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Future of Sustainability | Veulent-ils vraiment nous faire préférer le train ?

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Young Asian woman with eyes closed, listening to music with wireless headphones in train. Business and leisure travel. Travel and vacation.

Gouvernement après gouvernement, le train reste un sujet indémodable des politiques environnementales. Mode de transport rapide et décarboné, son développement doit permettre d’offrir des alternatives écologiques à la voiture et à de nombreux trajets en avion. Mais, bien que toujours largement plébiscité, il souffre d’une mauvaise réputation, principalement à cause d’infrastructures vieillissantes et d’une offre souvent inadaptée. Autrefois fleuron national, le train en France est aujourd’hui un symbole de ce que le manque de volonté politique peut produire de pire : des occasions ratées.

Prenons le fameux « plan rail ». Annoncé en 2023 par Élisabeth Borne, celui-ci laissait espérer que cette modernisation tant attendue allait enfin perdre son statut d’arlésienne. 100 milliards d’euros d’investissement pour remettre à niveau notre réseau ferroviaire, un plan d’une ampleur historique. Enfin, le train allait redevenir une fierté nationale et une solution aux enjeux climatiques. Mais patatras : les récentes prises de parole de François Durovray, nouveau ministre des Transports, semblent avoir sonné le glas de ces ambitions. Plutôt que d’investir massivement dans le rail, nous voilà de nouveau face à la vieille rengaine des “Cars Express”, version revisitée des “Cars Macron”, qui, s’ils paraissaient à l’époque être une bonne idée, sont, avec du recul, un semi-échec. Une libéralisation qui a tourné au duopole avec un bilan environnemental en demi-teinte, les cars ayant capté une partie des usagers habituels de son alternative ferroviaire.

L’histoire récente du train en France est jalonnée de ces reculs masqués sous de belles promesses. Pourtant, les bonnes idées ne manquent pas, malheureusement la montagne ne cesse d’accoucher d’une souris faute de budget et/ou de volonté politique.Prenons l’exemple du pass universel. Inspiré du succès allemand, il était censé offrir un accès simplifié et abordable aux trains à travers le pays. Au final, cette initiative s’est transformée en un pass estival limité aux 16-27 ans, uniquement valable pour les trains régionaux hors Île-de-France. Résultat ? Une version plus chère et rétrécie d’un pass TER pourtant supprimé en 2022.

Autre mirage : la relance des trains de nuit. Présentée comme une solution bas-carbone pour concurrencer l’avion, cette initiative n’a jamais trouvé son rythme de croisière. Ces trains, peu rentables car moins fréquents, requièrent des investissements massifs en nouvelles rames et se heurtent à des obstacles logistiques liés à l’entretien des voies durant la nuit. Et pourtant, l’idée reste là, en suspens, en attente de moyens que personne ne semble décidé à fournir.

Pourquoi n’y arrivons-nous pas ? Manque d’investissement, austérité budgétaire, infrastructures vétustes : voilà autant d’excuses derrière lesquelles se cachent élus et décideurs. Mais la vérité est plus simple. Chaque année de retard, chaque hésitation, ne fait qu’aggraver la situation. Plus nous repoussons l’échéance, plus cela va nous coûter cher. L’état actuel de notre réseau est déjà la conséquence d’un attentisme délétère qui dure depuis de très nombreuses années. Et si rien n’est fait rapidement, la facture risque d’être colossale.

Pourtant, les solutions existent. Nos voisins européens montrent qu’avec une volonté politique claire, le train peut redevenir le pilier de la mobilité durable. Les pass allemands et autrichiens, le modèle d’intermodalité néerlandais, l’accessibilité des trains italiens : autant de réussites qui devraient inspirer nos décideurs. En France, en revanche, on semble toujours hésiter, repousser, minimiser.

Rappelons que le transport est responsable de près de 30 % des émissions de gaz à effet de serre. Le train est l’une des solutions les plus efficaces pour réduire ces émissions, qu’il s’agisse des déplacements individuels ou du transport de marchandises. Investir dans le train, c’est investir dans l’avenir.

Car au-delà du réseau vétuste, il s’agit aussi de revoir l’offre. La priorité donnée au TGV et aux grandes lignes a désertifié des territoires entiers, autrefois bien desservis. Ces zones rurales, isolées, n’ont eu d’autre choix que de revenir à la voiture. La SNCF ne manque pourtant pas d’idées en la matière et ne cesse d’innover : Draisy, Telli, Flexy. Ces innovations doivent permettre de revitaliser les transports publics dans les territoires. Mais, encore une fois, sans financement et implication des élus, ces bonnes idées resteront au stade de l’intention.

Un autre enjeu crucial : les tarifs. Peut-on sérieusement imaginer que le train reste une option accessible si ses prix continuent de grimper ? Il faut une politique volontariste pour éviter que ce mode de transport ne devienne un luxe réservé à une élite. Une fois de plus, la question du financement se pose. Mais, nouvelle arlésienne, peut-on encore tolérer à l’heure actuelle l’absence de taxe sur le kérosène dans l’aviation ? Sur certains trajets, l’avion reste aujourd’hui moins cher que le train. Ne semble-t-il pas logique, ici, pour l’avenir de la planète, de déshabiller Pierre pour habiller Paul ?

Certains voient dans la libéralisation du rail la solution à tous les maux. Pourtant tout indique que cette méthode n’a pas nécessairement les résultats attendus. La récente faillite de Railcoop et de Midnight Trains nous montre à quel point ce marché est complexe. L’Angleterre, elle-même, fait une fois de plus marche arrière. Après avoir renationalisé son réseau au début des années 2000 faute d’entretien convenable, l’explosion des coûts et la complexité de l’offre la pousse désormais à renationaliser les opérateurs.

Au final, il n’existe pas de solution miracle. Chaque pays européen a dû adapter son modèle ferroviaire à ses particularités. Mais il y a une constante : la volonté politique. C’est elle, et elle seule, qui permet de mobiliser les fonds nécessaires, d’initier les grands projets, et de redonner au train la place qu’il mérite dans notre société. Il est temps que la France cesse de repousser l’inévitable. Il est temps de réinvestir dans le train.


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