En matière de crise environnementale, nous avons longtemps pointé notre regard en priorité sur le dérèglement climatique et nos émissions de Gaz à Effet de serre comme problème principal auquel s’attaquer. Pollution, Santé, Usage de l’eau, Occupation des sols, Pénurie de ressources, Surconsommation, Inégalités, Eutrophisation des milieux aquatiques et bien sûr perte de biodiversité, sont pourtant autant de problèmes interconnectés et aussi menaçants pour la durabilité de nos modes de vie sur terre que la crise climatique.
Ce phénomène est désigné par le terme “Carbon Tunnel Vision”, c’est-à-dire l’occultation par les acteurs soucieux de l’environnement du reste des causes autres que les émissions carbones et donc des solutions associées.
La 16ème Conférence des Parties (COP16) sur la diversité biologique ouvre justement ses portes ce lundi à Cali, en Colombie. L’occasion de mettre le projecteur sur la crise de la biodiversité dans laquelle nous sommes profondément plongés et qu’il faut d’urgence ramener en haut de nos priorités. En effet les rapports de tous bords et de tous types d’organisations s’accumulent pour crier l’urgence à prendre en main la crise de la biodiversité, et plus généralement à agir de manière forte en considérant l’impact de nos actions sur l’ensemble des composantes citées plus haut, et pas seulement le climat.
Scientifiques, acteurs sociaux, économistes et financiers s’accordent pour dire que les enjeux liés à la biodiversité ne peuvent plus être ignorés si nous souhaitons préserver un monde vivable en premier lieu, mais également l’ensemble des services écosystémiques que nous rend la nature pour soutenir la grande majorité de nos activités sociales et économiques.
Dans la dernière édition de son rapport “Planète Vivante”, la WWF présente des chiffres alarmants. La célèbre ONG confirme un effondrement de 73 % des populations d’animaux sauvages au cours des 50 dernières années, pointant clairement du doigt les activités humaines comme responsables de cet effondrement. Parmi les régions les plus touchées, on trouve l’Amérique latine, où certaines espèces ont vu leur population diminuer de 95 %.
72% des entreprises européennes sont dépendantes de la biodiversit
Cette dégradation des populations animales menace l’équilibre des écosystèmes, avec des risques de franchissement de points de bascule irréversibles, comme la transformation de l’Amazonie en savane aride ou la disparition définitive des récifs coralliens. La désertification de l’Amazonie aurait des conséquences irréversibles et dramatiques pour le climat et l’approvisionnement alimentaire mondial. La disparition des récifs coralliens impacterait directement 330 millions de personnes dépendant directement des récifs pour se protéger contre les tempêtes, pour leur approvisionnement en nourriture et autres moyens de subsistance et bénéfices.
Ce qui peut être, malheureusement, encore plus à même d’accélérer la transition des entreprises et des acteurs financiers sur le sujet : la menace directe que fait peser la crise de la biodiversité, sur nos activités économiques. Début octobre, un rapport publié par la Banque Centrale Européenne (BCE) dévoilait que 72% des entreprises européennes sont dépendantes de la biodiversité.
De la même manière que le dérèglement climatique menace concrètement nos entreprises et nos économies (un degré de réchauffement climatique pourrait entraîner une baisse de 12% du PIB mondial), l’érosion de la biodiversité est une menace directe pour la stabilité financière et économique mondiale.
L’érosion de la biodiversité signifie la fin des services écosystémiques rendus gratuitement par la nature et dont bénéficient l’ensemble des agents économiques. La végétation maintenant les sols et retardant l’érosion, la vie dans les sols permettant de filtrer et de dépolluer les eaux, la biodiversité permettant de réguler l’apparition de parasites ou de maladie, etc…
Le secteur agricole et l’ensemble de la chaîne de valeur de l’alimentation sont notamment directement menacés. Rien que la disparition, largement entamée, des pollinisateurs tels que les abeilles, pourrait compromettre la production agricole mondiale, estimée à plusieurs centaines de milliards de dollars par an. De nombreux autres secteurs sont également tributaires des ressources naturelles renouvelables, telles que le bois, et risquent d’être gravement touchés par la détérioration des écosystèmes forestiers.
Les entreprises qui ne parviennent pas à intégrer leur impact sur la biodiversité et leur dépendance aux services écosystémiques sur l’ensemble de leur chaîne de valeur dans leurs stratégies de gestion des risques s’exposent à des perturbations majeures. Comme pour la question du climat, il s’agit pour les entreprises de transformer les risques en opportunités si elles veulent continuer à exister demain. Aucune entreprise n’aura le choix, et celles ayant de vraies stratégies business alignées avec leurs stratégies climatiques et surtout la réalité environnementale seront celles qui perdureront.
Agriculture régénératrice
Si les entreprises ne bougent pas d’elles-mêmes, elles risquent une nouvelle fois de devoir le faire à marche forcée sous la pression des financiers et de leurs investisseurs. En effet, la prise de conscience de l’ampleur de la crise de la biodiversité est de plus en plus forte dans les milieux financiers. Selon la BCE “environ 75% de tous les prêts aux entreprises de la zone euro sont accordés à des entreprises qui dépendent de manière critique d’au moins un service écosystémique.”
Malgré l’ampleur des dommages déjà subis par la biodiversité mondiale, dont certains irréversibles, la conclusion est la même que lorsque l’on se pose sur la question du climat et des autres limites planétaires : il faut malgré tout ne pas renoncer et agir, vite, et sauver ce qui peut encore l’être. Comment ? Sans grande surprise en commençant par écouter les recommandations des scientifiques. Justement, l’IPBES, la Plateforme Intergouvernementale sur la Biodiversité et les Services Écosystémiques, l’équivalent du GIEC pour la biodiversité, prévoit de sortir, les 17 et 18 décembre prochains, deux rapports majeurs qui se focaliseront sur les solutions à apporter à la crise de la biodiversité, cinq ans après un rapport d’ampleur qui avait ouvert les yeux du grand public sur l’ampleur de la perte de biodiversité et les risques encourus par tous.
Pour les entreprises, la mise en place de pratiques durables, comme l’agriculture régénératrice, la gestion des ressources en eau, ou encore l’adoption de l’économie circulaire, pourrait non seulement protéger la biodiversité, mais aussi offrir des opportunités économiques inédites.
Pour la biodiversité et surtout pour vous, ouvrez l’œil et tendez l’oreille pour suivre la COP16 sur la biodiversité cette semaine, et prévoyez un moment de lecture fin décembre pour éplucher les prochains rapports de l’IPBES.
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