Avec l’explosion des usages numériques au travail et dans la vie privée, beaucoup de Français se sentent dépassés par des outils qu’ils ne maîtrisent pas. Un entrepreneur témoigne du rôle clé de la formation tant à l’école que dans nos entreprises pour éviter de subir la révolution numérique et pour développer la compétitivité de notre économie.
Pour les digital natives, génération Z, iGen, quel que soit le nom qu’on leur donne, le numérique fait partie de leur vie depuis toujours et ils sont les premiers à avoir besoin d’y être formés. En effet, cette nouvelle génération ne connaît souvent qu’en surface le fonctionnement des systèmes numériques et les enjeux derrière leurs usages (données personnelles, cybersécurité, etc.).
En France, l’école a commencé à intégrer dans son cursus des sensibilisations au numérique, mais le compte n’y est pas encore. D’une part, malgré quelques pionniers dans le domaine – et il faut le saluer – les enseignants ne sont pas systématiquement formés à apprendre le numérique aux élèves. Si on veut offrir à nos enfants un enseignement au numérique de qualité, à la hauteur des défis actuels, on ne peut pas faire l’impasse sur un accompagnement solide des enseignants en la matière. D’autre part, la grande majorité de nos enfants est déjà très en contact avec le digital : ils n’ont donc pas besoin d’y être sensibilisés, mais plutôt d’un enseignement complet et cohérent. Si tous les jeunes n’ont pas vocation à devenir développeurs, des connaissances sur le fonctionnement des systèmes numériques, l’organisation du web, les bases du code, etc. leur seront très utiles, quel que soit leur futur métier.
Des propositions ont été mises sur la table, mais elle se cantonnent pour l’instant à des déclarations de principe. La consultation sur le projet de loi PACTE a fait émerger fin 2017 l’idée de « mettre en place un plan gouvernemental pour former à l’innovation, au numérique » dès l’école primaire. La proposition de créer un Bac N (pour Numérique), portée par la délégation française des jeunes entrepreneurs au G20 de Berlin en 2017, va dans le même sens. Pour autant, il manque encore une volonté politique pour accélérer ces projets dans un pays où l’Éducation Nationale comme le Bac sont des totems intouchables.
L’inspiration pourrait venir d’Europe et d’autres pays qui ont bien avancé sur le sujet. D’autant plus que la Commission s’investit en inscrivant le développement des compétences numériques comme priorité du marché unique numérique, fédère les entreprises avec la Digital Skills and Jobs Coalition et soutient des événements sur tout le continent comme pendant la Code Week en octobre. Ces initiatives permettent à des entreprises de proposer des initiations au codage informatique comme par exemple Orange avec #SuperCodeurs.
Bien entendu, la formation au numérique ne doit pas se limiter à l’école. Avec la révolution numérique, l’innovation change de rythme et nos outils évoluent profondément tous les 5-10 ans. Les actifs ont donc besoin de se mettre à jour sur les outils numériques indispensables à leur métier, surtout ceux qui cherchent à se réorienter et il y en aura de plus en plus. L’actualité récente a montré que les défis de la formation continue en France dépassent le numérique. La formation des actifs ne répond pas suffisamment aux attentes légitimement élevées des Français : les décisions à venir du gouvernement pour le « big bang » de la formation professionnelle seront très attendues.
Participer à la formation au numérique des talents pour rester compétitifs
La formation continue est un élément stratégique pour la compétitivité économique de la France. Sans main d’œuvre compétente dans l’utilisation des outils numériques, nous ne pourrons pas rester très longtemps dans le club des principales économies mondiales.
Certes, le numérique ne représente que 5 à 6% du PIB, mais il a une influence déterminante sur les autres secteurs économiques, la création de nouveaux modèles d’affaires disruptifs et l’organisation des entreprises. Comprendre le numérique, c’est continuer à maîtriser sa destinée économique et devenir un acteur qui compte face aux GAFA américaines et aux BATX chinoises.
C’est particulièrement vrai dans le contexte de guerre des talents que vit actuellement le secteur numérique. On manque aujourd’hui cruellement de bons profils techniques. Dans ce domaine, les filières d’excellence scientifiques et techniques ne sont pas toujours adaptées aux métiers du numérique : il est urgent de travailler davantage avec ces écoles sur leurs cursus et les débouchés professionnels. Mais le besoin de formation au numérique ne concerne pas que les métiers techniques, il manque aussi des juristes, des designers, des médecins, etc. bien formés aux outils numériques. Il faudra réussir à comprendre et à faire fonctionner les systèmes de plus en plus complexes, qu’on place sous l’appellation générique d’intelligence artificielle. C’est tous ensemble, en étant bien formés, que nous arriverons à relever les défis de ces transformations.
Dès lors quelles pistes pour améliorer la maîtrise des compétences numériques dans nos entreprises ?
Les chambres de commerce ont une carte à jouer en travaillant sur la mise à jour des filières de formation aux métiers du numérique en lien avec l’école et le secteur éducatif. Les chambres de commerce connaissent le mieux les besoins des entreprises et leur représentativité garantit l’impartialité de leurs décisions. L’objectif serait d’actualiser les programmes de formation, de faire connaître les nouveaux métiers et d’attirer les talents dans cette direction.
Pour répondre aux tensions sur le marché de l’emploi des développeurs et d’autres métiers techniques, Pôle Emploi a mis en place le dispositif innovant des Préparations Opérationnelles à l’Emploi (POE). Pôle Emploi finance pendant plusieurs mois des formations pour combler l’écart entre les compétences des candidats et le niveau requis pour le poste. De mon expérience pour recruter des développeurs PHP et Symfony, je peux dire que c’est un formidable moyen pour trouver des talents compétents et motivés. De nombreuses entreprises hésitent encore à franchir le pas, mais c’est une option à prendre sérieusement en compte quand les canaux de recrutement traditionnel (publication d’offres d’emploi, job datings, salons de recrutement) ne portent pas leurs fruits. La mobilité entre les métiers est un filon quasi inépuisable qui n’est pas prêt de s’arrêter.
Enfin, dans nos entreprises, ne craignons pas de consacrer du temps à la collaboration entre les salariés pour se former. Nos collaborateurs sont riches de multiples connaissances numériques qu’ils sont souvent très heureux de partager et ils apprennent bien plus vite de leurs collègues, en prise aux mêmes enjeux qu’eux, plutôt que d’un formateur extérieur. C’est aussi à l’intérieur de nos entreprises que nous pouvons établir cette culture de la formation continue au numérique.
Vous avez aimé cet article ? Likez Forbes sur Facebook
Newsletter quotidienne Forbes
Recevez chaque matin l’essentiel de l’actualité business et entrepreneuriat.
Abonnez-vous au magazine papier
et découvrez chaque trimestre :
- Des dossiers et analyses exclusifs sur des stratégies d'entreprises
- Des témoignages et interviews de stars de l'entrepreneuriat
- Nos classements de femmes et hommes d'affaires
- Notre sélection lifestyle
- Et de nombreux autres contenus inédits