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Tout comprendre sur les « camps de filtration » russes

camps de filtration
Vladimir Poutine et les camps de filtration russes. | Source : Getty Images

Alors que les preuves de violations flagrantes des droits humains sont collectées et préservées, une attention spécifique doit être accordée à la situation dans les camps de filtration et à ce qui arrive aux individus qui y sont internés.

 

Depuis février dernier, la guerre en Ukraine ne cesse d’être marquée par de nombreuses atrocités, notamment des exécutions sommaires, des séquestrations, des tortures, des mauvais traitements, des viols et autres violences sexuelles, des déplacements forcés de populations, des enlèvements d’enfants et des adoptions illégales. D’un point de vue juridique, ces atrocités peuvent être qualifiées de crimes contre l’humanité, de crimes de guerre, de risque sérieux de génocide et d’incitation au génocide. Ces derniers mois, une autre atrocité a été mise en lumière : les « camps de filtration ».

Lors d’une réunion de Conseil de sécurité de l’ONU du 7 septembre 2022, Ilze Brands Kehris, sous-secrétaire général aux droits de l’homme, a décrit les camps de filtration comme « un système de contrôles de sécurité et de collecte de données personnelles. Les individus soumis à la filtration comprennent ceux qui quittent les zones d’hostilités en cours ou récentes et ceux qui résident ou se déplacent au sein du territoire contrôlé par les forces armées russes et les groupes armés affiliés. » L’ambassadrice des États-Unis auprès des Nations Unies, Linda Thomas-Greenfield, a expliqué que les camps de filtration sont des lieux spéciaux où « les autorités russes ou leurs mandataires fouillent, interrogent, contraignent et, semble-t-il, torturent parfois les prisonniers. » Cependant, comme elle l’a ajouté, « ces horreurs ne se limitent pas aux centres qui ont été mis en place. La filtration peut également avoir lieu aux points de contrôle, aux arrêts de routine de la circulation ou dans la rue. » Selon l’ambassadrice Thomas-Greenfield, « ces opérations visent à identifier les individus que la Russie juste insuffisamment conformes ou compatibles avec son contrôle. […] Un témoin oculaire a déclaré avoir entendu un soldat russe dire “J’ai tiré sur au moins dix personnes” qui n’avaient pas réussi le test de filtration. »

Le Haut-Commissariat aux droits de l’homme (HCDH) a indiqué que les camps de filtration sont connus pour leurs violations flagrantes des droits de l’homme, notamment des droits à la liberté, à la sécurité de la personne et à la vie privée. Le HCDH a documenté que ces camps de filtration pratiquent « des fouilles corporelles, impliquant parfois une nudité forcée, et des interrogatoires détaillés sur le passé personnel, les liens familiaux, les opinions politiques et les allégeances de l’individu concerné. Le personnel des camps examine les effets personnels, y compris les appareils mobiles, et recueille des données d’identité personnelles, des photos et des empreintes digitales. Dans certains cas, les personnes en attente de filtration ont passé des nuits dans des véhicules ou dans des locaux non équipés et surpeuplés, parfois sans accès adéquat à la nourriture, à l’eau ou aux installations sanitaires. Nous sommes particulièrement préoccupés par le fait que les femmes et les jeunes filles risquent d’être victimes d’abus sexuels pendant les procédures de filtration. »

Lors de la réunion du Conseil de sécurité de l’ONU en septembre 2022, Oleksandra Drik, coordinatrice de la coopération internationale au Centre pour les libertés civiles, a cité plusieurs cas de filtration. Un jeune homme, Taras Tselenchenko, 21 ans, originaire de Marioupol, et sa grand-mère de 80 ans, ont été soumis deux fois au processus de filtration. « On a pris ses empreintes digitales, on l’a photographié, on l’a interrogé et on a exercé des pressions psychologiques sur lui lors d’un interrogatoire mené par un ancien membre de l’armée ukrainienne, ainsi que par un Russe en civil et tenant une batte de baseball dans ses mains. » Marya Vychenko, 17 ans, a été soumise à une filtration dans un camp à Manhush. Outre la procédure humiliante habituelle, « elle a également été harcelée sexuellement pendant son interrogatoire, mais n’a subi aucune autre violence, car les soldats russes ne la trouvaient pas assez jolie. »

Ceux qui ne passent pas le premier test peuvent être détenus dans des camps de filtration durant des mois. De là, ils peuvent être envoyés dans des centres de détention ou des prisons dans les territoires occupés ou en Russie. Un survivant, Vadym Buriak, 16 ans, a témoigné qu’il « devait vivre dans une cellule de prison sans toilettes en état de marche. Presque tous les jours, il entendait et voyait la torture de prisonniers de guerre ukrainiens, puis était obligé de nettoyer le sang dans les salles de torture. »

Selon plusieurs rapports, les autorités russes ont interrogé, détenu et déporté de force entre 900 000 et 1,6 million d’Ukrainiens. Il s’agit d’un crime systématique, planifié et organisé. Ces camps de filtration ne sont pas nouveaux. En effet, la Russie les utilise dans les territoires occupés depuis l’invasion en Ukraine en 2014.

 

Article traduit de Forbes US – Auteure : Dr. Ewelina U. Ochab

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