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Airbus Vient D’Envoyer Son Premier Robot Dans L’Espace

Airbus
Crédit Getty Images

Le soleil commençait à peine à se lever sur Cap Canaveral vendredi dernier lorsque Matthias Biniok a lancé un regard à travers la baie, en direction de la fusée qui allait envoyer son robot flottant dans l’espace.

« J’ai un peu l’impression d’être un père qui voit partir son fils » a-t-il confié depuis la salle des contrôles du centre spatial Kennedy, 21 minutes avant le décollage.

Binjok, originaire d’Allemagne, est un ingénieur en intelligence artificielle et le créateur du cerveau de CIMON, un robot sphérique de la taille d’un ballon de basket. Celui-ci est capable de se déplacer dans des environnements en apesanteur comme celui de la Station Spatiale Internationale, grâce à des jets d’air.

La création de CIMON a été dirigée par Airbus, qui a créé le « corps » et la majeure partie de son programme IA. Il s’agit du premier robot de l’espace créé pour assister les astronautes : on peut le voir comme une sorte d’ancêtre d’HAL 9000, ou une version améliorée de Wilson, selon les préférences cinématographiques de chacun.

Ce matin-là, près de cent ingénieurs et scientifiques étaient rassemblés sur la terrasse d’observation du centre spatial, regardant les zébrures roses de l’aube illuminer le ciel encore sombre par-delà le Falcon 9 version Block 4 de SpaceX. Lorsque celui-ci c’est envolé à 5h42 dans une traînée de flammes, le public rassemblé a poussé des cris de joie, et Binjok en a eu la chair de poule. « C’était juste magnifique », confie-t-il.

Binjok, qui travaille pour IBM, a construit le « cerveau » de CIMON, c’est-à-dire le programme d’accès à la plateforme d’intelligence artificielle Watson, qu’il a utilisée pour créer une large base de connaissances sur les expériences dans l’espace.

CIMON est conçu pour interagir avec tout le monde, mais, comme tous les bons robots de l’espace, il a un maître : l’astronaute allemand Alexander Gerst, qui réalise des expériences pour l’Agence Spatiale Allemande.

C’est Airbus qui a construit l’enveloppe physique du robot : bien que le groupe soit plus connu pour ses avions de transport de marchandises ou de personnes, comme l’A380, il recrute de plus en plus d’ingénieurs pour développer les assistants robotiques sur ses chaînes de montage.

Bien que les robots soient devenus partie intégrante des entrepôts de commerçants en ligne comme Amazon ou Ocado, il leur a fallu plus de temps pour entrer dans les secteurs d’industrie lourde tels que l’aéronautique, car leur retour sur investissement manque de clarté.

Cependant, depuis 2016, Airbus planche sur le développement de robots humanoïdes pouvant effectuer les tâches difficiles ou dangereuses dans ses usines. Philip Schulien, ingénieur systèmes senior chez Airbus, a commencé le développement de CIMON il y a deux ans, soutenu par l’Agence Spatiale Allemande à hauteur de 5 millions d’euros et par Airbus (budget non communiqué), pour tenter de résoudre un problème rencontré par la société : réaliser expériences dans l’espace devenait de plus en plus coûteux.

Tout comme beaucoup d’autres entités commerciales, Airbus recrute parfois des scientifiques de la NASA pour réaliser des expériences sur des matériaux, naturels comme synthétiques, dans l’ISS. Des sociétés peuvent payer près de 100 000 dollars pour envoyer des matériaux dans l’espace pour ces tests.

« On fait des découvertes qui n’auraient pas pu être possibles avec la pesanteur » indique Philip Schulien. Ces données sont ensuite exploitées par Airbus pour choisir les composants de ses futurs appareils.

Cependant, réaliser une expérience dans l’ISS demande parfois des douzaines d’étapes : les astronautes doivent flotter jusqu’à un ordinateur attaché au mur pour consulter un PDF leur indiquant l’étape suivante, avant de retourner vers leur poste, et ce ad nauseam.

Selon Biniok, « cela représente une grande perte de temps, et l’expérience doit être mise en pause à chaque déplacement ». C’est également une perte d’argent, car réserver le temps des astronautes de l’ISS pour des expériences est coûteux. Cette fois, Airbus prévoit de réussir à faire réaliser ses expériences sur CIMON et d’autres matériaux en tout juste trois heures. « L’avantage de CIMON, » poursuit-ils, « c’est qu’il s’agit d’un robot autonome et libre de ses mouvements. On a juste à lui demander de s’approcher. ».

Si l’implantation d’IBM dans le milieu de la robotique est bien établie, avec des partenaires comme Pepper, le robot de SoftBankRobotics, Airbus a encore du chemin à faire. Pour Schulien, CIMON joue le rôle important de vitrine et montre la technologie qu’Airbus pourrait développer non plus uniquement pour sa propre chaîne de montage, mais aussi pour des industriels dont les employés travaillent dans des espaces confinés et isolés.

À l’avenir, il n’est pas impossible que CIMON participe aux missions spatiales en direction de Mars, mais pour l’instant Airbus souhaite observer ses interactions avec les astronautes dans l’espace, et voir s’il est perçu comme une aide ou comme une gêne. Au moins, pas de risque qu’il devienne soudain super-intelligent et prenne la contrôle de la Station Spatiale, pardonnez-nous la référence.

Schulien explique que l’intelligence artificielle de CIMON repose sur une technique nommée « apprentissage supervisé ». Selon lui, « pas de risque que CIMON apprenne par lui-même et qu’il évolue dans une direction non désirée ». Alors que petit robot est en chemin vers son maître, voilà au moins une chose pour laquelle ses créateurs n’ont pas à s’inquiéter.

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