Aussi nombreux soient les débats menés par économistes, analystes ou lobbyistes, les tarifs de Trump demeurent un sujet sur lequel les explications convaincantes se font rares et les arguments peinent à s’imposer.
Tant qu’ils resteront cantonnés au champ économique, ils seront incapables de sortir de leur cadre de pensée – un cadre qu’ils ont eux-mêmes façonné. Leur lecture est subjective, sans véritable accès à l’objectivité. Le problème de fond, c’est qu’ils interprètent le monde non pas tel qu’il est, mais en fonction de leur propre vision et de leurs biais. Et, en vérité, nous fonctionnons tous ainsi. La réponse ne réside pas dans les équations économiques. Elle se trouve ailleurs.
La créativité américaine en pâtira
Au-delà de la hausse immédiate et mesurable des prix – des œufs, des voitures et d’autres biens – l’impact à long terme, plus difficile à quantifier, des tarifs douaniers imposés par Donald Trump touche à un pilier fondamental du dynamisme américain : sa créativité. Dans quasiment tous les secteurs, c’est cette capacité à innover qui a forgé le succès des États-Unis. Dans cet essai, je m’efforcerai de montrer en quoi cette force est aujourd’hui mise à mal – et ce, par le chef de l’exécutif lui-même. Une perte de compétitivité industrielle ou financière peut, avec le temps, être comblée. Mais une fois l’avantage créatif sacrifié, il est, lui, presque impossible à regagner.
Une analyse économique hors des sentiers battus
Après avoir écouté les économistes, industriels et financiers – armés de leurs MBA, doctorats et distinctions –, prenez un instant pour considérer une autre perspective. Issu du monde de la psychologie, je m’inscris dans la lignée de l’école humaniste, cette branche fondée dans les années 1950-60 par Abraham Maslow (1908-1970), qui a profondément transformé notre compréhension de la motivation humaine.
Pendant 25 ans, j’ai fourni des conseils en gestion et en leadership à des entreprises, des organisations à but non lucratif et des institutions éducatives dans 25 secteurs différents, dont une grande partie reposait sur la pyramide des besoins de Maslow. Maslow l’a développée pour expliquer la motivation humaine et les comportements qui en découlent ; j’ai poussé la réflexion plus loin, en postulant que cela explique tout aussi bien la motivation, le succès et l’échec des organisations. Commençons par une explication simple, tirée du cours de psychologie de base.
La pyramide des besoins de Maslow
Maslow expliquait qu’au fur et à mesure de notre évolution, nous identifions et répondons à des besoins de plus en plus élevés, et que nous passons à l’étape suivante seulement lorsque nous sommes sûrs d’avoir satisfait – et maintenu – le besoin actuel.
Ainsi, par exemple, dans l’extrême, si nous peinons encore à nous nourrir, à nous habiller ou à nous loger (besoins physiologiques), nous ne sommes pas en mesure de poursuivre et de satisfaire nos besoins cognitifs (connaissance, éducation, diplômes) ou esthétiques (beauté, symétrie). Nous devons d’abord répondre à nos besoins essentiels, et le faire dans un ordre précis, avant de pouvoir aspirer à des besoins plus élevés. C’est ce principe de progression qui fonde toute la logique hiérarchique.
Relier la psychologie à l’économie
Je soutiens que les organisations évoluent de la même manière que les individus, et qu’à moins que les besoins de base ne soient satisfaits et sécurisés (payer les salaires, être compétitif sur le marché), l’organisation ne peut pas entreprendre des actions comme sponsoriser une course caritative de 5 km, offrir une aide à la scolarité ou construire un nouveau siège social écologique. La hiérarchie organisationnelle suit directement celle de l’individu.
Progresser et régresser
Tout comme nous pouvons progresser dans la hiérarchie, nous pouvons aussi régresser. Cela peut se produire pour de nombreuses raisons : mauvaises décisions, événements catastrophiques, incapacité à rester à jour, etc. C’est ici que la créativité devient un atout ou un fardeau. Ce n’est que lorsque nous avons satisfait nos besoins les plus basiques que nous pouvons nous permettre de nous occuper de ceux qui sont plus élevés. Et c’est là que la créativité s’épanouit. Lorsque nous ne devons plus nous soucier de la nourriture, des vêtements ou du logement, nous pouvons penser de manière créative à des télescopes, des nanorobots, de l’intelligence artificielle ou de l’agriculture verticale. Nous ne devons plus nous préoccuper uniquement de nous-mêmes. Nous pouvons imaginer faire partie d’une équipe qui développe des systèmes de production d’énergie par fusion, une technologie encore éloignée de 20 à 30 ans. L’individu et l’organisation font face aux mêmes points de bascule.
Un coup fatal à la créativité
Il ne fait aucun doute que, au cours de la semaine passée, il y a eu bien plus de régressions que de progressions. Dans un contexte où 60 % des Américains dépendent de leur salaire mensuel pour subvenir à leurs besoins, une chute de 10 % du marché boursier (soit environ 4 300 points) réduit considérablement l’élan créatif et l’innovation, au profit de réflexes de protection centrés sur la survie.
Et quand une grande partie de votre influence en dépend, les dégâts ne seront pas seulement importants : ils risquent d’être, au moins en partie, irréversibles.
Créativité, changement et leadership au 21e siècle
En 2006, à un moment où ma créativité était à son comble, j’ai décidé d’aller au-delà du cours de leadership que j’enseignais depuis trois ans. J’ai conçu un tout nouveau programme, à la fois novateur et plébiscité, intitulé Creativity, Change, and the 21st Century Leader. Je l’ai animé pendant douze ans, jusqu’à ma retraite. Le cours s’ouvrait sur une déclaration de mission claire : « Les leaders du 21e siècle ne peuvent plus se contenter de gérer le changement ; ils doivent être capables de créer, d’imaginer et d’inventer de nouvelles façons de penser, d’affronter des transformations encore plus profondes, et de bâtir des organisations adaptées à ce monde en mutation. »
Et aujourd’hui, de nouveaux défis émergent, comme les questions tarifaires.
Une contribution de Eli Amdur pour Forbes US – traduit par Lisa Deleforterie
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