Alors que le duo Trump-Musk s’apprête à prendre le pouvoir aux Etats-Unis, nombreux sont ceux qui y voient, et à raison, une menace directe pour la transition durable à l’échelle mondiale. Les positions affichées par Donald Trump tout au long de sa campagne présidentielle laissent peu d’espoir à ceux qui espéraient voir la première économie mondiale s’engager un jour concrètement dans une politique climatique à la hauteur de sa contribution au réchauffement de la planète.
Si les positions extrémistes de ces deux figures hautes en couleur ne surprennent plus, la convergence de leurs intérêts, en revanche, étonne. Pourtant, ce tandem n’est pas à une incohérence près.
Cette fois-ci, c’est la posture d’Elon Musk et non celle de l’excentrique milliardaire qui interroge. Comment comprendre que le leader international de la voiture électrique devienne soudainement un fervent supporter d’un politicien érigeant les énergies fossiles au rang de trésor national ? Une alliance qui paraît d’autant plus improbable lorsque l’on se souvient des tensions qui ont marqué leurs relations par le passé.
Leur “bromance” ne fut en effet pas toute rose et a connu des revers significatifs. Les deux énergumènes se sont déjà rapprochés auparavant, lors du premier mandat de Donald Trump. Et c’est bien les politiques environnementales qui les ont alors séparés.
Pour rappel, Trump a quitté en 2017 les Accords de Paris, préalablement signés par son prédécesseur. Elon Musk faisait alors déjà partie de sa garde rapprochée, en qualité de conseiller. A la suite de cette décision, ce dernier a claqué la porte avec fracas en déclarant sur Twitter “Le changement climatique est réel. Quitter l’Accord de Paris n’est pas une bonne chose ni pour les Etats-Unis ni pour le monde”.
Et pourtant le revoilà, de nouveau associé à un Donald Trump qui semble toujours plus radicalisé dans ses positions climatosceptiques. A quoi joue donc Elon Musk ? La situation est d’autant plus troublante que, dans l’intervalle, son réseau social X (ex-Twitter) aura servi de caisse de résonance aux campagnes massives de désinformation, via un algorithme biaisé et, semble-t-il, la création de milliers de faux comptes visant à relayer la propagande trumpiste.
Cet engagement est d’autant plus étonnant que le propriétaire de Tesla semble avoir tout intérêt à ce que les Etats-Unis accélèrent leur transition verte. Il s’est pourtant bel et bien engagé dans la campagne d’un homme qui a promis de quitter à nouveau les Accords de Paris et d’attaquer de front le marché de la voiture électrique, notamment en supprimant l’ensemble des subventions à l’achat de ce type de véhicules. Certains y voient un plan machiavélique : Musk chercherait à mettre en difficulté ses concurrents du marché automobile qui ont largement investi pour rattraper leur retard en matière de production de véhicules électriques.
Mais les alliés d’hier de Donald Trump se montrent eux beaucoup plus circonspects. Même le président d’Exxon Mobil a exhorté le futur président à ne pas quitter les Accords de Paris, gageant que ce nouveau départ créerait une instabilité néfaste pour les entreprises dont les stratégies d’investissement nécessitent une vision à long terme. Que le dirigeant d’un géant pétrolier aille à rebours des déclarations de Donald Trump peut étonner. Mais cela illustre bien que ces multinationales, malgré leurs profits passés dans les énergies fossiles, ont compris l’urgence des enjeux mondiaux et investi massivement dans les énergies renouvelables. Ca ne les a pas pour autant empêchées de soutenir la nomination de Chris Wright au secrétariat d’Etat à l’énergie, magnat de la fracturation hydraulique et autre personnalité excentrique et climato négationniste.
Face à cette cacophonie, la politique énergétique américaine reste un mystère. Assis sur des réserves pétrolières colossales, les américains parviennent encore chaque année à consommer largement plus que ce qu’ils sont en mesure de produire. Mais s’ils ne semblent pas avoir d’intérêt direct à investir dans la transition énergétique, les groupes pétroliers ont pourtant bien compris que le monde est capable de tourner sans eux. En persistant dans le déni climatique et en cultivant l’incertitude, Donald Trump risque de cloisonner et d’isoler l’économie américaine.
Les Etats-Unis sont certes encore à ce jour la première puissance économique mondiale mais ils sont talonnés par d’autres géants, à commencer par la Chine qui a bien saisi les nouveaux enjeux et développé une industrie puissante permettant d’y répondre, envahissant les marchés mondiaux de voitures électriques low cost et de panneaux photovoltaïques. Alors que la majorité des pays du globe ont entamé leur transition, le futur président semble prêt à céder la position de leader mondial de son pays, laissant ainsi le champ libre à la Chine et l’Union européenne pour construire ensemble des synergies et façonner l’économie de demain.
L’ironie de cette situation est tragique. Le premier pollueur de la planète s’enfonce dans un déni si violent qu’il en oublie sa propre vulnérabilité aux conséquences du réchauffement climatique. Les ouragans et mega-feux ne semblent pas faire fléchir l’opinion publique. La Floride qui chaque année compte ses morts à la suite de catastrophes naturelles de plus en plus violentes est ainsi devenu un bastion républicain solide.
Alors, via cette alliance contre-nature, Elon Musk s’est-il engagé dans une course mortifère visant à saboter chaque brique de l’empire économique qu’il s’est construit ? Après avoir phagocyté les revenus publicitaires de Twitter, il semble prêt à se tirer une nouvelle balle dans le pied en se faisant le porte-parole clownesque d’un homme dont les intérêts sont aux antipodes des siens. Leur vision partagée d’une société hystérisée survivra-t-elle longtemps aux intérêts économiques divergents des deux milliardaires ? Et, au final, lequel des deux a le plus à gagner, ou à perdre ?
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