« Rien n’est jamais acquis à l’homme » écrivait Aragon. Ce n’est pas la voix de George Brassens qu’il faut entendre mais plutôt celle de Céline Bekerman qui a posé, avec son associé Antoine Cadeo, la plaque de Bekerman Cadeo au dernier étage du 45 de la prestigieuse avenue Montaigne.
Le parquet point de Hongrie, la déco signée Isabelle Stanislas, la vue qui court du Sacré-Cœur à la tour Eiffel, tout laisse présager que Céline Bekerman ne doute de rien. Pourtant, elle a toujours à l’esprit « que tout peut basculer du jour au lendemain », qu’il ne faut jamais se reposer sur ses lauriers, qu’il faut se battre en permanence. À la boxe, qu’elle pratique trois fois par semaine, comme dans les prétoires.
Il faut dire qu’elle est allée à bonne école. « Pendant le procès de Charlie sur les caricatures de Mahomet, j’étais jeune stagiaire chez Kiejman & Marembert. Georges Kiejman m’avait confié le dossier de plaidoirie, que je gardais caché dans mon studio, parce qu’il était menacé de mort », se remémore-elle. Souvenir de cette période fondatrice de sa vie, la caricature d’une Céline Bekerman toute jeune avocate, signée Cabu, trône juste là, sur une étagère, pas très loin d’une photographie de son mentor.
Déléguée de classe, déjà…
Mais la passion du droit est une affaire plus ancienne. « Quand j’étais enfant, je ne supportais pas l’injustice. C’est peut-être pour ça que j’étais souvent déléguée de classe », dit-elle, entre deux bouffées tirées sur sa cigarette électronique. Mais la vraie révélation s’opère à l’université. Son mémoire sur la pensée de Jean Carbonnier la conduira jusqu’au Sénat, pour une conférence, où elle fera une intervention qui lui vaudra les félicitations personnelles de Robert Badinter. De quoi vous lier définitivement avec le glaive et la balance. Ce lien, il se manifeste assez clairement dans sa vision du métier. « Plus ça fait peur, plus ça me plaît. » Et on peut dire qu’elle a expérimenté cette maxime dans des affaires pénales complexes, où elle a dû apprendre à dépasser le droit, en jonglant avec la technique juridique et le monde médiatique.
Prédisposition essentielle à la robe, on la qualifie de pugnace. « On ne soupçonne pas la difficulté de la profession d’avocat. On fait éponge, on prend les coups pour nos clients, on gère des ego. » Pour ne rien gâcher, elle déteste perdre. Et en pénal, ne pas perdre, ça veut dire être d’une immense précision sur la procédure et connaître l’art du « sur-mesure », selon le juge et la juridiction auxquels on s’adresse. Parce que « le diable est dans les détails », dit-elle en souriant.
Un tempérament teinté d’éclectisme. « J’ai grandi dans un milieu intello-laïque. » Deux parents universitaires, elle, iranienne et sociologue, lui, d’origine russe et professeur d’économie, qui se sont rencontrés sur les bancs du Collège de France, grâce à Raymond Aron. Ils lui ont donné le goût de la musique classique en l’emmenant à Bayreuth chaque été. Beaucoup d’enfants en sortiraient traumatisés… Elle, parle du festival de Richard Wagner avec tendresse, évoquant ses morceaux préférés de Bach ou Mendelssohn.
Un carnet d’adresses impressionnant
Son appétit culturel ne s’arrête pas à la musique. La littérature, le cinéma, la peinture, le spectre est large. Entre Kundera et Pascal, des épisodes d’En thérapie et L’Incompris, elle apprécie volontiers un petit épisode de Succession ou Pierre Niney dans LOL. Une vraie touche-à-tout. Un tempérament teinté d’éclectisme finalement très aligné avec la vision dépoussiérée qu’elle a de son métier. Dépoussiérer en conjuguant des univers : « Aujourd’hui, le droit ne suffit plus pour résoudre les litiges, il faut aller au-delà. »
Le projet de Bekerman Cadeo, en plus d’être une référence de la défense pénale, c’est aussi de rénover le droit des affaires. Pour cela, elle a décidé de s’appuyer sur un vivier d’experts, dans des domaines variés, qu’elle mobilise et sélectionne avec précision, pour chaque dossier qui lui est confié. Ce vaste vivier, elle l’a construit grâce à un réseau très divers, cultivé avec soin depuis plusieurs années. Le bruit court qu’elle aurait un carnet d’adresses à faire trembler la République et qu’il lui arriverait de déjeuner à Bercy de temps à autre. « Le déjeuner est mon repas préféré. » Son moment privilégié, quand elle ne plaide pas, pour voir ses clients et renforcer ces précieux liens. Bien entendu, elle a ses habitudes dans les adresses courues du 8e arrondissement, même si « rien ne vaut la sauce verte secrète de L’Entrecôte ou la cuisine perse » héritée de sa mère.
Et pour entretenir un tel réseau, elle n’hésite pas à repousser les frontières parisiennes. Média, politique, cinéma, édition, business, avec son mari, producteur de cinéma, elle juxtapose régulièrement ces différents univers, des plages de Normandie au sable fin de Saint-Barth, en passant par Abu Dhabi. Un réseau qui lui apporte une excellente compréhension de la vie des affaires et lui assure d’être le parfait chef d’orchestre pour diriger les équipes et groupes d’experts qu’elle compose sur mesure pour résoudre les litiges qui se présentent. Sa passion, elle la transmet volontiers en enseignant le droit de la presse à Assas, mais également à ses trois filles. En ramassant quelques dessins inachevés, des feutres et autres crayons de couleur, elle nous raconte qu’après leur journée d’école, elles débarquent dans son bureau. « Je les forme aux rudiments du droit », conclut-elle en riant.
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