leurs vœux par les salariés, mais la pédagogie en place ne semble pas porter ses  fruits.

L’implémentation d’outils et d’applications collaboratifs ne va pas suffire à développer des usages et garantir son appropriation, même si cette dernière propose une expérience utilisateur inégalée. A fortiori si celle-ci est en compétition avec des applications du grand public, ou même des médias sociaux (shadow IT – shadow collaboration).

En fait, les gains espérés à l’usage d’outils et d’applications collaboratifs ne sont pas prédictibles ex ante et le changement d’habitude de travail demande du temps et de la pédagogie. Pourtant, l’usage d’outils favorisant la collaboration est appelé de leurs vœux par les salariés, mais les pédagogies en place ne semblent pas porter leurs fruits.

Le rôle du manager dans la conduite du changement

Pour répondre à la quête (pas si nouvelle) d’autonomie des salariés, à l’évolution des usages et à la plus grande flexibilité au travail, les outils de communication et de collaboration, disponibles quel que soit le device utilisé (tablette, smartphone, ordinateur portable), apparaissent comme la solution idéale. Pourtant ils sont révélateurs d’un paradoxe de plus, que devra gérer le manager en collaboration avec la RH et la DSI. Car si le salarié est en demande d’un outil de collaboration lui permettant de poursuivre son activité quel que soit le lieu d’exercice de son travail (ou même l’horaire), il reste réticent à son adoption. Deux types d’arguments sont souvent avancés, le premier touchant à la gouvernance et le second lié à l’accompagnement. En premier lieu, parmi les obstacles au développement des pratiques de collaboration, selon l’Ipsos, les salariés soulignent les comportements managériaux (34%), l’organisation interne (32%) ou encore la culture de leur entreprise (27%). Faut-il y voir un manque de maturité des entreprises dans leur transformation digitale, une mauvaise adaptation de l’organisation à la flexibilité du marché ? L’absence de management par l’exemple ou de l’implication des directions générales ? Une perte de sens ? Peut-être un peu de toutes ces raisons à la fois. Un autre frein est aussi opposé : l’usage est limité par la faiblesse de l’accompagnement. Selon l’Observatoire Intranet & Digital Working 2019, 34% des entreprises n’ont formalisé ni règle ni procédure. Et la perception des collaborateurs s’en ressent :  62% des répondants jugent les espaces collaboratifs de leur organisation partiellement ou très peu actifs.

Economie de l’innovation et acquisition des savoirs

Le rôle et l’apport des utilisateurs dans l’innovation, et, par extension, dans l’adoption d’outils collaboratifs, a été mis en lumière par plusieurs économistes ces dernières années. Ainsi, depuis que le nobelisé Kenneth Arrow a théorisé le concept de « Learning by doing », esquissant ce qui sera plus tard appelé capital humain, les réflexions en la matière ont rapidement évolué. Nathan Rosenberg, un économiste spécialisé dans l’histoire de la technologie, introduit*, dans les années 80, l’idée des gains générés par le produit utilisé pour faciliter son adoption : « Learning by using ». Il crée ainsi un lien direct entre performance des outils collaboratifs et utilisation prolongée. Par analogie, un véritable plaidoyer pour un accompagnement sur le long terme. Et c’est plus récemment, dans les années 90, que Bengt-Åke Lundvall**, en collaboration avec Björn Johnson, développe le concept de « Learning by interacting » et l’idée d’apprentissage suite au partage avec les autres, ou avec une communauté si nous transposons le concept dans l’usage d’applications collaboratives. Cette interaction avec autrui porte un double intérêt : verbaliser sa problématique et recevoir des feedbacks immédiats. Ce que nous apprennent ces économistes disqualifierait donc les formations traditionnelles, pourtant plébiscitées en entreprise.

Formation, coaching, parrainage, tutorat ou mentorat

Il n’y a pas de modèle unique en matière de transfert de compétences. Ainsi une étude récente*** révèle que les formations sont plébiscitées (78%) par les DSI afin d’engager les collaborateurs, contre 47% pour les cas pratiques et 47% pour le coaching. Sont-ils donc en déphasage avec leurs clients internes ou contraints pas un impératif financier !? La DSI, de concert avec les RH, doit repenser son approche de l’accompagnement au changement. Dans une formation, un expert transmet sa connaissance, là où le coaching, le mentorat et le tutorat, vont chercher à développer des compétences / des aptitudes. Sans réelle utilisation ou mise en pratique des compétences acquises, le collaborateur oubliera vite les bénéfices de sa formation. On envisage souvent le coaching ou le mentorat par abus de langage. C’est d’avantage le tutorat, qui prend la forme d’une entraide mutuelle, qui s’avérera efficace ; et qui va surtout permettre de personnaliser l’usage des applications au quotidien de l’utilisateur. Cet accompagnement n’est pas forcement extérieur, et peut aussi prendre la forme d’un travail en communauté porté par un ambassadeur, qui sera en quelque sorte un lead user pour le reste du groupe. Finalement, l’important dans l’adoption d’outils et d’applications collaboratifs, comme pour beaucoup d’autres applications, réside dans la personnalisation et l’accompagnement dans la durée.

 

Sources :
*Rosenberg, Nathan, 1982. Inside the Black Box: Technology and Economics. Cambridge University Press, Cambridge
** Lundvall, Bengt-Åke. The Learning Economy and the Economics of Hope, Anthem Press, London, 2016.
***Les DSI et la Digital Workplace. 2019. Sondage OpinionWay pour Mitel et Orange Business Services

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