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Quand le soutien social fait défaut : l’impact sur la vie des parents

soutien socialQuand le soutien social fait défaut : l’impact sur la vie des parents. Getty Images

Une contribution de Jennifer Jay Palumbo pour Forbes US – traduit par Lisa Deleforterie

 

À une époque où la technologie nous permet d’être plus connectés que jamais, les parents se retrouvent paradoxalement plus isolés. Le réseau social traditionnel qui apportait un soutien essentiel aux familles, que ce soit à travers la famille, des communautés solidaires ou des voisins toujours prêts à aider, s’efface progressivement. Cette disparition a des répercussions profondes, affectant non seulement l’aide concrète dont bénéficiaient les parents, mais aussi leur bien-être mental.

Face aux pressions croissantes de la vie moderne, allant des difficultés économiques aux défis de l’éducation des enfants dans un environnement de plus en plus complexe, la crise de la santé mentale chez les parents devient incontournable. Un récent rapport de l’administrateur de la santé publique des États-Unis a mis en lumière le stress parental comme un enjeu majeur de santé publique, alertant sur l’isolement et l’épuisement auxquels de nombreux parents sont aujourd’hui confrontés.

 

Les principales barrières à l’accès aux soins de santé mentale

L’un des principaux obstacles à l’accès des parents aux soins de santé mentale réside dans le système d’assurance maladie. Melissa Beck, directrice exécutive de la Sozosei Foundation, souligne que même les parents disposant d’une assurance se heurtent à des difficultés considérables. « Les compagnies d’assurance respectent mal les lois sur la parité, qui imposent une couverture équivalente entre la santé mentale et la santé physique », explique-t-elle. « Tout parent ayant dû se battre pour que les soins en santé mentale soient pris en charge par l’assurance en est bien conscient. »

En réalité, naviguer à travers les politiques d’assurance peut facilement devenir un travail à temps plein. De nombreux parents se retrouvent confrontés à des « réseaux fantômes » ; des listes de prestataires qui semblent disponibles, mais qui, en réalité, n’acceptent pas de nouveaux patients, voire aucun patient dans certains cas.

Ce problème ne se limite pas à la santé mentale des adultes, il touche également les services destinés aux enfants, qui sont encore plus difficiles d’accès. Beck souligne que peu de thérapeutes acceptent de traiter des enfants, en raison de la formation spécialisée requise et du fait que la thérapie demande souvent une coordination non rémunérée avec les écoles et les autres prestataires de soins de santé.

Pour les familles à faible revenu, ces obstacles sont amplifiés par des contraintes pratiques, telles que des horaires de travail inflexibles et un accès limité aux moyens de transport, rendant le parcours d’autant plus difficile à surmonter.

 

L’isolement et son impact sur la santé mentale des parents

L’isolement inhérent à la parentalité moderne représente un fardeau supplémentaire. Kurt Workman, PDG et cofondateur d’Owlet, en a fait l’expérience personnellement. « En tant que parent, je sais à quel point la solitude des premières semaines et des premiers mois peut être compliquée », raconte-t-il. « Nous n’étions pas prêts, et en plus de l’accouchement, ma femme a souffert de prééclampsie. Cette première nuit à la maison, notre fils s’est réveillé au moins dix fois en pleurant. » Son histoire résonne avec celle de nombreux parents qui, éloignés de leur famille et de leurs amis, se retrouvent sans réseau de soutien durant ces premiers mois si cruciaux.

Les réseaux sociaux ont exacerbé ce sentiment d’isolement. Les parents sont constamment exposés à des images de familles parfaites en apparence, ce qui renforce la pression de montrer que tout est sous contrôle. Pourtant, la réalité est bien différente. Workman explique que le « Rapport sur l’état de la parentalité » de son entreprise révèle que beaucoup de parents se sentent submergés, anxieux et épuisés — des émotions souvent dissimulées derrière des publications minutieusement mises en scène sur les réseaux sociaux.

La Dr Becky Kennedy, psychologue pour enfants et auteure, estime que cet isolement découle en grande partie de croyances dépassées sur la parentalité. « On nous a inculqué l’idée que la parentalité devait être naturelle, notamment à travers le concept de « l’instinct maternel » », explique-t-elle. « Lorsque les parents rencontrent des difficultés, ce qui est inévitable, ils ont tendance à penser qu’ils sont en faute. Cela engendre un sentiment de honte, qui les paralyse et les enferme dans leurs problèmes. » Ce sentiment de honte lié aux défis parentaux accentue encore l’isolement, compliquant davantage la recherche de soutien.

 

Les facteurs de stress en l’absence de soutien social

L’absence d’un soutien social traditionnel ne fait qu’intensifier le stress auquel les parents sont confrontés aujourd’hui. Beck souligne que l’assurance et l’accès aux soins de santé sont des sources de stress majeures, mais de nombreux autres facteurs viennent s’y ajouter, tels que le changement climatique, l’insécurité de l’emploi ou encore la crainte persistante des fusillades dans les écoles aux États-Unis. « Le manque de soutien social accentue la difficulté pour les parents à faire face à ces multiples sources de stress », explique-t-elle.

Kennedy souligne qu’en l’absence de soutien suffisant, les parents, et surtout les femmes, se retrouvent souvent à tout gérer seuls, tout en ressentant la pression de maintenir une image de perfection sans faille. « La perfection sans effort n’est qu’une illusion », insiste Kennedy. « Nous en sommes tous conscients, mais ayant intégré cette idée, nous éprouvons de la honte dès que nous faisons face à des difficultés. »

Pour Workman, le stress lié à la santé des enfants — que ce soit la crainte du syndrome de mort subite du nourrisson (MSN), du virus respiratoire syncytial (VRS), ou simplement les troubles du sommeil — constitue une source majeure d’anxiété. « Nos récentes données révèlent qu’environ un tiers des parents déclarent ne pas recevoir suffisamment de soutien de la part de leur famille, de leurs amis ou de leur partenaire », précise-t-il. « Cet isolement exacerbe les sources de stress, les rendant encore plus insurmontables, ce qui peut entraîner une cascade de problèmes de santé mentale comme l’anxiété et la dépression. »

 

Des solutions pour reconstruire les systèmes de soutien

Comment peut-on alors reconstruire des systèmes de soutien dans un monde qui paraît plus déconnecté que jamais ? Beck plaide pour un changement culturel qui placerait la santé mentale des parents et des enfants au cœur des priorités. « La philanthropie peut jouer un rôle clé en impulsant un changement de récit en soutenant les organisations de narration et artistiques désireuses d’engager un travail de transformation culturelle », propose-t-elle. Repenser la manière dont nous abordons et racontons les histoires sur la parentalité permettrait de normaliser l’idée que demander de l’aide est un signe de force, et non de faiblesse.

Workman est convaincu que la technologie peut contribuer à réduire l’écart. « Les solutions de télémédecine qui permettent de connecter les parents à des spécialistes quand ils en ont besoin sont essentielles », affirme-t-il. Son entreprise, Owlet, a mis au point une technologie conçue pour diminuer le stress des nouveaux parents. Il souligne que ces outils offrent une réelle tranquillité d’esprit, aidant les parents à se concentrer sur leur propre bien-être. « Nous avons besoin de meilleurs soins postnataux pour les femmes, pas seulement pour les bébés », ajoute-t-il, plaidant pour des suivis réguliers avec les mères après l’accouchement afin de s’assurer qu’elles bénéficient du soutien nécessaire.

La Dr Helen Egger, conseillère de Project Healthy Minds, cofondatrice et directrice médicale et scientifique en chef de Little Otter, souligne l’importance d’un modèle de soins de santé mentale intégré pour toute la famille. « Il est essentiel de prendre en charge l’ensemble de la famille, pas seulement l’enfant », affirme-t-elle. Elle met également en avant la télésanté comme une solution permettant d’offrir des soins de qualité sans les contraintes logistiques des consultations en personne. Elle insiste sur la nécessité de créer des micro-communautés, qu’elles soient locales ou numériques, pour fournir un soutien émotionnel et pratique indispensable. C’est dans cet esprit que Project Healthy Minds a développé un site qui permet aux utilisateurs d’accéder à divers types de soins en santé mentale.

 

Un appel à une refonte structurelle

Les défis auxquels les parents font face aujourd’hui sont intimement liés à des problèmes systémiques tels que le manque d’accès aux soins de santé mentale, les pressions économiques et la disparition progressive du soutien social. Pour surmonter ces obstacles, une action individuelle ne suffit pas : un changement collectif et structurel est nécessaire. Plaider pour des politiques de santé améliorées, des services de garde d’enfants accessibles financièrement, ainsi que des options de travail flexibles, constitue un premier pas essentiel vers une solution durable.

Parallèlement, il est crucial d’adopter un changement culturel qui valorise la santé mentale des parents et reconnaisse que la parentalité n’est pas une aptitude innée, mais une compétence qui demande du soutien, de l’apprentissage et un réseau social. En recréant cette communauté de soutien sous une forme ou une autre, nous pouvons permettre aux parents de non seulement surmonter les défis, mais aussi de s’épanouir dans l’expérience exigeante mais profondément gratifiante de l’éducation des enfants. Ensemble, nous pouvons créer de nouveaux réseaux de soutien qui offrent aux parents l’empathie, les ressources et les soins dont ils ont besoin.


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