On constate depuis plusieurs années un mal-être au sein de la fonction du manager, en attestent les résultats du dernier baromètre Malakoff Humanis, réalisé auprès de 3 500 salariés du secteur privé, et qui indique que 45 % des managers ont été au moins une fois en arrêt maladie en 2022*. Un stress qui va grandissant, face auquel les managers sont seuls et démunis, et qui pose la question de comment l’entreprise peut-elle redonner du sens au rôle de manager ?
Par David Mahé, Président de Syntec Conseil
Les défis du manager dans un monde en mutation
Le rôle du manager est une fonction complexe qui a toujours comporté son lot de difficultés, certaines intrinsèquement liées au leadership, d’autres, plus ponctuelles, corrélées aux usages de l’époque. Selon moi, le dysfonctionnement majeur du manager réside dans ce que j’appelle “l’injonction paradoxale” : maintenir à la fois une loyauté totale vis-à-vis de son patron et une empathie profonde vis-à-vis de son équipe. Un double postulat, antinomique, qui écartèle le manager entre l’impératif d’obtenir des résultats et la nécessité d’être à l’écoute de ses équipes.
À cela s’ajoute ce que je nomme “la logique du meilleur d’entre nous”, et qui consiste à promouvoir le meilleur élément d’une équipe au rang de manager par effet d’inertie, mais sans qualification propre à ce poste. Organiquement considéré comme apte à remplir ce rôle, le manager est placé à un poste qu’il n’a pas nécessairement désiré, pour lequel il n’a pas été formé et pour lequel il n’est peut-être pas, en définitive, le meilleur.
Ces itinéraires de carrières mal fléchés aboutissent à une situation de profonde solitude. Alors qu’auparavant, au sein de son équipe de 10 collaborateurs, l’employé avait 9 collègues qui partageaient ses enjeux et problématiques, ce dernier, une fois promu manager, se retrouve seul face à son équipe alors qu’il n’a pas été préparé à cet état de fait.
Enfin, autre facteur de détresse cette fois lié à de nouveaux usages, le télétravail et la perte, là encore, des relations interpersonnelles physiques. Le manager rate ici l’opportunité de capter des signaux faibles, de faire preuve d’empathie envers ses équipes, augmentant par-là son sentiment de solitude. Sans cohésion aucune désormais, le manager n’est plus soutenu, il ne peut donc pas, à son tour, être soutenant, invalidant sa propre fonction et avec elle son rôle dans l’entreprise.
L’entreprise comme garde-fou
Il y a de nos jours, dans beaucoup d’entreprises, ce que je définis comme des impensés, c’est-à-dire des attentes qui ne sont pas clairement identifiées, quand elles ne sont pas excessives, voire complètement contradictoires.
Est-ce que le manager est là pour faire grandir une équipe ? Est-ce qu’il est là pour obtenir des résultats opérationnels ? Ou pour incarner une culture d’entreprise ? Il peut y avoir de nombreuses attentes vis-à-vis du manager, et beaucoup d’entreprises ne se donnent pas la peine de les définir avec précision. La question du rôle et de la responsabilité du manager n’est que trop rarement posée et une bonne partie de sa détresse est ainsi liée au fait qu’il ne sait pas ce qu’on attend de lui. Je suis convaincu que c’est dans l’entreprise et sa stratégie de développement que résident les solutions pour aider le manager dans son travail. C’est à mon sens la responsabilité de l’entreprise que de définir ce qu’elle attend de ses managers.
Il est également nécessaire, selon moi, que l’entreprise réinvente ses parcours de carrière afin de permettre des évolutions qui ne passent pas nécessairement par une promotion au poste de manager. Évidemment, certaines personnes sont adaptées à ces itinéraires, mais d’autres peuvent emprunter par exemple des passages par l’expertise, le compagnonnage, le mentorat, ou tout simplement des mobilités vers d’autres types d’activités. Il faut impérativement que l’entreprise se pose la question de la pertinence du manager comme carrière royale. Aujourd’hui, on observe d’ailleurs une tendance au refus de devenir manager, avec une appétence pour des itinéraires de carrière différents, centrés sur l’expertise, sur l’indépendance, sur l’autonomie, sur la collaboration, et dans une démarche d’horizontalité, moins pyramidale et dont l’objectif n’est plus de devenir à tout prix patron.
De plus, face à l’isolement du manager dans le télétravail, le retour au présentiel permettrait de renouer avec la cohésion et l’efficacité du collectif.
Enfin et peut-être surtout, je pense qu’il faut être aux côtés des managers, à l’écoute de leurs besoins, et les aider à consolider leurs compétences à travers des formations.
Ces différents points d’amélioration ont pour objectif une meilleure compréhension et valorisation du métier de manager. L’objectif est ici d’inoculer du sens et de l’humain, pour une fonction managériale saine et opérationnelle.
*C.f. 53% des managers en arrêt maladie en 2022 selon la 8ème édition du Baromètre de Malakoff Humanis
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