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Future of Sustainability | Émissions de CO2 : 2025, le pic ou le point de non-retour ?

Émissions de CO2 : 2025, le pic ou le point de non-retour ?

Les experts du climat le savent, 2025 est une année charnière. Les membres du GIEC l’ont régulièrement répété ces dernières années : pour espérer limiter le réchauffement climatique entre 1,5°C et 2°C par rapport aux niveaux pré-industriels, seuil fixé par l’Accord de Paris de 2015, les émissions mondiales de gaz à effet de serre doivent impérativement atteindre leur pic au plus tard en 2025 avant de décroître. Cette nécessité s’accorde avec le scénario anticipé par l’Agence Internationale de l’Énergie dans un rapport de 2022, qui voyait les émissions liées à la consommation d’énergies fossiles atteindre leur pic en 2025 pour ensuite inverser la courbe.

Mais 2025 est-elle vraiment l’année qui entrera dans les livres d’Histoire comme celle qui a vu les émissions de CO2 planétaires atteindre leur maximum avant d’entamer leur inflexion ?

Une contribution de Thomas Guyot, co-fondateur de Traace

 

Soyons lucides, cette perspective se révèle hautement improbable.

Tout d’abord, rappelons-le, 2025 n’a jamais été annoncée comme l’année de tous les changements mais comme notre dernière chance d’atteindre le pic d’émissions pour répondre à nos objectifs. Objectifs qui, rappelons-le, n’ont pas été fixés au doigt mouillé mais sont fonction de l’impact probable (et dévastateur) qu’aura un niveau de réchauffement climatique supérieur à 2C° sur nos écosystèmes, nos sociétés et nos économies. Il s’agit donc d’une opportunité décisive pour inverser la tendance et éviter des conséquences irréversibles.

Or, les signaux sont loin d’être encourageants. En 2024, les émissions mondiales de CO2 auraient encore augmenté d’environ 0,8 % par rapport à 2023, et la hausse de la température moyenne mondiale a atteint, pour la première fois, le seuil critique des 1,5°C. Certes, une telle hausse doit être confirmée sur le long terme, mais le constat est inquiétant : le temps presse, et la trajectoire actuelle nous éloigne dangereusement de nos engagements.

Selon un rapport de l’ONU, au rythme actuel des efforts menés, les émissions globales ne devraient baisser que de 2,6 % d’ici 2030, bien loin des 43 % nécessaires pour répondre à nos objectifs. Ce décalage abyssal entre discours et actions traduit une réalité glaçante : nous ne sommes pas prêts.

L’écologie au second plan

Alors 2025 sera-t-elle une année décisive ? Si je ne souhaite pas forcément partir défaitiste, je sais qu’il faudra redoubler d’efforts cette année pour espérer reprendre la main sur le front de la lutte contre le changement climatique. Parce que cette année est charnière et parce que les signaux sont tous au rouge. Cette date clé s’inscrit dans un contexte international que l’on ne peut qualifier que de défavorable. L’élection de Trump, climatosceptique revendiqué à la tête de la première économie mondiale, la montée des extrémismes, les tensions internationales sont tout autant de sujets qui font craindre que l’écologie arrive désormais, au mieux, en second plan voire qu’elle soit minée au prétexte d’agendas politiques réactionnaires et d’intérêts économiques.

L’ambitieux Pacte Vert européen est l’un des premiers menacés. L’entrée en vigueur au 1er janvier de la CSRD, devant pousser les entreprises à mettre en place des plans de transition durable, a ainsi été marquée par une nouvelle attaque du chancelier allemand Olaf Scholz qui, à la suite de quatre de ses ministres, a demandé l’assouplissement de la directive et son report de 2 ans. Ce même Olaf Scholz qui, il y a encore peu, était à la tête d’une coalition gouvernementale de centre gauche incluant les Verts allemands. Avec des amis de cet acabit, la planète n’a pas besoin d’ennemis. Ces tergiversations sont symptomatiques d’un recul global face aux enjeux climatiques, sacrifiés sur l’autel des intérêts économiques à court terme.

Pendant ce temps, les investissements dans les énergies fossiles continuent de battre des records. TotalEnergies, par exemple, a récemment annoncé qu’elle augmenterait sa production d’hydrocarbures jusqu’en 2030. Ces choix stratégiques font craindre que 2025 ne soit pas l’année du pic des émissions de CO2, mais celle du pic des occasions manquées.

Pourtant un espoir subsiste pour que l’inflexion tant attendue se produise. Tous les regards se tournent alors vers la Chine. Premier émetteur de gaz à effet de serre, largement devant les autres pays développés, le basculement de la Chine pourrait à lui seul avoir un impact majeur sur les niveaux d’émissions mondiaux de gaz à effet de serre. Pékin a ainsi considérablement investi dans les énergies renouvelables et aurait atteint ses objectifs en matière d’énergie solaire et éolienne avec 6 ans d’avance.

La trajectoire carbone de l’Empire du Milieu reste néanmoins encore très floue. Ses investissements massifs en faveur du développement des énergies propres restent insuffisants à ce stade pour répondre aux besoins de son industrie encore largement dépendante du charbon. La Chine a d’ailleurs clairement annoncé qu’elle n’atteindrait son pic d’émissions qu’en 2030 et la neutralité carbone qu’en 2060, soit avec 10 ans de retard sur les objectifs de l’Accord de Paris dont elle est pourtant signataire.

2025, point de bascule ?

L’année 2025 sera- t-elle donc un point de bascule ou simplement une énième étape dans notre inaction et notre attentisme ? Tout dépendra des choix que nous ferons dès maintenant.

Les efforts des gouvernements, des entreprises et des citoyens doivent converger avec une urgence inédite. La transition énergétique, au-delà d’un impératif environnemental, est une opportunité économique et sociale. Investir massivement dans les énergies renouvelables, réduire la dépendance aux hydrocarbures, et adopter des modèles économiques plus résilients ne sont pas des options : ce sont des nécessités vitales.

Ne nous trompons pas : 2025 est peut-être notre dernier jalon avant un avenir irréversible. Soyons à la hauteur et faisons de cette année non seulement celle du pic, mais également le point de départ de l’inflexion de la courbe d’émissions de CO2.


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