Face à un monde en pleine mutation et à l’urgence climatique, de nombreuses entreprises s’étaient engagées durablement sur des politiques RSE ambitieuses, notamment en ce qui concerne leur impact sur l’environnement, nous promettant une transition verte rapide.
Pourtant, une fâcheuse tendance se dessine : nombre d’entre elles semblent renier, dissimuler ou tout simplement réviser à la baisse leurs objectifs climatiques. Ce revirement met en péril non seulement l’avenir de la planète mais également leur propre légitimité auprès de consommateurs et d’investisseurs toujours plus exigeants.
Contrairement aux reculs observés en matière d’inclusivité, souvent causés par des pressions politiques (comme Budweiser, Harley Davidson ou encore Gillette en ont fait l’expérience), le ralentissement des actions environnementales est la plupart du temps, et quand il est remarqué, justifié par des impératifs économiques.
La crise mondiale, les pénuries et l’augmentation des coûts de production sont devenus les nouveaux alibis pour mettre en pause la transition écologique.
Prenons l’exemple de Morgan Stanley qui a, sans tambours ni trompettes, fait disparaître de son dernier rapport ESG ainsi que de son site internet son objectif, pourtant autrefois largement promu, de contribuer à réduire les déchets plastiques de 50 millions de tonnes à l’horizon 2030.
Shell fait partie de ceux qui ont “réajusté” leurs objectifs de réduction d’intensité carbone, passant de 20% en 2030 (par rapport à 2016), à une fourchette comprise entre 15 et 20%. Leurs objectifs de réduction de 45% à l’horizon 2035 ont quant à eux tout simplement disparu.
Fort heureusement, ces renoncements ne restent pas sans conséquence. Après avoir annoncé ralentir sa transition énergétique, BP s’est ainsi retrouvé sous le feu des projecteurs, subissant la fronde d’une partie de ses actionnaires, dont certains fonds de pension influents, qui ont remis en question la reconduction du PDG du groupe à son poste.
Alors comment analyser cette tendance ? L’impératif de rentabilité des entreprises est-il la seule raison qui pousse les entreprises à revoir leurs ambitions ? Finalement n’assiste-t-on pas à un retour au réel d’entreprises qui, des années durant, ont élevé le greenwashing au rang d’art ?
Car le sujet intéresse. Les critères ESG sont scrutés de près non seulement par les consommateurs mais aussi par les investisseurs. Des parties-prenantes qui ont fait de la transparence des entreprises leur cheval de bataille. Et fort heureusement, les régulations suivent cette tendance : celles s’attaquant au Greenwashing, à l’image de la loi Climat et Résilience de 2021 ou celles obligeant les entreprises à faire preuve de transparence en matière d’ESG telle que la CSRD européenne.
Aujourd’hui, la marge de manœuvre des entreprises, autrefois prolixes en matière de communication verte, s’est considérablement réduite. Il ne s’agit plus d’annoncer des promesses mais de les concrétiser. Et comme chacun le sait, entre les paroles et les actes, le fossé peut s’avérer dantesque. Ces nouvelles obligations vont par ailleurs de pair avec le développement croissant du greenhushing, pratique, non moins néfaste, qui consiste pour les entreprises à dissimuler leurs efforts environnementaux par crainte de jugements ou de critiques. Ainsi, selon une étude menée en 2023 par South Pole, 58% des entreprises interrogées avaient annoncé avoir réduit leurs efforts de communication sur les objectifs climatiques et initiatives environnementales.
Quant à l’argument économique, il n’est, de toute façon, plus recevable. Trop d’entreprises cèdent encore à la tentation de sacrifier la planète au profit de leurs résultats financiers immédiats. Si l’inaction face à l’urgence climatique peut sembler une économie à court terme, elle représente en réalité un pari risqué sur l’avenir. Avec la multiplication des réglementations environnementales et l’accroissement de la demande pour des produits et services durables, les entreprises qui freinent leur transition aujourd’hui risquent de se retrouver à la traîne demain.
Il leur appartient désormais de s’appuyer sur les réglementations en vigueur pour définir des trajectoires de décarbonation claires et atteignables. Le processus mis en place par le Science Based Targets initiative (SBTi) en est un exemple concret. Reconnue internationalement, cette méthode permet aux entreprises de s’engager dans des plans de décarbonation ambitieux et réalisables, assortis d’un calendrier transparent.
Loin d’être un fardeau, la transition écologique est une opportunité pour les entreprises de se réinventer et de répondre à un marché en pleine mutation. Celles qui comprendront que l’innovation et la durabilité sont les piliers de la croissance future seront les leaders de demain.
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