Le futur de TikTok aux États-Unis se joue devant la Cour suprême, qui s’apprête à se prononcer sur une loi fédérale prévue pour le 19 janvier. Cette législation pourrait interdire l’application à succès, sauf si sa société mère, basée en Chine, accepte de la vendre, marquant ainsi un tournant décisif dans un débat qui dure depuis des années.
Chronologie
- 18 décembre : La Cour suprême a annoncé qu’elle examinerait le recours de TikTok contre la loi fédérale susceptible d’interdire l’application. Les plaidoiries ont été fixées au 10 janvier, à seulement quelques jours de l’entrée en vigueur de la législation.
- 16 décembre : TikTok a sollicité une injonction de la Cour suprême pour suspendre l’interdiction de l’application en attendant que celle-ci, à majorité conservatrice, tranche sur sa légalité ou décide de ne pas se saisir de l’affaire. L’entreprise a déclaré que ce sursis « permettrait à la Cour de mener un examen approfondi (…) avant que ce canal essentiel de communication pour les Américains, tant au niveau national qu’international, ne soit fermé ».
- 16 décembre : D’après CNN, le PDG de TikTok, Shou Chew, a rencontré le président américain élu Donald Trump dans sa résidence de Mar-a-Lago. Il a plaidé en faveur d’une injonction de la Cour suprême – finalement refusée – qui aurait permis à l’administration Trump, favorable à TikTok, de se positionner sur la question.
- 6 décembre : La Cour d’appel des États-Unis pour le circuit du D.C. a rejeté la demande de TikTok visant à réexaminer la loi ciblant l’application. Le panel de trois juges a estimé que les préoccupations de sécurité nationale primaient sur les droits protégés par le Premier Amendement de la Constitution des États-Unis, refusant également la requête de TikTok de suspendre la décision confirmant la législation.
- 14 mai : Huit utilisateurs de TikTok ont intenté une action contre le gouvernement fédéral, l’accusant de violer le Premier Amendement et d’adopter une loi « inconstitutionnellement excessive ».
- 7 mai : TikTok a engagé une action en justice contre le gouvernement fédéral, remettant en question la constitutionnalité de l’interdiction et affirmant que celle-ci portait atteinte aux droits des utilisateurs américains et de l’application, protégés par le Premier Amendement.
- 24 avril : Joe Biden a promulgué une loi imposant la vente ou l’interdiction de TikTok. En réponse, la plateforme a déclaré dans un communiqué avoir « investi des milliards de dollars pour garantir la sécurité des données américaines et protéger notre plateforme de toute influence ou manipulation extérieure ».
- 23 avril : Le Sénat a approuvé, par 80 voix contre 19, un projet de loi visant à « empêcher les adversaires étrangers de mener des activités d’espionnage, de surveillance et de propagande, et de menacer les Américains vulnérables, nos militaires et le personnel du gouvernement américain », a déclaré la sénatrice Maria Cantwell.
- 20 avril : La Chambre des représentants a largement approuvé (360 voix contre 58) la législation ciblant TikTok. Le chef de la minorité, Hakeem Jeffries, a affirmé dans un communiqué que cette mesure était « conçue pour répondre à des préoccupations légitimes en matière de sécurité nationale et de protection de la vie privée ».
Quand l’interdiction de TikTok pourrait-elle entrer en vigueur ?
L’interdiction de TikTok pourrait prendre effet dès le 19 janvier, sauf si ByteDance, sa maison mère, accepte de céder l’application à une autre entreprise ou si la Cour suprême accepte de se pencher sur la demande d’injonction déposée par TikTok.
Quelles entreprises américaines pourraient racheter TikTok ?
Plusieurs entreprises ont été citées parmi les acheteurs potentiels de TikTok. Amazon figure en tête des spéculations, notamment après l’annonce cette année d’un partenariat permettant aux utilisateurs de TikTok de parcourir et d’acheter des produits sur Amazon. Oracle et Walmart pourraient également relancer une offre conjointe, après leur tentative d’acquisition en 2020, stoppée par l’administration Biden pour des raisons de sécurité. Microsoft, qui avait déjà tenté de racheter TikTok en 2020, pourrait envisager une nouvelle offre. De son côté, Rumble, plateforme de partage de vidéos, a publiquement exprimé son intérêt pour TikTok en début d’année, se disant prête à s’associer à d’autres investisseurs pour acquérir et gérer l’application aux États-Unis. Cependant, toute vente de TikTok nécessiterait l’approbation de la Chine, qui s’est engagée à bloquer la cession de son algorithme. Cette approbation semble peu probable à ce stade.
Qui est Jeff Yass, l’investisseur milliardaire derrière TikTok ?
Avec une fortune estimée à 49,6 milliards de dollars, Jeff Yass est un investisseur influent et un important donateur du Parti républicain (GOP). Cofondateur de Susquehanna International Group, une société de commerce international qui détient environ 15 % de ByteDance, Yass est un acteur clé dans les coulisses de TikTok. En mars dernier, sa participation dans l’application était estimée à 33 milliards de dollars.
Jeff Yass aurait joué un rôle central dans la décision de Donald Trump de tenter d’interdire TikTok, puis de revenir sur cette position. Il a également financé des législateurs conservateurs opposés à l’interdiction, notamment le sénateur Rand Paul avec 24 millions de dollars et le représentant Thomas Massie avec 32 200 dollars, selon le Wall Street Journal. Yass aurait menacé de cesser ses contributions financières aux membres du Congrès favorables à l’interdiction, craignant pour son investissement massif. Le milliardaire est également un important contributeur aux comités d’action politique (PAC) conservateurs, avec des dons notables de 16 millions de dollars à Club For Growth Action, 10 millions de dollars au Congressional Leadership Fund et 6 millions de dollars à Protect Freedom PAC.
Donald Trump pourrait-il revenir sur l’interdiction de TikTok ?
Potentiellement, bien que ses marges de manœuvre restent limitées. La Cour suprême doit examiner l’affaire en janvier, et c’est le département de la Justice sous l’administration Biden qui défendra la loi devant les tribunaux. Toutefois, un président élu pourrait demander à son département de ne pas appliquer la loi si la Cour maintient l’interdiction avant sa prise de fonction. De plus, des entreprises comme Apple, Google et Oracle pourraient choisir de se détourner de TikTok pour éviter d’éventuelles sanctions financières, notamment si Donald Trump revenait ultérieurement sur sa position. Selon Alan Rozenshtein, ancien fonctionnaire du département de la Justice, M. Trump pourrait également faire pression sur le Congrès pour abroger la loi, bien qu’il lui faille surmonter un soutien bipartisan. Enfin, l’ancien président pourrait envisager de prolonger temporairement de trois mois l’application de l’interdiction. Cela permettrait de garder TikTok accessible tout en facilitant une éventuelle vente de l’application.
Qu’adviendra-t-il des données des utilisateurs américains en cas d’interdiction de TikTok ?
Si l’application venait à être interdite aux États-Unis, les données des utilisateurs américains pourraient être transférées en Chine. Un précédent inquiétant existe : en 2020, après l’interdiction de TikTok en Inde, ByteDance a continué d’accéder aux données de millions d’utilisateurs indiens, plusieurs années après la fermeture de l’application, selon Forbes.
Chiffre important
Environ 170 millions. C’est le nombre d’Américains qui utilisaient TikTok en avril, selon l’application.
Contexte clé
Les liens entre TikTok et la Chine suscitent de vives préoccupations de la part du gouvernement fédéral américain, qui pointe des risques pour la sécurité nationale et la confidentialité des données. Les autorités craignent que le Parti communiste chinois puisse utiliser l’application pour espionner les citoyens américains ou manipuler le discours public. TikTok rejette fermement ces accusations. Son PDG a déclaré au Congrès cette année que la plateforme ne surveillait pas les utilisateurs américains et s’était engagée à protéger leurs données.
Malgré cela, les inquiétudes persistent. ByteDance, maison mère de TikTok, est accusée de liens étroits avec le gouvernement chinois. Glenn Gerstell, ancien conseiller général de la National Security Agency, a déclaré à Forbes qu’il serait impossible de séparer TikTok de ByteDance pour une vente. Un rapport du même média a révélé que ByteDance avait utilisé TikTok pour espionner des journalistes et que l’application avait mal géré des informations sensibles, notamment des données financières, des numéros de sécurité sociale et des contacts personnels.
Pour apaiser les inquiétudes, TikTok a assuré que, depuis 2022, l’ensemble du trafic des utilisateurs américains est redirigé vers Oracle et stocké sur une infrastructure numérique basée aux États-Unis. L’entreprise souligne également que 60 % de ses actions sont détenues par des investisseurs institutionnels américains tels que le Carlyle Group et General Atlantic. Cependant, ces mesures n’ont pas suffi à dissiper les craintes. Après la signature par Joe Biden d’une loi contre TikTok, l’application a qualifié l’obligation de se vendre d’illusoire et d’inapplicable.
Le débat reste ouvert, alimenté par les révélations et les rapports soulignant les tensions entre les engagements publics de TikTok et la réalité de sa gestion des données.
Un article de Antonio Pequeño IV pour Forbes US – traduit par Lisa Deleforterie
À lire également : Interdiction de TikTok aux États-Unis : Apple et Google sous pression
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