Plus d’excuses : décryptage de la nouvelle loi européenne sur l’accessibilité numérique

Prise en compte d’un groupe cible toujours plus large, augmentation des taux de conversion ou encore amélioration des expériences client et du SEO : il existe de nombreuses raisons de concevoir un site Internet accessible à tous. L’acte législatif européen sur l’accessibilité (European Accessibility Act, EAA), qui doit entrer en vigueur en juin 2025, constitue le dernier appel aux entreprises qui n’auraient pas commencé à travailler sur la question de l’accessibilité. Toutefois, force est de constater que de nombreux sites et boutiques en ligne restent désespérément à la traîne.

Une contribution de Felix Kühn, Competence Lead UX chez SQLI

Une personne sur cinq est porteuse d’un handicap. Ce terme englobe la cécité (2 %), le daltonisme (8 %), les déficiences intellectuelles (15 %), les amputations ou encore les troubles moteurs. Ce groupe de personnes devrait encore s’élargir à l’avenir en raison du vieillissement de la population. Si l’on y ajoute les personnes souffrant d’un handicap temporaire, par exemple en raison d’un bras cassé, le groupe cible devient tout simplement considérable.

Les technologies numériques et le principe de conception universelle

L’EAA doit entrer en vigueur le 28 juin 2025, avec pour objectif d’améliorer le quotidien d’au moins 87 millions d’Européens. Les dispositions de l’EAA s’appliqueront bientôt à certains produits tels que les smartphones, les ordinateurs, les liseuses électroniques, les bornes d’enregistrement, les télévisions et les distributeurs automatiques de billets, mais aussi aux services bancaires, aux boutiques en ligne, aux sites Internet, aux services de billetterie et d’information, aux livres électroniques et aux numéros d’urgence. Pour résumer, le monde numérique dans son ensemble doit devenir plus accessible.

En cas de non-conformité, toute personne concernée pourra déposer une plainte qui pourrait se solder par une amende pour le prestataire. Les détails de cette mesure ne sont pas encore tous connus à l’heure actuelle, mais la méthode employée devrait être la même que pour le RGPD : le montant des sanctions pourrait vraisemblablement s’élever à un certain pourcentage du chiffre d’affaires mondial du prestataire (jusqu’à un plafond clairement défini). Ces amendes pourraient donc bientôt se chiffrer en millions d’euros.

Il reste encore beaucoup à faire pour rendre Internet accessible à tous

En 2021, l’accessibilité de quinze boutiques en ligne figurant dans le classement Twinkle100 a été évaluée par l’agence Level Level. Résultat : les sites des marques About You, Bijenkorf, Hema, Ikea, Jumbo, MediaMarkt, Wehkamp et Zalando étaient totalement inadaptés aux personnes souffrant de déficiences visuelles.

Level Level a réitéré l’expérience avec les mêmes sites en 2022 et 2023 et a pu constater qu’il reste encore beaucoup à faire.   Et c’est bien dommage : non seulement ces plateformes d’e-commerce excluent un groupe important de personnes, mais elles se privent aussi de tous les avantages supplémentaires potentiels. L’entreprise Jumbo a été la seule à adapter le processus de commande aux personnes atteintes d’une déficience visuelle. 

Les avantages commerciaux de l’accessibilité 

En matière d’optimisation des moteurs de recherche, il a toujours été recommandé de suivre les directives de Google relatives à la création de sites Internet (désormais appelées Google Search Essentials La description d’une image à l’aide d’une balise ALT est utile pour les personnes souffrant d’une cécité totale ou partielle et utilisant un logiciel vocal, mais elle sert également à en indiquer le contenu aux moteurs de recherche. Au final, l’effort réalisé sera récompensé par un trafic organique plus important.

Les effets de ces mesures sur le chiffre d’affaires sont eux aussi considérables : grâce une accessibilité améliorée, les clients de la plateforme d’e-commerce CMS Max ont pu enregistrer une augmentation de 20 à 30% de leurs taux de conversion. Les bénéfices indirects sont eux aussi au rendez-vous : l’accessibilité améliore la navigation, le design et la convivialité, ce qui a à son tour un impact positif sur l’expérience client de tous les utilisateurs. Plus tôt les entreprises prendront les mesures nécessaires, et plus elles profiteront des avantages, quand les concurrents continueront de considérer l’accessibilité comme une obligation qui ne concerne qu’une poignée de personnes non voyantes.

Ne pas attendre la dernière minute 

La réalisation d’un audit interne ou externe permet de détecter rapidement une série de problèmes faciles à résoudre. Il est recommandé de commencer par de petits ajustements, en gardant à l’esprit que l’ensemble doit rester cohérent. Les gros points noirs qui demandent plus d’attention peuvent être traités ultérieurement. Dans un premier temps, il est conseillé de remédier aux problèmes liés au daltonisme. Pour cela, il est important d’adapter le site aux personnes daltoniennes : éviter certaines associations de couleurs, améliorer la visibilité des liens, s’assurer que le contraste est suffisant et utiliser des icônes.

Une autre mesure aux effets immédiats consiste à adapter le niveau de langue des textes. Un niveau de langue moins élevé rend un site plus accessible pour les personnes ayant un faible niveau d’instruction ou souffrant d’une déficience mentale. Il facilite également la lecture des textes, y compris pour les utilisateurs ayant suivi des études supérieures. Il est possible d’utiliser un outil gratuit tel que l’Accessibility Reading Level Tool pour évaluer rapidement le niveau de lecture des textes.

Respect des règles WCAG

Poursuivre les efforts en s’assurant de respecter les règles WCAG 2.1 est essentiel. Déjà contraignantes pour les sites publics, ces règles offrent des orientations pratiques pour améliorer la compréhension, la perception, l’utilisation et la robustesse des contenus web.

Certaines personnes au sein de l’entreprise devront se familiariser avec ces directives. La compréhension, liée au niveau de lecture, est du ressort de la personne en charge de l’élaboration des textes. La commande audio et les alternatives textuelles, comme les transcriptions pour les vidéos et la navigation, relèvent des principes de perception et d’utilisation. Ces aspects doivent faire l’objet d’une attention particulière, tant de la part des designers UX/UI que des créateurs de contenu. La robustesse, liée au code, est de la responsabilité du développeur back-end.

En respectant les règles WCAG 2.1, on rend un site Internet accessible aux personnes en situation de handicap. C’est un bon point de départ, même si certains utilisateurs peuvent rencontrer des difficultés.

La barre est de plus en plus haute

Les règles WCAG sont de plus en plus exigeantes. Pour améliorer l’accessibilité d’un site web, il est essentiel de :

• Mener régulièrement des audits pour évaluer l’accessibilité de son site. Une amélioration de l’expérience client et utilisateur grâce à un site accessible à tous est également dans l’intérêt des décideurs.

• Optimiser l’accessibilité dès la conception. Les nouveaux produits ou services doivent être accessibles dès leur conception. Pour cela, rédacteurs, designers UX/UI et développeurs doivent maîtriser les règles WCAG. L’intégration de l’accessibilité dès le début de la conception est synonyme de gains de temps et d’argent.

• Sensibiliser les collaborateurs à l’accessibilité. L’accessibilité doit faire partie de l’ADN de l’entreprise.

• Faciliter les retours en ligne des utilisateurs. Simplifier le signalement des points à améliorer permet d’aider les clients à surmonter les obstacles.

• Nommer un responsable accessibilité ou une équipe référente pour maintenir cette thématique à l’ordre du jour dans l’entreprise.

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