Rechercher

Pourquoi miser sur l’humain, pas sur la machine : la vision d’un milliardaire face au changement

humain
Pourquoi miser sur l’humain, pas sur la machine. Getty Images

Imaginez que vous ayez 18 ans lorsque l’intelligence artificielle générale (AGI) devient réalité. Comme beaucoup de jeunes de votre génération, une angoisse vous habite : que faire de votre avenir ? Depuis des années déjà, vous vous demandez quelles études entreprendre — ou même s’il est encore pertinent d’en faire. Et plus le temps passe, plus une question obsédante s’installe : si l’IA finit par s’emparer de tous les bons emplois, que vous restera-t-il ?

 

Et maintenant ? L’AGI est là — et elle secoue le monde entier. Pour saisir l’ampleur du bouleversement qu’elle annonce, il suffit de se pencher sur la définition qu’en donne McKinsey & Company : « Une IA dont les capacités rivalisent avec celles d’un être humain. » Une avancée qui nous rapproche, selon IBM, de la fameuse Singularité : « Un scénario théorique où la croissance technologique devient incontrôlable et irréversible, entraînant des changements profonds et imprévisibles de la civilisation humaine. » Un véritable tournant.

Atteindra-t-on vraiment l’AGI ? Personne ne le sait. Mais même sans franchir ce cap ultime, les progrès technologiques à venir promettent déjà de bouleverser nos sociétés. Prenez la robotique, par exemple. Les robots d’accueil s’apprêtent à faire leur entrée dans les bars, restaurants et hôtels du quotidien. Des figures de proue de la tech comme Elon Musk ou Peter Diamandis vont encore plus loin : selon eux, des milliards de robots humanoïdes pourraient peupler notre monde d’ici 2040.                        


 

Les conseils d’un milliardaire pour se préparer à l’avenir

À l’heure où les bouleversements technologiques s’accélèrent, qui mieux qu’un milliardaire autodidacte pour éclairer un jeune de 18 ans en quête de repères ? Pour comprendre comment garder la tête froide face aux mutations de l’intelligence artificielle, de l’automatisation et des algorithmes, je me suis tourné vers John P. Calamos, fondateur de Calamos Investments, une société qui gère aujourd’hui plus de 40 milliards de dollars d’actifs pour des clients du monde entier.

À l’occasion de la sortie prochaine de sa biographie The Sky’s the Limit: Lessons in Service, Entrepreneurship and Achieving the American Dream (Wiley), signée par l’auteur à succès Joe Garner, j’ai voulu échanger avec ce vétéran de la finance sur une question simple : comment rester dans la course, non seulement à court terme, mais aussi sur la durée, dans un monde en pleine transformation ?

La réponse de John Calamos a de quoi surprendre : étudier la philosophie. Un conseil contre-intuitif, mais solidement argumenté. Lui-même diplômé de cette discipline à l’université du Missouri, il se souvient des moqueries de ses camarades, qui lui demandaient : « Et tu vas faire quoi avec ça ? » Mais aujourd’hui, il défend ce choix sans hésiter, en particulier dans un contexte où de plus en plus de jeunes doutent de l’utilité des études supérieures. « Je le dis souvent : on ne va pas à l’université pour apprendre quoi penser, mais comment penser », insiste-t-il.

M. Calamos est bien placé pour donner de tels conseils. Connu publiquement pour son sens de la finance, ses racines intellectuelles résident dans les principes qui sous-tendent la civilisation occidentale. Étudiant à l’Institut de technologie de l’Illinois, il a été captivé non seulement par les chiffres, mais aussi par les idées qui ont façonné la destinée humaine. « L’étude de la philosophie m’a enseigné la valeur de la pensée critique, de la remise en question des idées reçues et de la culture d’opinions fondées sur des enquêtes approfondies », explique-t-il.

Dans les décennies passées, les campus universitaires étaient le théâtre de débats animés. Les étudiants pouvaient échanger des idées contradictoires, s’affronter sur le fond et rester amis. Cette époque semble lointaine. Aujourd’hui, la polarisation étouffe l’ouverture d’esprit, et la pensée critique cède souvent la place à un conformisme prudent.

Pour John P. Calamos, chef d’entreprise réfléchi et fin observateur des mutations sociales, cette fermeture intellectuelle est une réelle menace pour l’innovation. « Sans débat, sans remise en question, sans exploration, la créativité se tarit. L’innovation, elle, finit par s’éteindre », prévient-il. Il sait de quoi il parle. C’est justement sa capacité à innover qui a permis à son entreprise de traverser des décennies de bouleversements technologiques. Un jeune de 18 ans vivant en 2025 aurait sans doute du mal à l’imaginer : quand Calamos a démarré sa carrière d’investisseur à la fin des années 1970, il travaillait… avec un crayon et du papier millimétré.

Depuis, il a adopté tous les outils qui se sont présentés : calculatrices, tableurs, ordinateurs, internet, et aujourd’hui, l’intelligence artificielle. « Ce qui m’a toujours animé, c’est cette question : qu’est-ce qui peut améliorer la productivité ? », explique-t-il. « La technologie est un levier de progrès, mais encore faut-il avoir la volonté de s’adapter. Et pour ça, il faut une curiosité active, un esprit qui interroge sans relâche les évidences. »

Pas étonnant, donc, qu’il considère l’agilité intellectuelle comme l’une des clés pour garder une longueur d’avance. Pour lui, diriger une entreprise, c’est un peu comme grimper une côte à vélo : si on arrête de pédaler, on recule. C’est cet état d’esprit de croissance, cette envie constante de progresser, qui lui a permis de se réinventer sans cesse.

 

Prospérer à l’ère de l’intelligence artificielle

Alors que de plus en plus de jeunes délèguent leur réflexion à des outils comme ChatGPT — pour rédiger leurs devoirs ou même structurer leurs idées — les conseils de John P. Calamos sonnent comme un rappel salutaire : l’intelligence artificielle ne doit pas remplacer notre cerveau, mais nous inciter à mieux l’utiliser.

Pour prospérer dans un monde saturé de technologies, il recommande de cultiver une curiosité vive et une soif d’apprendre sans fin. Car si les outils numériques peuvent décupler notre potentiel, ils ne sont rien sans la personne qui les maîtrise. « Ce n’est pas la technologie qui fait la grandeur, dit-il. C’est celui ou celle qui la manie avec discernement. »

Autre clé de la réussite selon lui : la passion. Il encourage les jeunes à se tourner vers eux-mêmes, à identifier ce qui les anime vraiment. Trouver cette étincelle intérieure, dit-il, peut tout changer.

Calamos parle d’expérience. Parti de rien, il a bâti un empire financier grâce à une détermination sans faille, alimentée par une enfance modeste. « Le manque m’a donné le courage », confie-t-il. Une force intérieure que, selon lui, beaucoup de jeunes issus de générations plus privilégiées n’ont pas encore été contraints de cultiver. Pour eux, le défi est différent : il ne s’agit pas de survivre, mais de trouver un sens profond à leur trajectoire.

 

L’altruisme comme boussole

Quand on lui demande quelle qualité un jeune de 18 ans devrait cultiver pour traverser les bouleversements de notre époque, John P. Calamos répond sans hésiter : l’altruisme.

Ce qui l’inquiète ? Voir tant de jeunes professionnels aborder la vie avec une seule question en tête : « Qu’est-ce que je vais y gagner ? » plutôt que « Qu’est-ce que je peux apporter ? » Une posture qui, selon lui, freine à la fois le développement personnel et collectif.

Il cite volontiers une phrase gravée dans sa mémoire depuis sa jeunesse : « Ne vous demandez pas ce que votre pays peut faire pour vous, mais demandez-vous ce que vous pouvez faire pour votre pays. » Ces mots de JFK ont profondément marqué Calamos. Ils l’ont même poussé à s’engager dans l’US Air Force après l’université — un choix de service qui a structuré sa vision du leadership : mener en servant, créer de la valeur, et laisser les récompenses venir ensuite.

Et si c’était là, le vrai secret pour réussir — même financièrement ? Pour Calamos, devenir milliardaire n’a jamais été une fin en soi. Il ne s’agit ni de créer une licorne, ni d’optimiser à tout prix grâce à des armées de robots. « On ne court pas après l’argent », dit-il. « On recherche l’excellence. L’argent suit. »

C’est cette philosophie du service — mise au cœur même de son entreprise — qui a consolidé son succès. La technologie lui a donné un avantage, certes, mais c’est son attention portée aux autres qui a fait la différence. « Je savais que si l’on prenait soin de nos clients et de nos collaborateurs, le reste suivrait. »

Et c’est ce qui s’est passé. Face à l’accélération vertigineuse de l’IA qui transforme notre monde, une constante demeure : le changement, incessant et incontournable. Mais dans ce tumulte technologique, l’héritage de John P. Calamos offre une boussole précieuse pour naviguer vers l’avenir.

À une époque dominée par des machines capables de penser, il est essentiel de se rappeler que la pensée humaine reste un atout irremplaçable. Comme le souligne M. Calamos, la course pour rester en tête ne sera pas gagnée par des algorithmes toujours plus perfectionnés ou par des technologies dernier cri. L’avenir appartiendra à ceux qui reconnaissent la valeur unique de leur esprit, l’outil le plus puissant qui soit, surtout lorsqu’il est mis au service de l’humanité.

 

Une contribution de Michael Ashley pour Forbes US – traduit par Lisa Deleforterie


À lire également : Business Excellence 360 : l’accompagnement entrepreneurial qui fait la différence

Vous avez aimé cet article ? Likez Forbes sur Facebook

Abonnez-vous au magazine papier

et découvrez chaque trimestre :

1 an, 4 numéros : 30 € TTC au lieu de 36 € TTC