Le sens aigu du marketing de Donald Trump a donné naissance à un mouvement politique. Aujourd’hui, son style combatif façonne un modèle d’entreprise plus tribal, incarné à la perfection par le président de l’UFC.
En entrant dans l’arène de la T-Mobile Arena pour l’UFC 310 à Las Vegas, Dana White est accueilli comme une légende des arts martiaux mixtes, un dirigeant dont l’influence s’étend bien au-delà les coulisses du sport. Les fans scandent son nom, tendent la main pour un high-five et se pressent pour des selfies. Après une photo, l’un d’eux s’exclame : « Vous êtes l’homme le plus incroyable au monde ».
Mais à 55 ans, le PDG de l’Ultimate Fighting Championship reste de marbre. « Merci d’avoir aidé notre président », lui lance un supporter. « Ah oui ? » réagit White, avant d’ajouter : « Dieu merci, on a gagné. »
En deux décennies, Dana White a transformé les arts martiaux mixtes (MMA) en un phénomène mondial et fait de l’UFC un géant du sport de combat. L’an dernier, l’organisation a généré environ 1,3 milliard de dollars de revenus, avec des marges impressionnantes avoisinant 60 % (BAIIDA).
Au fil des ans, M. White est devenu plus célèbre que la plupart des combattants qui ont foulé son octogone et a amassé une fortune personnelle estimée à plus de 600 millions de dollars par Forbes. « On me demande sans cesse : « Aviez-vous imaginé cela ? Pensiez-vous que ça prendrait une telle ampleur ? » », confie-t-il au magazine. « Et ma réponse est toujours la même : oui. »
Dana White a su capitaliser sur sa notoriété, particulièrement influente auprès d’un large public de jeunes hommes peu engagés en politique, pour contribuer à la victoire de Donald Trump à l’élection présidentielle de 2024.
Il lui a d’abord offert une vitrine pop-culturelle à un moment où peu d’autres l’auraient fait. On les a souvent vus côte à côte lors des entrées sur le ring de l’UFC, d’abord après la fin chaotique du mandat de Trump, marqué par l’assaut du 6 janvier, puis après son inculpation fédérale pour ingérence électorale en 2023, et tout au long de la campagne présidentielle.
Dana White a également orchestré plusieurs apparitions de Trump sur des podcasts influents, notamment chez Joe Rogan, commentateur emblématique de l’UFC. Cette stratégie a permis de mobiliser un électorat traditionnellement peu réceptif aux appels au vote, surpassant l’impact des célébrités hollywoodiennes engagées en faveur de Kamala Harris. « Si on enlève tout ça – les apparitions à l’UFC, son influence auprès des créateurs de contenu », explique White, « et qu’il s’était contenté de quelques années sur Fox, il n’y avait aucune chance qu’on gagne cette élection. »
Mais l’enjeu va bien au-delà. Le génie marketing de Donald Trump – son talent pour imposer le récit, capter l’attention médiatique et communiquer de façon simple et percutante, sans s’embarrasser des faits ou des nuances – s’est révélé encore plus redoutable en politique que dans les affaires.
Dana White en apporte la preuve inverse : les codes de l’ère Trump, qui valorisent la combativité, le tribalisme, la transgression des tabous et l’indifférence aux scandales personnels, sont devenus un modèle économique en plein essor. On le voit dans l’évolution tant commentée d’Elon Musk, dans l’essor des actions mèmes et des cryptos défiant la logique financière, ou encore dans l’influence grandissante des podcasteurs et créateurs de contenu qui s’adressent directement à un large public.
C’est ce qu’on appelle le capitalisme populiste. Et nul ne l’incarne mieux que Dana White, un modéré qui se définit comme légèrement orienté à gauche, mais dont le sens du clan a pris une longueur d’avance sur cette dynamique. « Nous sommes tous d’une loyauté féroce les uns envers les autres », confie-t-il à propos de son entourage. « Si je devais me battre, je voudrais ce type à mes côtés dans une tranchée », confie Ari Emanuel, président exécutif et PDG de TKO Group Holdings, la maison mère de l’UFC, à propos de Dana White. « Et je sais qu’il serait là. »
Cette approche commerciale basée sur l’opposition au reste du monde a déjà fait ses preuves dans des secteurs longtemps considérés comme marginaux – du porno aux jeux d’argent en passant par le cannabis. Mais Dana White l’a propulsée au cœur du grand public. Aujourd’hui, l’UFC pèse plus lourd que le golf ou le hockey aux États-Unis, aussi bien en termes de revenus télévisés que d’impact culturel.
En janvier, Mark Zuckerberg, en plein rapprochement avec la droite conservatrice, a intégré M. White au conseil d’administration de Meta. Une nomination en partie liée à son flair médiatique – et peut-être à quelques conseils en combat à destination du cofondateur de Facebook, ceinture bleue de jiu-jitsu –, mais surtout à son influence politique. Le président de l’UFC est perçu comme un homme-clé, un relais précieux auprès des élites du pouvoir. Lors de la seconde investiture de Donald Trump, il était assis juste derrière George W. Bush et Barack Obama, devant plusieurs chefs d’État.
De Las Vegas aux hautes sphères : Dana White, un patron qui mise gros
Il sait tirer parti de son réseau. Installé au premier rang de l’arène de Las Vegas pour superviser la soirée de combat, il orchestre tout depuis un véritable centre de commande : trois écrans de télévision, une ligne directe avec la régie, le programme des combats qu’il a lui-même finalisé et le placement des VIP qu’il a personnellement organisé. Son téléphone sonne. Il sourit, le consulte, puis décide de lire le message à voix haute, omettant volontairement le nom de l’expéditeur pour ménager l’effet dramatique.
« À bord d’un Gulfstream G650 flambant neuf, je survole l’Atlantique, de retour de France, où l’UFC m’a convié à la réouverture de la majestueuse cathédrale Notre-Dame », peut-on lire dans le texte. « C’est la bonne nouvelle. La mauvaise, c’est que cet avion n’a pas de télévision. Impossible donc de regarder vos grands combats ce soir, et je dois dire que ça me désole. J’ai pris de mauvaises habitudes, en imaginant que tous les avions étaient équipés d’écrans dernier cri. Mais après tout, il y a des problèmes bien plus urgents dans le monde en ce moment. Je me rattraperai au prochain combat. Saluez Joe Rogan de ma part. Donald J. Trump. »
Pour saisir l’essence du style de Dana White en affaires, il suffit de faire un détour par la salle des grands joueurs de l’hôtel Fontainebleau à Las Vegas, la veille de l’UFC 310. Installé à une table de baccara, il réclame un million de dollars en jetons. Autour de lui, la foule s’entasse, tandis que trois équipes de tournage rivalisent pour capturer chaque instant. Son physique sculpté et son crâne rasé le rendent immédiatement reconnaissable, même au milieu des jeunes créateurs YouTube qui l’entourent.
C’est un habitué des casinos de Las Vegas. Après une enfance entre le Massachusetts et le Nevada, élevé principalement par sa mère infirmière en raison de l’alcoolisme de son père, il s’est définitivement installé à Sin City à 25 ans. Mais contrairement à ceux qui cherchent l’enrichissement rapide, il a bâti son empire de façon plus classique : en construisant et en revendant. Son investissement dans l’UFC lui a rapporté un salaire à neuf chiffres lors de la vente de l’organisation en 2016. Il conserve aujourd’hui des parts dans la société mère de l’UFC, TKO Group Holdings, tout en lançant deux nouvelles entreprises.
Déjà riche, il mise encore des millions presque chaque soir en ville. Autrefois adepte du blackjack, il prétend aujourd’hui détecter des schémas dans les tirages du baccara. Une conviction qui relève davantage de la superstition que de la stratégie. Comme la roulette, le baccara est un jeu de hasard pur.
Dans un univers où les actions et les cryptomonnaies mèmes défient la raison, la conviction prime sur la logique. C’est dans cet état d’esprit que Dana White mise à chaque fois le maximum autorisé de 300 000 dollars sur six tours consécutifs, remportant cinq d’entre eux. « Ça me fait 1,1 million de dollars », lance-t-il en se levant avec détachement. « Je m’arrête là. »
L’UFC : un pari fou devenu une industrie
Dana White est bien trop lucide pour croire que sa réussite de la soirée relève du simple hasard. Mais il sait aussi qu’une prise de risque assumée, sans la moindre hésitation, alimente son image d’homme sans limites. Avant de quitter la salle, il récupère ses gains en liquide et les fourre dans un sac-poubelle. « Le risque devient presque une addiction », confie-t-il. Une déclaration qui pourrait tout aussi bien s’appliquer à l’attention médiatique, un jeu où, comme l’a prouvé Donald Trump, les chances de succès sont bien plus élevées.
Cet instinct du spectacle est l’un des moteurs de la survie et du succès de l’UFC. Fondée en 1993 par Art Davie, Rorion Gracie et Bob Meyrowitz, l’organisation offrait à ses débuts des combats brutaux, sans juges, sans catégories de poids et sans limite de temps. Lors de l’UFC 1, cinq des huit combattants ont fini à l’hôpital, l’un d’eux perdant même quelques dents sous l’impact des coups. En 1996, le sénateur John McCain qualifie ce sport de « combat de coqs humain », déclenchant une campagne qui conduit des dizaines d’États et plusieurs diffuseurs à interdire l’UFC. L’organisation vacille, au bord de la faillite.
Toutefois, Dana White, alors entraîneur de boxe à Las Vegas et manager de quelques combattants de l’UFC, perçoit une opportunité. Il approche deux anciens camarades de lycée, Lorenzo et Frank Fertitta, milliardaires et héritiers de la fortune de Station Casino, avec qui il pratique le jiu-jitsu. En janvier 2001, les frères rachètent l’UFC pour 2 millions de dollars, accordant à M. White 10 % des parts et le plaçant à la présidence. « À l’époque, ce choix était assez controversé, car il n’avait jamais dirigé d’entreprise », raconte Lorenzo Fertitta, dont la fortune est estimée à 3,1 milliards de dollars selon Forbes. « Mais sa motivation était inébranlable – il est tellement compétitif qu’il irait droit dans un mur pour réussir. »
Avec le recul, il estime que leur pari a été le bon. « Si mon frère et moi avions décidé d’embaucher un diplômé de Harvard en MBA, nous aurions coulé. »
Aux côtés des Fertitta, White a mis en place une stratégie qui, avec le temps, est devenue sa marque de fabrique : prendre un phénomène populaire mais controversé, contourner les circuits traditionnels et le propulser vers le grand public. Son ambition était de bâtir ce qui n’existait pas encore dans les sports de combat : une marque forte, à l’image de la NBA ou de la NFL, à laquelle les fans puissent s’identifier, indépendamment des combattants en lice.
Dès ses débuts sous une nouvelle direction, l’UFC a trouvé un soutien de poids en Donald Trump, qui a accueilli les deux premiers événements supervisés par Dana White à l’hôtel Taj Mahal d’Atlantic City. Quant à la tentative avortée de Trump de lancer sa propre ligue de MMA en 2008, Dana White préfère éluder la question avec un sourire : « Je ne dirai jamais rien de mal sur Donald Trump ».
Malgré ses efforts, l’UFC restait persona non grata auprès des diffuseurs, rebutés par la violence brute du MMA. « Le porno était diffusé en pay-per-view », s’étonne encore Dana White, « mais l’UFC n’était pas autorisé. »
Déterminé à contourner ce blocage, il s’associe avec Craig Piligian, producteur chevronné, pour concevoir une émission de téléréalité qui servirait de « cheval de Troie » pour imposer le MMA à l’écran. Après de multiples refus, Spike TV accepte finalement de la diffuser à une condition : l’UFC devra financer l’intégralité des coûts de production, soit 10 millions de dollars pour une saison.
Les Fertitta, déjà engagés à hauteur de 30 millions de dollars sans réel retour sur investissement – au point d’avoir envisagé une vente –, décident de tenter un dernier coup de poker.
Le pari gagnant de The Ultimate Fighter
Lancée en 2005, The Ultimate Fighter devient immédiatement un succès d’audience pour Spike TV. L’UFC, qui conserve 100 % de ses droits, en profite pleinement, encaissant les revenus des saisons suivantes et voyant Spike commencer à diffuser ses événements en direct.
L’émission marque aussi un tournant pour le président de l’UFC. Devant les caméras, il s’affirme comme un personnage incontournable et signe ce que Piligian décrit comme « le plus grand discours de l’histoire de la téléréalité », une tirade ponctuée d’injures où il lance aux candidats : « Voulez-vous être un combattant ? »
Comme d’autres figures de la télé-réalité à l’époque – dont Donald Trump dans The Apprentice –, Dana White capitalise sur l’attention médiatique en multipliant les déclarations chocs. Précurseur sur Twitter, il interagit directement avec ses fans et cultive son image de patron accessible mais intransigeant.
En 2010, l’UFC est valorisée à 2 milliards de dollars lorsqu’elle vend 10 % de son capital à Tahnoun ben Zayed Al Nahyane, fils de l’un des hommes les plus riches d’Abou Dhabi. L’année suivante, elle décroche un contrat de diffusion majeur avec Fox, et très vite, les offres d’achat affluent.
En 2016, Lorenzo et Frank Fertitta finissent par céder. L’UFC est rachetée par WME-IMG (aujourd’hui Endeavor) pour plus de 4 milliards de dollars. Pour Dana White, l’opération se traduit par un chèque de 360 millions de dollars avant impôts.
Lorsque Endeavor rachète l’UFC en 2016, son PDG Ari Emanuel, ancien agent de Dana White, veut s’assurer qu’il reste aux commandes. Il lui promet une totale liberté dans la gestion de l’entreprise. Un pari qui s’avère payant en 2020, lorsque la pandémie met le monde du sport à l’arrêt.
Peu impressionné par le risque et sceptique face aux restrictions liées au Covid-19, Dana White est convaincu qu’il peut organiser des combats dès les premières semaines de la crise. Son plan : des événements à huis clos, sans public, dans un centre appartenant à l’UFC à Las Vegas. Mais le gouverneur démocrate du Nevada, Steve Sisolak, bloque le projet.
Dana White ne lui pardonnera jamais. « Si vous vous mettez en travers de son chemin, il ne l’oubliera pas. Il fera tout pour vous faire payer. » L’avertissement vient de Forrest Griffin, ancien champion de l’UFC et aujourd’hui vice-président du développement des athlètes. Fidèle à sa réputation, M. White prend sa revanche lors des élections suivantes : il soutient et finance le républicain Joe Lombardo, adversaire de Sisolak, qui finit par l’emporter de justesse.
Pendant ce temps, M. White trouve des solutions ailleurs. Il délocalise ses combats en Floride et à Abou Dhabi, et dès mai 2020, l’UFC devient le premier sport à reprendre les événements en direct. Résultat : une visibilité décuplée, un statut de modèle pour les conservateurs et une croissance record.
« Je ne suis pas du genre à me cacher chez moi », affirme M. White. « Nous avons continué à faire tourner l’entreprise pendant la pandémie. Tout le monde a été payé, tous les contrats ont été respectés. Et notre activité a explosé de 77 %. »
Lorsque Endeavor fusionne l’UFC et la WWE en 2023 pour former TKO Group Holdings, l’UFC est valorisée à 12,1 milliards de dollars. Et Dana White, fidèle à lui-même, conserve des parts dans l’entité fusionnée.
L’UFC, un géant du sport qui affole les diffuseurs
Désormais, les chaînes de télévision et les plateformes de streaming se livrent une bataille acharnée pour diffuser l’UFC. Depuis 2019, un accord avec ESPN génère 300 millions de dollars par an pour la programmation, auxquels s’ajoutent environ 260 millions de dollars pour les droits de pay-per-view.
Le prochain contrat pourrait faire exploser ces chiffres. Selon les analystes, l’intérêt exprimé par Warner Bros. Discovery et Netflix pourrait faire grimper la mise à 900 millions de dollars par an, dépassant les revenus annuels de la NHL et du PGA Tour. En parallèle, l’UFC engrange plus de 400 millions de dollars grâce aux parrainages, aux événements en direct et aux licences. Surtout, elle affiche une rentabilité impressionnante, avec 755 millions de dollars d’excédent brut d’exploitation pour 1,3 milliard de chiffre d’affaires en 2023.
Pendant ce temps, Dana White continue de façonner l’UFC à son image. Sans lui, difficile d’imaginer que l’organisation aurait dépensé dix fois son budget habituel pour organiser le premier événement sportif dans la Sphere at The Venetian Resort, ou qu’elle aurait publiquement défié un sponsor majeur pour avoir demandé la suppression d’un message pro-Trump sur les réseaux sociaux.
L’entrepreneur fonctionne comme un combattant de l’Octogone : attaquer en permanence. « À ce stade de ma carrière, je veux être aligné avec mes sponsors », affirme-t-il. « Et avec le Covid-19, j’ai découvert avec qui je l’étais… et avec qui je ne l’étais pas. »
Quand business et loyauté priment sur l’idéologie
Dans le capitalisme populiste, l’idéologie passe souvent au second plan derrière la loyauté. La preuve : fin 2023, M. White a signé avec Bud Light un contrat de sponsoring de plus de 100 millions de dollars sur six ans.
Une décision surprenante après les appels au boycott du camp conservateur, déclenchés par une collaboration de la marque avec l’influenceur transgenre Dylan Mulvaney. Mais Dana White a publiquement défendu Bud Light – et a même convaincu Donald Trump d’en faire autant. À l’approche du Super Bowl LVIII en février 2024, Trump a suggéré sur Truth Social que la marque méritait une seconde chance, reprenant mot pour mot les arguments avancés par M. White.
Dana White garde une emprise ferme sur les salaires de ses combattants. Liés par des contrats longue durée avec des primes attractives, ils ne sont rémunérés que lorsqu’ils montent dans l’Octogone – et c’est M. White lui-même qui décide quand.
Ce système est au cœur de deux actions collectives pour pratiques anticoncurrentielles. La première a abouti en octobre à un règlement de 375 millions de dollars. « L’UFC possède pratiquement le sport », affirme Eric Cramer, avocat principal des combattants. « Si vous voulez vous battre pour un titre – le seul qui compte vraiment – vous devez passer par Dana White. » Quatre étages au-dessus du casino du Fontainebleau, une salle de bal accueille le dernier projet de M. White : Power Slap.
S’appuyant sur la même stratégie qui a fait exploser l’UFC, Dana White, les Fertitta et Craig Piligian ont chacun investi 1 million de dollars fin 2022 pour lancer cette nouvelle ligue. Son concept ? Deux adversaires s’affrontent en se donnant des gifles à main nue jusqu’à ce que l’un d’eux cède.
Le président de l’UFC peut parler en détail de la technique de la gifle, mais pour le public, seul le spectacle compte : chaque coup claque comme une explosion et électrise la salle.
Critiques, polémiques et ascension : la recette White
Les vidéos des affrontements Power Slap ont cumulé des millions de vues sur les réseaux sociaux, tout en suscitant une vague d’indignation. La Brain Injury Association of America a adressé une lettre ouverte à la commission athlétique du Nevada, dénonçant un sport qui revient à « regarder en direct des lésions cérébrales traumatiques se produire chez les participants ».
Dana White, lui, s’en réjouit. À ce stade, il semble considérer que toute polémique est une bonne publicité. Une approche qui rappelle celle de Donald Trump, dont la capacité à survivre aux scandales – condamnations pénales, accusations d’agression sexuelle – défie les règles traditionnelles du jeu politique.
L’entrepreneur est lui aussi habitué à naviguer en terrain controversé. En 2011, dans une biographie non autorisée, sa mère, June White, l’accuse d’infidélités répétées, évoquant des liaisons avec des ring girls de l’UFC et même avec la sœur de sa femme. Il n’a jamais répondu publiquement à ces accusations. En 2023, interrogé sur la mort de ses parents, il lâche une réponse cinglante : « Honnêtement, ça ne m’a presque rien fait. »
L’année précédente, le lancement de Power Slap est marqué par une polémique plus personnelle. Une vidéo de M. White giflant sa femme en public fait surface. Il reconnaît son erreur : « Il n’y a aucune excuse », mais l’affaire embarrasse profondément leurs trois enfants.
Une résilience à toute épreuve
Peu importe. Dans une époque où le populisme valorise les figures rebelles, les fautes semblent vite pardonnées. Dana White, lui, est convaincu que Power Slap peut dépasser l’UFC en popularité. « Quand tout le monde dit que c’est horrible, c’est qu’on tient quelque chose de bon », affirme-t-il. Et d’ajouter : « C’est presque comme si, après avoir bâti une entreprise immense, on avait la chance de tout recommencer à zéro. Et ça ressemble étrangement au début de l’UFC. »
Après avoir utilisé la télé-réalité pour imposer l’UFC dans les années 2000, Dana White applique aujourd’hui la même recette avec les créateurs de contenu les plus influents d’internet. Il les côtoie, leur offre des places VIP lors des événements et leur laisse carte blanche pour filmer et partager du contenu à leur guise. « C’est comme ça qu’on fonctionne maintenant, c’est toute ma philosophie », explique-t-il. « Power Slap s’est construit sur internet. »
La stratégie porte ses fruits. Power Slap compte déjà 35 sponsors et a signé un contrat de diffusion avec la plateforme Rumble, prisée des conservateurs. Le Fontainebleau verse 2,5 millions de dollars par événement, et la ligue a généré au moins 4,5 millions de dollars grâce à un jeu mobile. Selon Forbes, l’entreprise a atteint 50 millions de dollars de chiffre d’affaires en 2024, avec un budget marketing inférieur à 25 000 dollars par événement.
« D’habitude, il faut payer ces jeunes une fortune pour qu’ils collaborent. Moi, ils le font gratuitement – et en plus, ils paient de leur poche pour être là », explique Dana White. « Beaucoup me voient comme le parrain des influenceurs. »
En 2024, les frontières entre business et politique s’effacent encore un peu plus pour M. White. Son univers – peuplé d’influenceurs comme les Nelk Boys, Theo Von et Barstool Sports – croise directement la base électorale masculine jeune de Donald Trump. Pendant la campagne présidentielle, Dana White orchestre les apparitions de Trump sur leurs podcasts, convainquant même Joe Rogan d’y participer, alors que ce dernier refusait initialement d’aborder la politique.
Le pari s’avère gagnant : l’épisode de Trump sur le podcast de Rogan, diffusé deux semaines avant l’élection, dépasse les 55 millions de vues sur YouTube.
La veille du scrutin, M. White se trouve dans un avion en direction de Mar-a-Lago et bombarde Rogan de messages. « Tu dois le soutenir. Pour qui votes-tu, Joe ? Pour qui votes-tu ? » Rogan finit par céder : il tweete son soutien officiel à Trump le 4 novembre. Le lendemain, après la victoire de Trump, Dana White est invité à prendre la parole lors du discours du président élu. Il remercie les podcasteurs un par un.
Depuis, il dit être submergé de sollicitations. Il affirme avoir reçu tant de messages après l’élection qu’il a dû changer de numéro de téléphone pour la première fois en 15 ans. Désormais, presque chaque jour, des entrepreneurs frappent à sa porte à Las Vegas, cherchant son aide pour lever des fonds ou promouvoir leurs produits.
Toujours en quête de nouveaux défis
La nouvelle cible de Dana White : la boxe. Autrefois un pilier du sport américain, elle a perdu de sa superbe et peine aujourd’hui à rivaliser avec l’UFC.
Difficile de ne pas voir dans son approche une résonance avec la réaction instinctive de Donald Trump après la tentative d’assassinat de l’été dernier – « combattez ! » – un état d’esprit qui semble imprégner chacune des décisions de M. White. « J’ai toujours pensé que le combat était ancré dans notre ADN », explique-t-il. « Peu importe la couleur de votre peau, votre pays d’origine ou la langue que vous parlez : nous aimons nous battre. »
Un article de Matt Craig pour Forbes US – traduit par Lisa Deleforterie
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