Réconcilier bien-être au travail et performance économique

L’équilibre entre vie privée et vie professionnelle n’est pas chose aisée, il existe cependant un modèle où les injonctions économiques n’ont pas effacé la place de l’humain dans l’organisation de l’entreprise et le partage des richesses.

Par Fatima Bellaredj, déléguée générale de la confédération générale des scop, contributrice

Notre mouvement, Scop et Scic, vient de terminer une enquête sur la situation économique des coopératives à fin 2022. Elle révèle que 90 % des salariés des coopératives estiment travailler dans un bon, voire très bon, climat de confiance. Un marqueur fort du bien-être au travail qui nous encourage à promouvoir notre modèle auprès des acteurs de la vie économique. D’ailleurs 81 % des Scop ne connaissent pas le phénomène de « grande démission » souvent pointé dans les médias. Si nous n’échappons pas aux difficultés de recrutement, nous savons fidéliser et impliquer nos salariés. Et ça change tout !

Pourquoi les sociétés coopératives réussissent là où d’autres modèles échouent ? Parce que l’humain est au cœur de notre ADN. Chez nous, les impératifs économiques n’excluent pas les valeurs humaines et la gouvernance partagée fait toute la différence.

Concrètement, nous expérimentons au quotidien le partage des résultats, des décisions et du pouvoir. Par exemple, les dirigeants sont choisis par les salariés eux- mêmes et souvent parmi eux. En conséquence, les relations sociales sont plus apaisées. Cela se traduit par moins de stress, d’absentéisme, de burn-out ou d’arrêt maladie et plus d’implication.

Au sein de la Scop Bearstech par exemple, trois cogérants forment le comité de direction où tous les mois, l’ensemble des associés salariés aborde les sujets importants : embauches, orientations stratégiques, investissements ou définition des salaires. Les augmentations sont exclusivement collectives, avec un montant fixe et non un pourcentage. Tous les bénéfices sont redistribués aux salariés et investis dans l’entreprise. L’échelle des salaires varie de 1 à 1,8.

En juillet 2021, une étude menée par des chercheurs au sein des coopératives révélait que le bien-être y est assez élevé notamment grâce au fort sentiment d’empowerment. Les collaborateurs interrogés lui allouaient alors la note de 8,32/10. Ces derniers estimaient avoir un pouvoir effectif sur leur environnement professionnel. Plus récemment, nous avons conduit la seconde édition du baromètre*** sur l’entreprise de demain auprès de salariés et dirigeants d’entreprises françaises. Clairement, la rémunération et le bien-être des salariés sont deux dimensions importantes pour 95 % des sondés. Lorsqu’on y apprend que 43 % des salariés hors Scop et Scic n’ont jamais été consultés par leur entreprise sur les décisions opérationnelles ou stratégiques, cela nous paraît aberrant. Chez nous, les décisions stratégiques sont votées en assemblée générale selon le principe « 1 personne = 1 voix », quel que soit le capital détenu.

Agir sur la qualité des conditions de travail contribue à améliorer efficacement la performance des salarié.e.s. Trois pratiques managériales font leurs preuves en coopérative : la clarification de l’organisation, la coconstruction d’une charte ou d’un projet d’entreprise, la codirection ou la cogérance.

La nouvelle génération de travailleurs aspire à plus de sérénité et de sens dans le travail, mais aussi à plus d’autonomie et d’initiatives. Au sein des Scop, on considère l’humain comme LA colonne vertébrale de l’entreprise et le collectif comme le meilleur des moteurs.

Cet article est issu du numéro 23 – été 2023, de Forbes France