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Interview | Dan Widmaier, CEO de Bolt Threads : « L’industrie de la mode fait preuve d’un changement d’attitude à l’égard des biomatériaux »

Adidas, Kering, lululemon, Stella McCartney, etc. La liste des enseignes de mode qui ont recours à la technologie de Bolt Threads s’allonge. La start-up californienne spécialiste de la culture du mycélium réussit à convaincre de plus en plus de marques à adopter Mylo, son cuir végétal fabriqué à partir de racines de champignons. Dan Widmaier, CEO de la firme, a accepté un entretien pour nous en apprendre plus sur ce cuir d’un nouveau genre.


 

Pouvez-vous expliquer brièvement quel est le processus de production de votre cuir alternatif ?

Dan Widmaier : Le mycélium utilisé pour notre matériau Mylo est cultivé par des champignonnistes experts dans des installations verticales à la pointe de la technologie, alimentées à 100% par des énergies renouvelables. 

Nous commençons par reproduire ce qui se passe sur le sol de la forêt dans un environnement intérieur contrôlé. Nous prenons des cellules mycéliennes et les nourrissons de sciure de bois et d’autres matières organiques, puis nous plaçons le tout dans un plateau tout en contrôlant l’humidité et la température – parmi d’autres variables. 

Le mycélium se développe en une couche mousseuse – imaginez des marshmallows écrasés – et en moins de deux semaines. C’est une grande différence par rapport aux 3 ans et aux nombreuses ressources nécessaires pour élever du bétail dont les peaux sont utilisées dans la fabrication du cuir animal.  

Une fois le mycélium récolté, le reste du matériel est composté. Nous traitons et finissons ensuite cette feuille de mycélium en utilisant les principes de la chimie verte pour livrer ce matériau de haute qualité aux clients. 

 

 

À qui proposez-vous ce matériau ? 

D. W : Notre objectif avec Mylo est de le rendre commercialement disponible pour les consommateurs du monde entier, à travers des produits et des marques qu’ils connaissent et aiment.

Notre Consortium Mylo regroupe des partenaires – adidas, Kering, lululemon et Stella McCartney – qui ont fait part de leur engagement avéré en faveur de l’innovation et de la durabilité, de la qualité exceptionnelle de leurs produits et de leur impact mondial. 

 

Dans quelle mesure l’industrie de la mode (adidas, Kering, lululemon, Stella McCartney) peut-elle utiliser votre cuir alternatif ? Peut-on le faire évoluer ou le reproduire à grande échelle ? 

D. W : Nos partenaires du Consortium Mylo utilisent le matériau Mylo dans de nouveaux produits, allant des vêtements aux baskets en passant par les sacs à main, les accessoires et plus encore. Au-delà des prototypes, nos partenaires ont également prévu de commercialiser les produits Mylo dans un avenir proche : les sacs lululemon devraient par exemple être disponibles à la vente début 2022. et le sac à main Mylo de Frayme fera partie de la collection été 2022 de Stella McCartney. 

Bien que les technologies de pointe prennent du temps, surtout lorsqu’il s’agit de mettre en place une nouvelle chaîne d’approvisionnement, nous nous concentrons sur la mise à l’échelle de notre processus de développement afin de rendre Mylo disponible à l’échelle commerciale sans sacrifier les principaux paramètres de qualité et de durabilité. Nous sommes actuellement sur la bonne voie pour livrer 100 000 mètres carrés (« 1 million square feet ») de Mylo et pour atteindre des centaines de milliers de plus à l’avenir. 

 

L’industrie de la mode est-elle prête à changer sur ce point ? 

D. W : L’industrie de la mode fait preuve d’un changement d’attitude à l’égard des biomatériaux et nous pensons que c’est une tendance qui va durer. Nous commençons à voir se concrétiser davantage de partenariats fondés sur la science et la collaboration, et les grandes marques investissent massivement dans la mise en œuvre de pratiques plus respectueuses de l’environnement dans l’ensemble du secteur.

 

Bolt threads
Dan Widmaier, CEO de Bolt Threads :

Mylo est un matériau semblable au cuir fabriqué à partir du mycélium – la structure souterraine tentaculaire des racines des champignons

 

Selon l’Institut Flik Freiberg, les cuirs végétaux n’atteignent pas les mêmes résultats que le cuir animal… Y parviendrons-nous un jour ?

D. W : Nous sommes convaincus que Mylo peut rivaliser avec le cuir animal traditionnel, tant en termes d’aspect que de qualité. Le mycélium est un organisme fibreux, ce qui nous permet de créer un produit solide et souple ; et qui n’est pas mince ou pâteux comme certaines alternatives au cuir.  

Depuis sa création, Mylo a subi plus de 5 000 itérations pour aboutir à un matériau de haute qualité qui peut être utilisé comme le cuir animal traditionnel. 

 

Défilé Stella Mc Cartney

 

Selon le Conseil National du Cuir, « l’industrie de la viande va continuer, il sera donc toujours nécessaire d’utiliser les peaux ». Êtes-vous d’accord ?

D. W : Alors que la population mondiale compte plus de 80 millions de personnes chaque année, nous sommes confrontés à une contrainte toujours plus forte sur les ressources naturelles. Selon les scientifiques, la demande mondiale de viande est la plus grande menace pour la biodiversité et la survie de millions d’espèces végétales et animales indispensables à un écosystème sain. Ce qui a fonctionné pour un milliard de personnes ne fonctionnera pas pour 10 milliards sur cette planète.  Nous avons besoin de technologies et de solutions plus intelligentes dans tous les secteurs, et nous pensons avoir créé une meilleure solution avec Mylo.  

 

En France, un décret interdit l’utilisation du mot « cuir » pour tout autre matériau que la peau tannée d’un animal… Avez-vous une opinion à ce sujet ?

D. W : Mylo est un matériau semblable au cuir fabriqué à partir du mycélium – la structure souterraine tentaculaire des racines des champignons. Notre objectif n’est pas de remplacer le cuir par notre matériau Mylo, mais plutôt de donner aux consommateurs le choix d’une alternative sans animaux au cuir traditionnel, sans pour autant sacrifier la qualité.  

 

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