L’Intelligence artificielle (IA) est en train d’opérer une transformation profonde dans le secteur de l’assurance et des services financiers. Dans l’assurance, elle s’apprête même à résoudre une équation qui paraissait jusque-là insoluble : améliorer la qualité du service délivré au client et booster l’expérience tout en optimisant l’efficacité des processus opérationnels. Mais si une grande majorité des assureurs a lancé des expérimentations autour de cette technologie, aucun ou peu n’ont encore véritablement opéré de passage à l’échelle. Un retard qu’ils pourraient payer cher, car de nouveaux modèles se font jour qui s’apprêtent à rendre les standards actuels obsolètes ! Par Charlotte Weill.
Des technologies d’IA à double impact En termes d’expérience client, l’IA bouleverse le secteur de l’assurance en donnant lieu à une optimisation radicale de la qualité de service. Chez certains acteurs, des conseillers, virtuels, sont désormais disponibles 24 h/24 et 7j/7. Chez d’autres, le délai de traitement des dossiers d’indemnisation a fortement diminué, passant du mois à la semaine, voire au jour et même à l’heure !
L’IA leur donne aussi la possibilité de délivrer des recommandations de produits plus pertinentes et personnalisées. Chez AXA, par exemple, un assistant virtuel s’apprête à aider les forces commerciales à identifier les meilleurs services d’assurance pour un prospect compte tenu de sa demande et de son profil. Enfin, la prévention des risques est un périmètre adressé plus efficacement grâce à ces technologies, surtout lorsqu’elles sont combinées à des objets connectés (capteurs d’humidité, de conduite ou d’intrusion).
Cette amélioration de l’expérience client se couple à une optimisation à l’échelle des processus back-office, générant des gains d’efficacité considérables pour les assureurs, dans de nombreux domaines : détection automatisée des fraudes à partir de signaux faibles, traitement algorithmique de dossiers de sinistre ou d’évaluations de primes d’assurance…
Autre fonctionnalité associée à l’IA, le reporting automatisé, qui peut trouver de nombreuses applications (compte-rendu d’entretiens clients,…). Enfin, dans le domaine de la cybersécurité, où les hackers ont souvent un temps d’avance, l’IA identifie des vulnérabilités identifiées par les pirates mais encore inconnues du service informatique.
Si de nombreux pilotes voient le jour chez les acteurs traditionnels de l’assurance, peu encore sont prêts à être industrialisés. Un certain attentisme, qui s’explique par plusieurs phénomènes.
Depuis 10 ans que le secteur de l’assurance se prépare à être disrupté, sans rien constater de majeur, il a fini par penser que cette concurrence était une chimère. Il faut dire que les investissements pour entrer sur ce marché sont considérables et les contraintes réglementaires massives. Les AssurTech, qui ont fait beaucoup de bruit à leur arrivée, représentent à ce jour une concurrence limitée puisqu’elles adressent essentiellement des marchés de niches. Enfin, dernier frein majeur à l’industrialisation des projets IA dans l’assurance : la lourdeur des systèmes d’information existants, le fameux legacy.
Mais les acteurs traditionnels ont-ils raison de ne pas accélérer leur transformation ? Pas si sûr. Déjà, des assureurs « IA First » frappent à leurs portes. Le chinois Ping An a investi près de 6 milliards d’euros dans ces technologies. Déclaration de sinistre, lutte contre la fraude, diagnostic de maladie et octroi de prêts : toutes ses procédures sont désormais automatisées. En créant de nouvelles normes de services, ces assureurs nouvelle génération s’apprêtent à rendre les standards actuels inacceptables pour les clients. Quant aux GAFA, s’ils n’ont pas encore mené d’actions à grande échelle, ils ont les capacités financières de racheter des AssurTech. En associant le savoir-faire de ces dernières à leurs bases clients gigantesques, ils pourraient faire une entrée fracassante sur le marché.
Les compagnies d’assurance doivent donc considérer l’IA et la data non plus comme un élément périphérique à leur cœur de métier, mais repenser l’ensemble de leurs processus métiers sous l’angle du potentiel d’amélioration que représentent ces technologies.
Passage de l’IA à l’échelle : par où commencer ? Premièrement, les assureurs doivent garder en tête que l’IA doit avant tout se mettre au service du business. Il faut donc qu’ils priorisent leurs projets d’intégration en choisissant ceux qui vont apporter un retour rapide sur investissement (plutôt que les plus innovants) et seront alignés sur la stratégie d’entreprise. En parallèle, il s’agira de s’assurer de leur faisabilité technique, en s’interrogeant sur la disponibilité et de la qualité des données qui serviront à la création des applications, et aux conditions d’industrialisation des projets. Cette préoccupation doit être abordée en amont. L’envergure de la mise à niveau à opérer en termes de collecte de données ou d’investissements technologiques peut s’avérer un frein dans le développement de certaines opportunités business identifiées.
Enfin, la dernière question qu’ils devront se poser est celle des impacts humains et organisationnels de tels projets. La conduite du changement à opérer, les mises à niveau des compétences et les formations nécessaires pour que les collaborateurs apprennent à travailler avec l’IA sont des sujets absolument essentiels. Sans parler de la reconversion de certains collaborateurs dont les emplois vont être massivement automatisés, et qu’il conviendra d’accompagner dans l’acquisition de nouvelles compétences.
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Charlotte Weill – Présidente d’Equancy
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