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Future of Sustainibility | Les fausses bonnes idées du rapport Draghi

DraghiMADRID, SPAIN – JUNE 13: The former President of the European Central Bank and former President of the Council of Ministers of the Republic of Italy, Mario Draghi, at the Moncloa Complex, on 13 June, 2024 in Madrid, Spain. Mario Draghi is in Spain to receive the Charles V European Award next Friday, June 14, at the Monastery of San Jeronimo de Yuste in a ceremony presided over by King Felipe VI. (Photo By Alejandro Martinez Velez/Europa Press via Getty Images)

Le 9 septembre dernier Mario Draghi, ancien président de la BCE, a remis à Ursula von der Leyen son très attendu rapport sur la compétitivité des entreprises européennes. Depuis, celui-ci fait couler beaucoup d’encre.

Sans surprise, le rapport souligne un décrochage de l’industrie européenne face à ses deux plus grands concurrents, la Chine et les États-Unis. Un décrochage largement imputable à la hausse des prix de l’énergie mais également à une demande intérieure atone et une pénurie de main d’œuvre qualifiée. Jusque-là, rien de nouveau sous le soleil : cela fait maintenant plusieurs années que le Vieux Continent semble englué dans une sorte de sinistrose, pleinement conscient des difficultés qu’il traverse.

Ce qui nous intéresse réellement, ce sont les solutions proposées par M. Draghi pour inverser cette tendance et redonner de l’élan à l’économie européenne, spectatrice désabusée des succès de ses concurrents internationaux. Les pistes avancées tiennent en deux mots : investissements et simplification.

Rien de bien novateur, certes, mais parfois les idées les plus simples sont les remèdes les plus efficaces aux maux les plus profonds.

S’affranchir de ses intérêts privés

En matière d’investissements, M. Draghi estime que l’UE devra injecter la bagatelle de 800 milliards d’euros par an pour regagner en compétitivité, notamment industrielle, et retrouver son indépendance vis-à -vis des puissances étrangères. Face à un budget européen d’environ 170 milliards d’euros par an, cette proposition semble utopiste. D’autant qu’elle se heurte aux chantres de l’austérité budgétaire, Allemagne et Pays-Bas en tête, qui ont immédiatement rejeté l’idée d’un nouvel emprunt commun des pays de l’UE après celui, “exceptionnel”, de 750 milliards d’euros réalisé post-Covid.

Les réactions des États membres ne font que renforcer les conclusions initiales du rapport, révélant l’ampleur des défis auxquels Ursula von der Leyen sera confrontée durant sa seconde mandature. Mario Draghi appelle en effet les pays membres à s’affranchir de leurs intérêts particuliers pour parvenir à mener un plan de relance véritablement collectif et efficace…

Mais attardons nous maintenant sur le volet environnemental. Le rapport insiste sur la nécessité de décarboner l’industrie européenne et ambitionne de faire de l’Europe le leader mondial de l’industrie verte, avec l’objectif de construire un avantage compétitif sur le long terme. Si cet objectif est louable et témoigne de la conscience de M. Draghi des enjeux économiques et sociétaux futurs, la méthode qu’il propose soulève des interrogations. C’est ici qu’intervient la simplification : simplification des processus de développement industriel, simplification d’installation, simplification des procédures administratives…

En effet, outre les problématiques de financement, le rapport Draghi pointe du doigt la bureaucratie européenne et les normes qui pèsent sur les entreprises du continent. C’est là que le bât blesse. Car ce rapport critique deux des plus grandes avancées européennes en matière d’environnement, deux piliers du Green Deal : la CSRD et la CS3D.

Accusées d’alourdir inutilement la charge administrative des entreprises, elles se retrouvent au pilori. Et ce d’autant plus face à un nouveau parlement européen constitué d’une droite renforcée qui, engoncée dans ses vieilles lubies, est prête à saisir tout opportunité pour démanteler ces régulations. A quelques mois de la publication des premiers rapports CSRD, et compte tenu des difficultés qu’a eu le parlement européen à faire passer ces régulations pourtant présentées comme novatrices en matière de transition environnementale, est-il de bon ton de remettre une pièce dans la machine ? La CSDDD, déjà largement édulcorée lors de son vote final, représente-t-elle vraiment un risque ?

Ce serait oublier l’importance réelle de ces réglementations, qui vont pourtant dans le sens même du rapport Draghi. Considérer la CSRD comme un simple modèle de reporting, c’est négliger sa vocation première. Elle doit permettre aux entreprises européennes de construire cet avantage compétitif sur le long terme en leur permettant de mieux préparer leur transition vers un monde durable.

Des avancées européennes majeures

Quant à la CS3D, elle doit permettre d’harmoniser des réglementations nationales déjà existantes sur le devoir de vigilance. Rappelons que des pays, comme la France ou l’Allemagne, disposent déjà de législations en la matière. Il s’agit ici de promouvoir une approche européenne, au lieu de s’en tenir à des visions strictement nationales, l’un des arguments avancés par Mario Draghi pour expliquer le manque de compétitivité des entreprises européennes.

La CSRD et la CS3D permettent à l’Union européenne à l’UE de se positionner en précurseur et de devenir un modèle à l’échelle internationale, comme elle l’a déjà été avec le RGPD pour la protection des données personnelles. La CSRD inspire par ailleurs déjà plusieurs États et entreprises à travers le monde qui mettent en place leur propre système de reporting extra-financier en s’appuyant sur leurs propres réglementations ou des organismes internationaux comme la SBTi, le GRI ou le CDP dont les critères de reporting tendent à converger avec ceux fixés par l’Union européenne.

Il est donc temps de cesser de remettre en question ces avancées européennes majeures en matière d’environnement. Elles ne sont pas le fruit de bureaucrates désireux de complexifier la vie des entreprises, mais répondent à un véritable besoin. En plus de positionner l’Europe comme un modèle, elles sont cruciales pour le bon fonctionnement de notre économie, en offrant aux entreprises un cadre de reporting clair face aux demandes croissantes de leurs parties prenantes sur leurs performances ESG, à commencer par leurs clients et leurs investisseurs.

La bonne nouvelle, c’est que ce vaste chantier sera notamment piloté par Teresa Ribera, nouvelle vice-présidente et commissaire européenne à la Transition propre, juste et compétitive. Ancienne ministre espagnole de l’Écologie, connue pour son engagement en faveur de l’environnement et ses compétences diplomatiques, elle aura un rôle clé à jouer dans cette nouvelle configuration politique européenne.


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