Cette semaine je m’intéresse à l’âgisme en entreprise. Alors que la part des personnes de 65 ans et plus a progressé de 4,7 points en vingt ans, de nouvelles opportunités et de nouveaux défis s’ouvrent pour la société. En effet, selon une étude de l’Organisation de coopération et de développement économiques (OCDE) publiée en 2019, les discriminations liées à l’âge coûtent aux entreprises environ 6% de leur masse salariale.
Est-on vraiment vieux quand on a 50 ans et plus ?
Elisabeth Badinter a récemment déclaré dans une interview « la France gérontophobe » :
Contrairement aux pays nordiques, nous connaissons mal les « vieux », leurs facultés et leurs besoins.
Il y a d’ailleurs très peu de travaux sur le sujet : « tout se passe comme si la vieillesse était un continent peuplé d’individus exilés d’eux-mêmes, un préambule à la mort ». La femme de lettres recommande la lecture de « L’art d’accommoder la vieillesse », par Geneviève Delaisi de Parseval. Cette dernière raconte de façon décalé ce qu’est la vieillesse. Sans nier la réalité du vieillissement, ce texte invite à considérer cette période de la vie de façon différente et positive. Une approche de la vieillesse stimulante et pleine d’espoir. Tout cela m’amène à m’interroger sur l’âge et le travail.
Âgisme : quelle définition ?
Qu’est-ce que l’âgisme ? L’âgisme est un préjugé ou une discrimination envers les personnes âgées. Il peut prendre la forme de stéréotypes négatifs, de traitement injuste ou de marginalisation des personnes âgées dans la société.
L’âgisme apparaît, selon l’Organisation mondiale de la Santé : « […] lorsque l’âge est utilisé pour catégoriser et diviser les gens d’une façon qui entraîne des préjudices, des désavantages et des injustices ». Il peut aussi bien toucher les personnes âgées que les plus jeunes à travers des stéréotypes, des préjugés et des discriminations.
En droit du travail, l’âgisme est défini comme la discrimination envers les travailleurs âgés dans l’emploi.
Cela peut inclure des pratiques telles que le refus d’embaucher ou de promouvoir des personnes âgées, ou encore la mise à la retraite forcée. Il est interdit par la législation en matière d’égalité professionnelle et de protection contre les discriminations.
A quel moment devient-on un « senior » au travail ?
Selon le Code du travail, il est interdit de licencier une personne en raison de son âge.
En revanche, il n’y a pas de texte officiel pour déterminer qui est considéré comme un « senior » dans le milieu professionnel. Cependant, certains dispositifs et aides peuvent être appliqués à des tranches d’âges différentes. Par exemple, un CDD senior est ouvert aux personnes de plus de 57 ans alors qu’une aide pour l’embauche d’un senior en contrat de professionnalisation est disponible dès 45 ans. C’est également à cet âge qu’on fixe l’entretien de mi-carrière, également connu sous le nom d’entretien senior, qui marque le début de la deuxième moitié de la carrière professionnelle d’un salarié.
Pourquoi on devrait arrêter de parler des « seniors » en entreprises ?
Opposer les « seniors » aux « jeunes » en entreprises peut entraîner des discriminations car cela peut créer une division entre les employés en fonction de leur âge, plutôt que de se concentrer sur leurs compétences, leur expérience et leur performance.
On devrait s’assurer que tous les employés sont traités de manière équitable et respectueuse, indépendamment de leur âge.
Il est également essentiel de veiller à ce que les employés de tous les âges aient les mêmes opportunités de développement professionnel, de progression de carrière et que leur expérience ou savoir-faire soient valorisés et utilisés.
Quelles sont les mesures prises par les autres pays en Europe ?
Il est important de noter que les lois et les procédures peuvent varier d’un pays à l’autre. En France, lorsqu’un salarié s’estime victime de discrimination au travail, deux actions sont possibles : une action civile devant le Conseil de prud’hommes ou une action pénale. Le contentieux prud’homal a pour objectif d’obtenir l’annulation de la décision prise sur un motif prohibé et de demander la réparation intégrale du préjudice subi (dans ce cas le barème des indemnités prudhommes ne s’applique pas).
L’action en réparation du préjudice se prescrit par 5 ans à compter de la révélation de la discrimination.
La plupart des pays en Europe ont une approche similaire à la France. Par exemple, en Allemagne, la discrimination liée à l’âge est également interdite par la loi et il existe des organes de surveillance pour traiter les plaintes. En Italie, la discrimination liée à l’âge est également interdite par la loi et il existe également des organes spéciaux de surveillance tels que la Commission nationale pour la promotion de l’égalité et les droits contre les discriminations pour traiter les plaintes.
En revanche, et c’est plus surprenant, mais j’ai récemment découvert qu’en Suisse, il n’y a pas d’interdiction légale de la discrimination liée à l’âge. Les actions en justice ne sont possibles que contre l’Etat en tant qu’employeur en vertu d’un principe d’égalité inscrit dans la Constitution fédérale.
Comment les employés âgés peuvent s’adapter aux nouvelles technologies ?
Selon l’Insee, les salariés âgés sont stigmatisés à travers divers stéréotypes concernant leurs aptitudes et leur attitude envers le travail en particulier pour s’adapter aux nouvelles technologies. En France, leur introduction a aussi désincité les entreprises à investir dans le capital humain des seniors dont l’âge de départ à la retraite est somme toute pourtant « jeune », comparé par exemple à la Suède ou la Finlande.
Cependant, cela ne signifie pas que les employés plus âgés ne sont pas en mesure de s’adapter en matière de technologies :
En réalité, les salariés plus expérimentés peuvent être tout aussi compétents en matière de technologie que les salariés plus jeunes, surtout si les entreprises investissent dans une formation de qualité.
En quoi l’âgisme concerne aussi les jeunes ?
Les discrimination liées à l’âge concernent aussi les jeunes. Cela peut se manifester de différentes manières, comme par exemple :
- Sur le marché du travail : les jeunes peuvent avoir des difficultés à accéder à des emplois qualifiés en raison de préjugés liés à leur âge.
- Dans les relations sociales : les jeunes peuvent être victimes de stéréotypes comme l’idée qu’ils sont irresponsables ou peu fiables.
- Au niveau syndical : les jeunes sont sous-représentés dans les processus de prise de décision, malgré leur droit à voter et à être éligibles, y compris au sein des instances représentatives du personnel.
Finalement, l’âgisme en entreprise est un frein à la performance tant collective qu’individuelle. Il limite la diversité et l’inclusion, diminuant la croissance et la génération d’idées nouvelles qui pourraient être apportées à l’entreprise. En effet, l’âgisme entraine une marginalisation des salariés souvent accompagnée d’une baisse de l’engagement des employés touchés. Il entrave les opportunités de carrière et de développement professionnel pour les employés plus âgés, ce qui conduit in fine à une perte de talents et de compétences pour l’entreprise. Et tout ça… c’est sans parler du coût social pour la société. Bref, une question d’actualité à l’heure où nous nous apprêtons à réformer notre système de retraite.
<<< A lire également : Comment savoir si la discrimination raciale existe dans votre secteur d’activité ? >>>
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