Une contribution d’Etienne Porche, CEO et cofondateur Les Sherpas
Alors que notre pays traverse une période de transition politique et économique, il est crucial de ne pas perdre de vue un point essentiel : l’avenir de notre jeunesse. Dans un contexte de recherche d’économies, et bien que le budget de l’éducation nationale reste un des plus importants du pays, ne sacrifions pas l’égalité des chances sur l’autel de l’austérité budgétaire. Au contraire, saisissons l’opportunité de repenser et moderniser notre approche du soutien à la scolarité, et notamment du soutien scolaire, véritable pilier de la réussite.
Le constat alarmant d’un marché à deux vitesses
Le marché du soutien scolaire, estimé à 2,5 milliards d’euros en France, témoigne d’un besoin réel et massif : 53% des familles ont pris des cours particuliers ou envisagé de le faire l’année dernière[1]. Et contrairement aux idées reçues, ce ne sont pas uniquement les foyers aisés qui y ont recours : 61% des parents d’élèves scolarisés en REP et REP+ ont déjà fait appel à ces services[2]. Ces chiffres soulignent l’importance du soutien scolaire dans notre système éducatif, où la pression de la sélection se fait sentir de plus en plus tôt, comme en témoigne la place croissante du contrôle continu ou de Parcoursup.
Malgré cette demande massive, l’accès au soutien scolaire reste profondément inégalitaire. Le système de crédit d’impôt, bien qu’initialement conçu pour en démocratiser l’accès et lutter contre les cours “au noir”, montre aujourd’hui ses limites. En se cantonnant aux cours particuliers à domicile, et en écartant ceux en ligne, il exclut une grande partie de la population, créant une fracture éducative invisible, mais bien réelle.
Cette exclusion touche particulièrement les zones rurales et les petites agglomérations, où la pénurie d’enseignants qualifiés pour le soutien scolaire est criante. Dans ces conditions, les familles renoncent souvent faute de moyens, ou rémunèrent plus cher le déplacement d’un professeur pour bénéficier du crédit d’impôt. En parallèle, dans les quartiers plus défavorisés, l’offre de proximité est au mieux insuffisante, et au pire inexistante.
C’est d’autant plus paradoxal quand les téléconsultations médicales sont prises en charge par la Sécurité Sociale pour répondre, justement, à cet impératif d’égalité d’accès à des services cruciaux. L’éducation serait-elle moins importante que la santé ? Plus encore, l’exclusion des cours particuliers en ligne ignore complètement l’évolution des pratiques numériques. À l’ère du télétravail, quand l’apprentissage en ligne a prouvé son efficacité (notamment pendant la crise sanitaire), il est absurde de limiter le soutien scolaire à un modèle unique. C’est l’une des rares solutions permettant de mettre un professeur de soutien devant chaque élève qui le souhaite !
Cette rigidité pénalise financièrement les familles. Car, outre l’accès au crédit d’impôt, les cours en ligne présentent l’avantage de ne plus assumer le déplacement d’un professeur ; un coût représentant jusqu’à 30% du budget des cours à domicile !
Vers un soutien scolaire véritablement accessible
Il est urgent de repenser notre approche du soutien scolaire pour en faire un véritable outil d’égalité des chances.
La première étape consiste à élargir le système de crédit d’impôt pour intégrer les cours en ligne. Adoptée pendant la période Covid, puis retirée sans raison, cette mesure permettrait de réduire les inégalités territoriales, mais aussi d’ouvrir le marché à des acteurs proposant des solutions plus diverses et abordables. Autre avantage : on ferait basculer une grande partie du marché informel vers l’économie légale, tout en offrant un véritable coup de pouce financier aux familles. Les cours particuliers seraient ainsi immédiatement perçus comme 50% moins chers. Mais surtout : le soutien scolaire ne serait plus “un truc de riche” puisque tous les français sans exception pourraient en bénéficier, donnant à chaque enfant les mêmes chances de réussite.
La perception à l’égard du soutien scolaire pourrait ainsi évoluer vers ce qu’il est vraiment : un outil préventif, bénéfique à tous, quel que soit le niveau, et non pas juste une solution curative réservée aux élèves en difficulté. En normalisant le recours au soutien scolaire, nous pourrions créer une culture de l’apprentissage et de la réussite scolaire accessible à tous. Le monde du soutien scolaire n’est pas antinomique avec l’Éducation Nationale, il peut au contraire en être le parfait complément.
L’heure n’est pas au chipotage économique lorsqu’il est question de l’éducation des générations futures. Le gouvernement doit voir le soutien scolaire comme un complément de l’Éducation Nationale, que l’État peut prendre partiellement en charge pour l’amener à la portée de toutes les bourses. Une manière de conserver le socle de l’égalité républicaine, tout en étant pragmatique !
[1] Baromètre IFOP x Les Sherpas sur l’égalité des chances à l’école – 2024
[2] Baromètre IFOP x Les Sherpas sur l’égalité des chances à l’école – 2024
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