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Pourquoi les femmes sont-elles toujours sous-représentées aux postes de direction ?

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Pourquoi les femmes sont-elles toujours sous-représentées aux postes de direction ? Getty Images

Depuis trois ans, la part des femmes à la tête d’entreprises ou en poste de direction stagne autour de 10 % à l’échelle mondiale. Pourtant, les engagements en faveur de leur accession à ces fonctions se multiplient. Alors, pourquoi un tel blocage ?

 

L’un des principaux freins reste la « double contrainte » : des injonctions contradictoires qui pèsent sur les femmes dans leur évolution professionnelle. Elles doivent s’imposer sans être perçues comme trop autoritaires, décider tout en privilégiant la collaboration, être fortes mais rester accessibles. Autant d’attentes impossibles à concilier, qui alimentent un flou nuisible à leur progression.

Les entreprises, à l’image des sociétés dans lesquelles elles évoluent, perpétuent ces normes implicites. Comme le résume bien l’adage : « On ne peut pas être ce que l’on ne voit pas ». Les comportements et attitudes des supérieurs hiérarchiques, même bien intentionnés, envoient souvent des signaux contradictoires qui freinent l’avancée des femmes vers les plus hautes responsabilités.


Aux États-Unis, les entreprises réduisent rapidement leurs initiatives en matière d’inclusion et de diversité. Pourtant, cette approche ne règle en rien les obstacles persistants auxquels les femmes font face tout au long de leur carrière. Malgré de nombreux programmes visant à combattre les préjugés et à renforcer leur accès aux postes de leadership, les attentes envers les femmes restent paradoxales et souvent irréalistes.

Cette « double contrainte » illustre une hypocrisie bien ancrée dans le monde du travail. J’ai déjà évoqué le syndrome de Cendrillon, où les femmes espèrent être reconnues et récompensées pour leurs performances. Si cela arrive, elles sont néanmoins souvent éclipsées par leurs homologues masculins lorsqu’il s’agit d’accéder à des postes clés. Les biais des supérieurs hiérarchiques et les mécanismes internes des entreprises jouent un rôle déterminant dans ces décisions.

Pour avancer, les femmes doivent structurer leur trajectoire professionnelle et oser demander promotions et nouvelles responsabilités. Mais là encore, un piège se referme : afficher trop d’ambition peut se retourner contre elles, et freiner leur ascension.

Une étude récente de Russell Reynolds, intitulée Time to Tell a Different Story, a analysé la couverture médiatique de 750 PDG issus du FTSE 100, du S&P 500 et de l’Euronext 100. Le constat est sans appel : les femmes à la tête d’entreprises sont deux fois plus souvent qualifiées de « trop ambitieuses » ou, à l’inverse, de « manquant d’ambition ». Elles sont également trois fois plus susceptibles d’être perçues comme manquant de confiance par rapport à leurs homologues masculins.

Le langage joue un rôle clé dans ces biais. Les femmes PDG sont 27 % plus souvent décrites à travers des adjectifs liés aux relations humaines, tandis que les hommes sont 24 % plus souvent associés à des compétences techniques et opérationnelles.

Hetty Pye, cofondatrice de RRA Artemis, qui accompagne des dirigeantes dans le cadre du programme d’accélération Artemis, souligne l’impact de ces stéréotypes : « L’étude montre que les femmes en poste de direction sont enfermées dans un jeu d’équilibriste : elles sont soit jugées « trop », soit « pas assez ». Ces perceptions biaisées renvoient à une vision figée du leadership. Tant que ces schémas perdurent, le plafond de verre restera intact. Il est temps d’instaurer un changement systémique pour dépasser la barre des 10 % de femmes PDG. »

 

Double contrainte : lever les obstacles à la progression des femmes

Pour mieux comprendre pourquoi la « double contrainte » pèse autant sur la carrière des femmes, il faut s’attarder sur deux aspects clés : leur rapport à l’ambition et la manière dont les entreprises abordent ces obstacles. L’autonomie joue un rôle central, comme l’ont démontré les recherches des universitaires Anvi Ma, Rosette Ashleigh Koval et Christy Zhou. Leur étude identifie sept facteurs déterminants dans l’évolution professionnelle des femmes, parmi lesquels trois ressortent comme essentiels : la compétence, l’assurance et l’indépendance.

La compétence ne se limite pas à bien faire son travail : il faut aussi s’assurer que cet impact est reconnu. Or, beaucoup de femmes ont tendance à se définir uniquement à travers leur poste, adoptant un prisme collectif (le « nous ») plutôt que de mettre en avant leurs réussites personnelles. Ce réflexe agit comme un filtre de modestie, freinant la reconnaissance de leur valeur.

Lors des programmes de leadership que j’ai animés auprès de centaines de femmes, j’ai souvent constaté cette difficulté à s’approprier pleinement leurs compétences. Pourtant, affirmer ses succès est essentiel : la reconnaissance passe par la confiance en soi, c’est-à-dire la capacité à comprendre ce que l’on fait bien et pourquoi.

La reconnaissance des compétences repose sur la confiance en soi : savez-vous précisément ce que vous faites bien ? Et surtout, comprenez-vous pourquoi vous excellez dans votre domaine ? Si vous ne pouvez pas l’expliquer, personne ne le fera à votre place. L’indépendance et l’assurance sont les clés pour surmonter le syndrome de l’imposteur : en comprenant vos forces, vos valeurs et les raisons de votre réussite, vous serez en mesure d’assumer des responsabilités plus importantes.

L’assurance n’a rien à voir avec l’arrogance : c’est cette confiance sereine qui vous permet d’avancer, même en pleine incertitude. L’indépendance, quant à elle, consiste à connaître ses capacités tout en identifiant les ressources et les soutiens nécessaires pour atteindre ses objectifs.

Dans un monde professionnel marqué par la volatilité et l’incertitude, ces qualités sont essentielles pour les leaders. Pour favoriser l’accès des femmes aux postes de direction, les entreprises doivent revoir leur approche. Mme Pye propose de repenser l’évaluation des compétences en leadership, en luttant contre les biais et les perceptions limitantes afin d’élargir le vivier de candidates. Elle plaide aussi pour un changement de culture dans les promotions internes : plutôt que d’attendre que les femmes se portent candidates (« opt-in »), il faudrait les considérer par défaut pour ces opportunités (« opt-out »), une approche plus adaptée à celles qui hésitent à se mettre en avant.

 

Redéfinir les compétences clés en leadership

Les compétences en leadership modernes nécessitent un équilibre entre des aptitudes orientées vers les tâches et des qualités relationnelles. Un bon leader doit savoir allier innovation et inspiration. Selon les études, les femmes sont perçues comme plus inspirantes, tandis que les hommes sont vus comme plus créatifs. Pourtant, ce sont les femmes qui apportent des perspectives multiples et diversifiées pour résoudre des problèmes complexes, une force précieuse à reconnaître dans l’évolution des compétences en leadership.

Mme Pye affirme : « Il est temps de revoir les compétences en leadership et d’élargir le vivier de femmes qui n’occupent aujourd’hui que 10 % des postes de PDG. Ce qui fonctionnait autrefois ne répond plus aux enjeux actuels. L’étude montre à quel point la perception des femmes en tant que leaders est biaisée, et les conséquences de ces stéréotypes lors des nominations à des postes de direction. En redéfinissant ces compétences pour mieux répondre aux besoins d’aujourd’hui, nous trouvons une solution à la demande croissante d’un leadership plus adapté. »

Comprendre les dynamiques de cette double contrainte est essentiel pour améliorer les trajectoires professionnelles des femmes et enrichir le vivier de talents pour les postes de PDG et de cadres dirigeants.

 

Une contribution de Shaheena Janjuha-Jivraj pour Forbes US – traduit par Lisa Deleforterie


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