Depuis la nuit des temps, l’être humain vit en communauté, et l’humanité s’est développée en se regroupant en ville. Ce que New York est aujourd’hui –pour beaucoup, la capitale du monde-, Rome l’était pour l’Empire Romain et Constantinople pour l’Empire Ottoman. De tout temps, ces centres urbains ont été des centres de créativité, d’activité économique et d’évolution. Ils symbolisent la liberté, la culture et la civilisation. Et aujourd’hui, ils évoluent de plus en plus vite. Tribune de Rémy Raisner.
Quel est l’avenir de l’urbanisme? Tout d’abord, il est profondément touché par la révolution technologique. Alors que les applications et le GPS ont permis la création d’Uber il y a dix ans, les mêmes technologies, remises à jour, permettent maintenant les voitures autonomes. Elles sont désormais disponibles à New York et ont fait leurs débuts à Brooklyn en Août, avec six véhicules gratuits et prêts à transporter des passagers à l’intérieur d’une zone industrielle du Nord du quartier.
Ensuite, les nouvelles technologies modifient notre façon d’acheter et d’utiliser l’immobilier résidentiel, c’est-à-dire nos maisons. Aux États-Unis, alors que la plupart des particuliers ont été exclus du marché hypothécaire après la crise financière de 2008, les institutions financières sont devenues les principaux acheteurs de maisons individuelles pour les louer, les transformant essentiellement en une classe d’actifs financiers appelée ‘single-family residential’ (ou ‘maisons individuelles destinées à la location’). Ces investisseurs ont été les premiers à acheter des biens immobiliers souvent sans les visiter, algorithmes à l’appui. Ces acteurs sont maintenant surnommés ‘iBuyers’ (‘iAcheteurs’): acheteurs qui font à leur vendeurs des offres sur-le-champ et sans financement banquier. Ces investisseurs justifient leur honoraires élevés en invoquant la simplicité et la certitude de clôture de leurs transactions, en peu de temps. À Phoenix dans l’Arizona, 7% des transactions immobilières impliquent aujourd’hui un iBuyer -ce n’est donc plus une petite tendance.
De ce fait, l’immobilier est de plus en plus perçu comme un bien à louer temporairement et non à posséder longtemps, et à passer de génération en génération. Cette philosophie émane de l’émergence de ‘l’économie partagée’ dans tous les aspects de nos vies. Celle-ci qui prône une vie avec moins de possessions matérielles, et plus de locations de tout. Un exemple ? Le succès de Rent The Runway, un service en ligne permettant de louer pour courte durée des vêtements de grand luxe.
Malgré ce que l’on peut lire un peu partout, les magasins, centres commerciaux et le commerce de détail ne sont pas morts. Il est certain que les magasins traditionnels doivent s’adapter à la croissance des achats sur internet. Néanmoins, cette adaptation sera semblable à la création de magasins à grande surface il y a plusieurs décennies. Les centres commerciaux et les magasins ne vont pas tous disparaître. Ils vont évoluer. Ceux qui peuvent s’adapter vont survivre. Par exemple, aux États-Unis encore, les magasins Walmart sont en train de devenir des centres de distribution équipés pour livrer des courses à domicile sous 24 heures après commande en ligne, afin de mieux concurrencer Amazon. Et aujourd’hui, les nouvelles marques commencent de plus en par l’e-commerce avant de louer des murs -une tendance largement sous-estimée.
D’ailleurs, ces marques débutent de plus en plus souvent en utilisant des espaces commerciaux temporaires, avant un bail à long terme, si les résultats ont été concluants. Dans les villes, la location de magasin à court terme va continuer à se développer. Et en terme de politique de l’aménagement urbain, pour remédier au fléau des magasins de centre ville vides, il s’agit d’un remède plus viable économiquement que l’encadrement des loyers commerciaux, qui fait souvent l’objet de discussions passionnées et controversées.
Bien que certains centres commerciaux soient voués à l’échec, de nombreux autres sont réadaptés à de nouvelles utilisations telles que des espaces de coworking, des résidences, ou bien d’autres usages comme des clubs de fitness hauts de gamme. Aujourd’hui, ils sont devenus pour certains des extensions de nos foyers. Nous n’y faisons pas simplement du sport. Nous y déjeunons, prenons un café, travaillons et nous y rencontrons. De plus en plus, ces gymnases ressemblent à des hôtels de luxe.
Le rôle du secteur public dans l’aménagement de nos villes ne cessera jamais d’être de la plus haute importance. Les pouvoirs publiques définissent leurs apparences et leur convivialité, et peuvent soutenir ou entraver leur activité économique, par le biais de vecteurs évidents ou non. Les politiques urbaines doivent permettre aux villes de garder des loyers abordables afin de réaliser leur plein potentiel économique. Ceci n’a pas été le cas ces dernières années dans le monde occidental. Une forte corrélation existe entre la croissance du PIB d’une agglomération et sa capacité à rester suffisamment bon marché pour attirer ou garder non seulement des cadres supérieurs, mais aussi des personnes de tous niveaux professionnels et salariaux pouvant soutenir les entreprises locales. La solution à la question du coût élevé de la vie urbaine réside dans l’équation offre-demande: construire plus de logements permet aux loyers d’augmenter moins brusquement.
Le mouvement mondial actuel d’encadrement des loyers va à l’encontre de son objectif. New York a récemment rendu l’encadrement des loyers permanent pour un tiers de ses 3 millions de logements. Les propriétaires ne sont donc plus incités à investir dans ces appartements, et ceux-ci risquent de se dégrader. Blackstone, un groupe d’investissement américain propriétaire d’un ensemble de 11 000 logements à Manhattan, a annoncé qu’il mettait fin aux travaux après le passage de la loi, en Juin. Des quartiers entiers de classes moyennes et ouvrières risquent d’être figés dans le temps, par manque de capital d’investissement. Et comme l’offre d’appartements récemment rénovés a été réduite de plus de moitié par le passage de cette loi, la ville de New York court le risque de devenir encore plus chère et ségrégée que San Francisco. Cela pourrait en faire la ville la plus inabordable au monde.
De plus, toute diminution des valeurs immobilières ou du volume de transactions qui en résulte signifie moins d’impôts fonciers pour la municipalité, sans parler de la diminution des emplois de BTP entraînée par la baisse des rénovations d’appartements.
La ville du futur est également un lieu ouvert à l’immigration. Le succès de pays comme le États-Unis ou la France est la preuve qu’elle contribuent positivement à l’activité économique. Des études ont montré que les immigrants étaient en général susceptibles de devenir entrepreneurs et donc créateurs d’emplois. Google a été créé par un fondateur russe et est aujourd’hui dirigé par un PDG d’origine indienne. Historiquement, les villes importantes ont été des centres ouverts d’esprit permettant la diversité et de nombreuses formes d’influences culturelles extérieurs. Cela fait circuler la créativité dans tous les domaines, de l’éducation au commerce, en passant par les arts. Et qui dit créativité, dit nouvelles idées et excellence.
Alors, à quoi ressemble la ville du futur?
Étant donné les changements structurels en cours dans nos sociétés, ce sera celle qui pourra gérer avec un minimum de friction les développements mentionnés ci-dessus. Les secteurs public et privé doivent travailler main dans la main pour surmonter les défis urbains à venir. Les dirigeants du secteur de l’immobilier et les pouvoirs publics doivent de plus en plus travailler ensemble, dans le cadre d’une vision à long terme. Cela permettra la coexistence harmonieuse des investissements immobiliers durables, de la technologie, du progrès et de la cohésion sociale. Seul cela ressemble à la ville du futur.
Rémy Raisner est le fondateur et PDG du Groupe Raisner (anciennement Proteus Capital Management), une société de private equity spécialisée dans le secteur immobilier et basée a New York.
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