Tenues de village, de compétition, de podium, d’entraînement… Mardi soir, était enfin dévoilé l’ensemble de la collection du Coq Sportif qui équipe les athlètes olympiques et paralympiques pour les JO 2024. De la fusion du bleu, du blanc et du rouge naît un drapeau qui donne vie à une nouvelle palette de couleurs, symbole de la mixité des athlètes bien sûr, mais aussi des corps, et des cultures, pour Stéphane Ashpool, le directeur artistique. Rencontre avec ce jeune designer français, dont la marque Pigalle a déjà fait des émules auprès de Jay Z ou encore Rihanna…
Désirée de Lamarzelle : Pourquoi le Coq Sportif a-t-il fait appel à vous pour créer l’ensemble des équipements des JO ?
Stéphane Ashpool : La mode et le sport sont extrêmement liés dans mon travail, je suis moi-même très sportif. J’ai pratiqué le basket très jeune et j’ai baigné dans une famille très excentrique et artistique, mais où la discipline physique était importante : mon père était sculpteur et ma mère danseuse à l’Opéra de Sarajevo. Ces deux mondes ont nourri mon imagination et continuent d’inspirer mon travail autour du mouvement et du corps. Ici, il s’agit du corps des athlètes
Comment avez-vous travaillé sur ce projet ?
Le cahier des charges était aussi complet que technique, mais j’ai commencé par prendre quelques mois « de création » dans mon atelier pour réfléchir et créer librement : faire des essais de broderie et les traduire sur différents sports. Bien sûr certaines disciplines sportives comme par exemple le judo laisse moins de place à la création alors que par opposition le skate permet beaucoup plus de choses, mais je pense avoir réussi à exprimer ma créativité dans son ensemble, en cueillant des ingrédients par ci par là.
Quels sont les ingrédients principaux de cette aventure artistique ?
Les ingrédients résultent de ce que j’ai pu tester : des proportions, des essais de peinture avec ses variations de bleu, de rouge… le choix d’utiliser une couleur plutôt blanc-cassé comme couleur principale qui apporte sa touche d’élégance. En discutant avec les athlètes, il ressortait qu’ils voulaient un vêtement plus moderne, plus lumineux. Cela a servi de base pour chercher et tester de nouvelles variations de teintes sur les couleurs du drapeau tricolore : plus pop. Un drapeau qui représente notre France dans son métissage mais aussi dans sa diversité de corps et de culture.
Vous avez également dessiné les tenues pour le handisport : est-ce plus technique ?
Je connaissais un petit peu le handisport par le biais des journées Portes Ouvertes de l’handi-basket, mais en général les variations se font surtout au niveau du patronage, du volume avec l’aide d’ouvertures – par zip ou par des boutons ou encore en déplaçant une poche – mais le design reste assez similaire. C’est le même langage, qu’il soit olympique ou paralympique, ce sont juste des détails à adapter.
Y- a -t-il eu des contraintes financières auxquelles vous vous êtes heurté ?
Bien sûr, il y a des contraintes financières. La plus grande était liée à notre volonté de produire à proximité. C’est-à-dire dans le bassin méditerranéen, le Maroc pour le plus éloigné, sinon au Portugal et en Espagne, mais également une grosse partie en France, dans le bassin troyen pour le tissage et la broderie. Toutes ces choses paraissent très simples, mais faire des vêtements techniques à proximité, comme par exemple un kimono normalement uniquement tissé au Japon, est compliqué. La France n’est pas toujours l’endroit idéal pour produire des vêtements techniques parce que cette industrie a été délocalisée. Nous avons eu cette volonté de re-localiser, sachant que faire broder à l’autre bout du monde n’avait aucun sens. C’était là le plus gros challenge, bien plus que l’enveloppe budgétaire.
Quelle leçon tirez-vous de cette expérience ?
C’est très gratifiant de dessiner des tenues des JO. Mais je retiens surtout la discipline des sportifs que j’ai pu entrevoir, même si à travers ma mère j’avais déjà une idée de la détermination et de la rigueur que demande le sport de haut niveau.
Votre marque de mode Pigalle est portée par des personnalités du rap, comment la définiriez-vous ?
Ma marque de mode correspond à quelque chose de très spontané. Je suis né à Pigalle, et le point de départ était de faire un projet collectif de mode qui réunit tout le monde, comme un village, et ce, autour de terrain de basket et des boutiques du quartier. Cela s’est transformé en marque, mais je veux continuer à travailler avec la jeunesse locale et le commerce de proximité. C’est plus un environnement de quartier que l’on développe sur le terrain du sport, que le côté plus industrialisé de la mode ou ultra Bling Bling qui m’attire. C’est un état d’esprit bien plus qu’une marque.