Alors que l’attention internationale reste largement tournée vers les États-Unis, oscillant entre les décisions politiques de Donald Trump et les prises de position d’Elon Musk, la Chine, fidèle à son habitude de discrétion, avance à contre-courant de son rival historique, notamment en matière de politique environnementale.
Une contribution de Thomas Guyot, Chief Strategy Officer chez Tennaxia
Le changement de cap de la nouvelle administration américaine sur les questions écologiques ne surprend plus. Même si son impact doit être nuancé au regard des politiques peu proactives de son prédécesseur en la matière. Mais la différence tient à la méthode : le bruit et la fureur trumpiens génèrent une dynamique beaucoup plus délétère, dont les répercussions s’étendent jusqu’en Europe. Face à ce vent contraire, les dirigeants européens semblent enclins à ralentir, voire à reculer, sur leurs engagements climatiques.
Pendant ce temps, la Chine, moins perméable aux turbulences politiques de ses adversaires économiques mais partenaires commerciaux, avance à pas feutrés. En témoignent ses récents travaux sur un standard de rapport extra-financier : la CSDS, ou China Sustainability Disclosure Standards. Nos dirigeants, en plein détricotage du Pacte Vert, seraient bien avisés de s’y intéresser de près.
Un premier jet de ce standard a été publié en mai 2024 afin de recueillir les retours des parties prenantes. En décembre dernier, la première version des « Basic Standards » a vu le jour. L’objectif : une adoption volontaire par les entreprises chinoises avant une réglementation qui les rendra progressivement obligatoires entre 2026 et 2030, selon la taille des entreprises.
Et surprise ! Ce modèle de reporting s’inspire largement de deux références internationales : l’ISSB portée par la fondation IFRS et… la CSRD européenne. Autrement dit, alors que l’Union européenne fait machine arrière au nom de la compétitivité de ses entreprises, la Chine s’empare des principes européens pour structurer son propre cadre de durabilité. Parmi eux, la notion de double matérialité, pierre angulaire de la CSRD aujourd’hui menacée par Bruxelles. Ce concept impose aux entreprises d’évaluer à la fois l’impact des enjeux ESG sur leur performance financière (matérialité financière) et l’influence de leurs activités sur l’environnement et la société (matérialité d’impact).
La CSDS prévoit également la publication de normes sectorielles, adaptées aux spécificités de chaque industrie. Une approche qui devait aussi compléter la CSRD européenne, mais qui semble aujourd’hui compromise à la lumière des discussions sur la future loi Omnibus.
Officiellement, Pékin justifie cette initiative par un double objectif : répondre aux attentes croissantes des parties prenantes en matière de transparence et renforcer… la compétitivité des entreprises chinoises. Mieux préparées aux défis climatiques et sociétaux, ces dernières devraient ainsi gagner en résilience et accéder plus aisément aux capitaux internationaux.
Les entreprises européennes, quant à elles, pourront peut-être se réjouir d’une CSRD simplifiée, mais elles devront rapidement s’adapter aux standards internationaux les plus exigeants si elles souhaitent se développer à l’international. Plus encore, celles qui aspirent à commercer avec la Chine n’auront d’autre choix que de se conformer aux exigences de la CSDS, sous peine de voir leur accès au marché chinois se compliquer considérablement. Ainsi, loin de favoriser leur compétitivité, l’édulcoration des normes européennes risque surtout d’isoler les entreprises du Vieux Continent et de les contraindre à jongler avec des réglementations plus strictes imposées par leurs partenaires commerciaux.
Ironie du sort : l’Union européenne, pionnière en la matière, pourrait bien se saborder. Une habitude dont elle a déjà payé le prix fort, que ce soit dans le domaine des panneaux photovoltaïques ou de la voiture électrique. Alors qu’elle avait posé les jalons d’une industrie verte compétitive à l’échelle mondiale, elle semble aujourd’hui prête à céder à ses vieux démons. Résultat prévisible : elle risque, une fois de plus, d’assister en spectatrice au succès de ses concurrents.
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