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Aide à la conduite, data routière, récupération des véhicules volés… comment Coyote s’est-il réinventé pour maintenir sa place face à la concurrence ?

Benoit Lambert, Directeur Général de Coyote.Benoit Lambert, Directeur Général de Coyote.

Coyote fait partie de ces entreprises historiques qui ont fait leur place dans le langage commun mais qui ont progressivement été rattrapées par des startups en hypercroissance. Dans ce cas, l’arrivée de Waze sur le marché a poussé Coyote à se réinventer et à compléter son offre historique d’aide à la conduite. Entretien avec Benoit Lambert, Directeur Général de Coyote, pour nous expliquer quelle stratégie a été déployée pour maintenir sa place dans la course.

 

Forbes : Combien de personnes sont encore fidèles à Coyote et quels chiffres pouvez-vous nous donner sur la santé financière du groupe ?

Benoit Lambert : Notre service historique « d’Aide à la conduite » qui permet d’anticiper les dangers sur la route est aujourd’hui utilisé par 5 millions d’Européens ; que cela soit via nos systèmes embarqués, nos applications et nos boîtiers. Il y a par ailleurs 1 million de boîtiers Coyote en circulation à ce jour. Nous comptons aussi dans ces chiffres les intégrations via nos partenaires opérateurs télécoms comme Orange en Belgique, SFR en France ou encore Vodafone en Espagne.

Coyote compte plus de 400 personnes en effectif : dont 300 au siège à Suresnes, le reste dans nos points de vente (Coyote Stores) ou encore à Bordeaux notamment chez Ubiwan, une startup que nous avons rachetée en 2022 et qui s’occupe de notre activité de géolocalisation et de gestion de flottes professionnelles. En parallèle, nous disposons aussi de bureaux en Belgique, en Espagne, en Italie et au Portugal chargés de la commercialisation de nos services. Enfin, Coyote a connu un chiffre d’affaires de 150 millions d’euros en 2023 (contre 135M€ en 2022), un EBITDA à près de 60 millions d’euros et un ARR en hausse de 15% chaque année depuis 10 ans.

 

Pour ceux qui n’ont pas suivi toute l’histoire, pouvez-vous nous rappeler comment Coyote est passé de “détecteur de radars” à “assistant d’aide à la conduite pour plus de sécurité routière” ?

B. L. : Je suis pour ma part arrivé chez Coyote en 2015 et j’ai tout de suite constaté que l’entreprise était un peu trop mono-centrée, mono-service et mono-support. Nous avons donc d’emblée travaillé sur le développement d’une application embarquée dans un premier temps chez Toyota en Europe, puis Renault un peu plus tard via son système R-Link.

Nous avons également rendu notre offre davantage multicanale en tissant notre propre réseau de distribution dans des magasins répartis dans toute l’Europe mais aussi directement dans des concessions automobiles. Nous nous sommes vite aperçus qu’un seul service n’était pas suffisant et que nous devions aller au-delà de notre promesse de traitement des données en temps réel. Notre proposition de valeur consiste à proposer un abonnement avec ROI : autrement dit l’utilisateur paye un abonnement dans le but de faire des économies car il évite en bout de course de payer des amendes.

Nous fêtons nos 20 ans d’existence l’an prochain et nous sommes fiers de pouvoir affirmer être une entreprise française à part entière, ne serait-ce parce que nos boîtiers sont entièrement produits sur le territoire (notamment dans les usines de notre partenaire Bosch).

Historiquement, Coyote est spécialisé sur l’aide à la conduite : un abonnement donne accès à des informations et données utiles aux conducteurs en temps réel via un boitier ou l’application Coyote. Mais nous sommes aujourd’hui devenus plus largement une société de services pour la mobilité. Notre boîtier est un réel outil d’aide à la conduite – notamment pour aider au respect des limitations de vitesse – mais aussi de sécurisation de la conduite avec le repérage de dangers sur la route. Et ces services proposés dans nos boîtiers ont progressivement été transférés vers une application directement intégrée via les systèmes Android Auto ou CarPlay.

 

Quels autres services avez-vous donc déployé pour compléter votre offre ?

B. L. : En 2017, Coyote a fait l’acquisition de Traqueur, un expert dans le secteur des solutions d’après-vol et de gestion de flotte automobile. C’est ce qui a marqué notre implantation sur le secteur du B2B et permis le lancement de Coyote Pro au travers d’Ubiwan, une offre dédiée aux professionnels qui associe trois services : l’alerting, la gestion de flotte et la récupération de véhicules volés.

Notre technologie Coyote Secure promet la récupération d’un véhicule volé via une géolocalisation de pointe. Il s’agit d’un boîtier autonome non détectable et non brouillable qui fonctionne sur les protocoles Sigfox et Lora. L’année dernière, nous avons récupéré plus de 40 millions d’euros de valeur de vol et nous comptons bien poursuivre nos efforts car la sinistralité du vol d’automobile coûte jusqu’à 780 millions d’euros par an aux assureurs. En 2023 par exemple, les services de police et du ministère de l’Intérieur ont enregistré 140 400 vols de véhicules en France, soit environ 1 vol toutes les 4 minutes.

Ainsi, ce service Coyote Secure est désormais vendu dans des concessions automobiles. Rien que l’an passé, nous avons installé plus de 100 000 boîtiers et nous avons même lancé cette année une branche B2B spécifique auprès des compagnies d’assurances qui préconisent eux-mêmes notre système. Au total, plus de 400 000 véhicules sont équipés de la solution Coyote Secure en France, en Belgique, au Luxembourg et en Espagne.

Mais cela ne s’arrête pas là : nous offrons aujourd’hui aux entreprises un service unique de gestion de parc, particulièrement dans le secteur du BTP, pour répondre au fléau des vols d’engins de chantiers comme les pelleteuses par exemple. Cela vaut aussi pour les utilitaires faisant partie d’une flotte de véhicules d’entreprise. C’est d’ailleurs ce qui nous a motivé à prendre une participation majoritaire dans la startup bordelaise Ubiwan. Enfin, en lien avec notre service historique, nous travaillons aussi en étroite collaboration avec les collectivités et les infrastructures routières notamment en leur fournissant nos données de mesure des flux de circulation et de vitesse moyenne des automobilistes.

En résumé, notre business model se répartit à hauteur de 60% sur notre activité d’alerting et à 40% sur notre offre Coyote Secure. La partie alerting n’a jamais cessé de grandir et notre chiffre d’affaires a ensuite été complété par l’activité Secure. Nous envisageons aussi d’autres acquisitions dans les années à venir mais nous prenons le temps de veiller à ce que les nouveaux services intégrés apportent réellement de la valeur.

 

Est-ce la clé de votre stratégie de différenciation face à Waze, Wikango ou encore Inforad ?

B. L. : Oui, nous nous sommes rendus indispensables sur le marché de la data routière. Nous sommes par exemple le plus grand pourvoyeur de data en Belgique depuis la mise en place d’un test avec les services de police locaux. En France, les partenariats avec le secteur public sont plus complexes et nous travaillons majoritairement avec les sociétés privées d’exploitation des routes.

La sécurité routière est aussi un sujet éminemment européen et la normalisation en cours sur ce sujet est plus que bienvenue. De notre côté, nous espérons surtout voir davantage d’homogénéisation des règles entre différents services de police européens – voire à l’international. Cela permettrait de rendre plus efficace la récupération de véhicules volés.

 

Comment faire pour survivre sur un marché largement envahi par l’usage du smartphone ? En clair, quel est l’intérêt de payer un abonnement en tant que particulier si Waze offre déjà un niveau de service suffisant et gratuit ?

B. L. : Notre premier outil communautaire est en fait déjà sorti en 2005, au moment où le smartphone n’était pas encore répandu. Nous nous sommes ensuite adaptés au marché et aux attentes de nos clients. Notre promesse n’est pas la même que Waze : nous nous différencions sur la qualité d’information que nous délivrons. Nous n’avons effectivement pas le même nombre d’utilisateurs mais la quantité ne garantit pas la qualité des données. Notre communauté est engagée, ce qui fait que notre sourcing est de meilleure qualité.

Nous pensons qu’il y a de la place pour tout le monde sur notre marché. Waze est bien présent en France, aux États-Unis ou encore au Brésil, mais pas forcément ailleurs. C’est par exemple Google Maps qui est le plus plébiscité au Royaume-Uni. Je dirais que Waze est un peu le Facebook de la route et nous les professionnels du secteur. À ce titre, la durée de vie moyenne d’un client chez nous se situe autour des 8-9 ans. Nous disposons donc d’une base d’utilisateurs solide qui font preuve d’un attachement fort à notre marque historique et qui viennent chercher chez nous une promesse différente à savoir faire des économies en évitant les amendes, plutôt que de gagner du temps.

Autre point de différenciation : nous couvrons toute la chaîne de valeur. Nous avons par exemple racheté récemment l’entreprise Technimobile pour s’occuper de la pose des boîtiers. Ainsi, la production et le déploiement de nos produits sont devenus une commodité et notre savoir-faire reste avant tout le service. Demain, nous souhaiterions devenir le professionnel de référence de la mobilité sur toute la chaîne de valeur.

Nous allons également entamer l’année prochaine une refonte totale de nos services avec par exemple l’amélioration de nos alertes sonores intelligentes pour éviter que les yeux du conducteur se détournent de la route. Un nouveau boîtier est aussi en cours de développement : il fonctionnera en 5G, pourra traiter de l’information plus rapidement et sera doté d’un meilleur écran en HD.

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