Face à l’essor du numérique, l’impact écologique devient un enjeu sociétal majeur exigeant des réponses politiques urgentes. Bien souvent perçue, à juste titre, comme un vecteur d’innovation et de progrès, l’industrie du numérique est aussi l’une des industries ayant un impact des plus conséquents sur l’émission de gaz à effet de serre au regard de la dynamique de son développement.
Une contribution de Pierre-Alain Raphan, Responsable des relations institutionnelles chez Claranet
Derrière nos écrans, nos applications et nos systèmes d’information se cachent des infrastructures complexes, des serveurs énergivores et une logistique mondiale qui génèrent une empreinte carbone considérable. 79% de l’empreinte carbone du numérique provient de nos équipements, environ 16% des data centers et 5% des réseaux (Étude ADEME – Arcep sur l’empreinte environnementale du numérique en 2020, 2030 et 2050).
La dette technique : une bombe à retardement environnementale
À ce phénomène s’ajoute un fléau souvent méconnu du grand public : la dette technique.
Lorsque les systèmes d’information ne sont pas mis à jour ou modernisés, leur performance se dégrade et les infrastructures consomment plus de ressources qu’elles ne le devraient. Une dette technique accumulée, c’est non seulement un risque pour la sécurité des systèmes, mais c’est aussi une source de surconsommation d’énergie, qui alourdit l’empreinte écologique des entreprises.
La dette technique contribue activement à l’aggravation de notre dette écologique. En ne mettant pas à jour leurs systèmes ou en ne réorganisant pas leurs infrastructures de manière efficiente, les entreprises perpétuent des pratiques qui favorisent l’obsolescence de leurs systèmes.
Cette corrélation n’est pas une simple coïncidence, mais bien une causalité. La dette technique n’est pas uniquement un problème financier ou de productivité : c’est une bombe à retardement environnementale.
CSRD : un moment opportun pour agir
La directive européenne CSRD (Corporate Sustainability Reporting Directive) qui entre en vigueur dès 2025, marque un tournant pour les grandes entreprises. A travers une approche de double matérialité dans les rapports ESG, elle oblige les organisations à évaluer à la fois leur impact sur l’environnement et les risques climatiques pesant sur leurs performances économiques. Pour de nombreuses entreprises, cela représente une opportunité unique d’engager des actions concrètes pour réduire leur dette technique et, par extension, leur dette écologique tout en se conformant à ces nouvelles exigences réglementaires.
L’impact positif du numérique durable
La migration vers des serveurs plus efficients et le recours à des énergies renouvelables pour alimenter les data centers permettent de diminuer leur consommation d’énergie de près de 50 % comme le soulignent l’Agence Internationale de l’Énergie ou encore l’Union Européenne dans son rapport sur les énergies renouvelables et l’efficacité des data centers.
Les entreprises et les pouvoirs publics ont une responsabilité majeure. Moderniser les systèmes d’information, optimiser les logiciels et promouvoir l’utilisation de solutions durables ne doivent plus être des options mais des priorités. Par ailleurs, le Gouvernement, par cohérence politique, se devrait d’encourager ces pratiques en soutenant toute initiative allant dans ce sens.
Si nous n’agissons pas maintenant, la dette technique continuera à s’accumuler, entraînant une dette écologique de plus en plus lourde à porter. Sans action pour réduire son impact, les émissions de gaz à effet de serre du numérique en France pourraient augmenter de 60% d’ici 2040, atteignant 6,7% des émissions nationales, selon le pré-rapport de la mission d’information sur l’empreinte environnementale du numérique du Sénat. Il est temps de repenser notre approche du numérique, de favoriser des solutions pérennes et de mettre en place des politiques publiques qui encouragent l’efficacité et la durabilité.
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