Une contribution de Dominique Ango, Country Manager France chez BioCatch
Les arnaques « aux émotions » ou « à la romance » n’ont de tendre que le nom. Utilisant des plateformes de rencontre en ligne et les réseaux sociaux, les escrocs ayant recours à ces méthodes exploitent les émotions et la vulnérabilité de leurs victimes en prétendant entretenir des relations fictives avec eux pour finalement les voler. Mais au-delà d’avoir des répercussions financières, ces techniques ont également des conséquences émotionnelles et psychologiques. Comment les banques peuvent-elles protéger et soutenir leurs clients face à cette menace croissante ?
Quand les arnaqueurs jouent sur l’émotion pour gagner de l’argent
Joie, surprise, tristesse ou même peur : nous sommes toutes et tous influencés par nos émotions, et celles-ci peuvent nous pousser à agir spontanément, et parfois au détriment de la raison. C’est sur ce levier que les arnaqueurs aux émotions – aussi appelés « brouteurs » en référence aux moutons qui se nourrissent sans effort dans la prairie, touchent leurs victimes pour les prendre dans leurs filets. L’arnaque aux sentiments est l’escroquerie qui a le plus a progressé en 2023 – avec +91% par rapport à l’an passé, selon le site Cybermalveillance.gouv.
Selon une récente étude, personne n’est épargné et toute génération peut être la cible des escrocs, le mode opératoire étant juste adapté au profil de la victime. Mais l’étude reconnait que les générations plus âgées – qui ont terminé leur carrière et se sont procuré les actifs nécessaires pour vivre le reste de leur vie sans salaire – et qui possèdent alors plus de richesses, sont des cibles de choix. Le mode opératoire de ces escrocs est aujourd’hui bien ficelé : ils se cachent derrière des profils fictifs sur les réseaux sociaux et applications de rencontre pour créer des relations de confiance avec leurs cibles. Une fois le contact établi, les arnaqueurs investissent du temps et des efforts de longue haleine pour développer ce qui semble une relation de confiance avec leurs victimes.
Après avoir solidifié la relation et « sécurisé » l’intérêt de la personne, l’arnaqueur introduit une situation d’urgence nécessitant une aide financière (problèmes de santé, accidents, situations de détresse professionnelle…). La victime, désireuse d’aider une personne qu’elle pense être son partenaire, se retrouve alors à transférer des fonds ou à divulguer des informations sensibles. Cette manipulation psychologique peut se poursuivre jusqu’à ce qu’elle soit financièrement épuisée ou commence à soupçonner la fraude. Finalement, lorsque les arnaqueurs estiment qu’ils ne peuvent plus extorquer d’argent de leur victime, ils disparaissent généralement sans laisser de trace, supprimant leurs profils en ligne et coupant toute communication. Les personnes dupées se retrouvent alors non seulement avec des pertes financières, mais aussi avec une profonde blessure émotionnelle.
Les stratégies des banques pour protéger et soutenir leurs clients
Les banques ont un rôle crucial à jouer dans la protection de leurs clients contre les arnaques aux émotions. Ces dernières lancent notamment des campagnes d’éducation et de sensibilisation pour informer leurs clients des signes d’une arnaque à la romance et des précautions à prendre. Récemment, le Crédit Agricole a alerté ses clients sur les escroqueries sentimentales, dans un message de prévention envoyé fin juin. En avril dernier, BNP Paribas a réalisé une campagne d’alerte sur le sujet à destination de ses clients et de ses conseillers, notamment par le biais de ses réseaux sociaux. Quant à la Fédération Bancaire Française, elle a relancé au printemps sa campagne de communication, appelant les clients des banques à la plus grande vigilance et à ne jamais communiquer leurs codes, mots de passe ou identifiant bancaire, pour éviter tout type de fraude.
Pour aller au-delà de la sensibilisation, tous les établissements bancaires dans le monde se mettent progressivement en ordre de marche pour lutter contre les escroqueries financières au sens large, mais surtout pour les devancer. En effet selon un rapport, la majorité des experts bancaires ont su identifier dans les 30 jours (35%) les escroqueries bancaires dont leurs clients ont été victimes en 2023. La plupart des répondants français de cette étude ont indiqué les avoir identifiés dans les 6 mois (34%). Pour lutter contre la fraude avant même qu’elle ne se produise, l’un de leur atout est une technologie montante dans le secteur bancaire français mais déjà bien implantée dans de nombreux pays : l’intelligence comportementale.
Alors que les identifications des escroqueries bancaires se font pour la plupart une fois les transactions réalisées, l’intelligence comportementale, surveillant plus de 3000 signaux faibles lorsque les clients sont actifs sur leur session, permet d’identifier toute tentative de fraude avant même qu’elle ne se produise. L’analyse des changements de comportement des titulaires de comptes est en effet un avantage redoutable : Erreurs, clics dans des menus inhabituels… peuvent potentiellement indiquer que la personne est sous influence, surtout si celle-ci est au téléphone durant sa session, induisant le fait qu’elle est probablement sous l’influence d’une personne mal intentionnée.
L’intelligence comportementale et l’analyse des signaux faibles : le nouvel atout des banques
La rapidité et la manière dont l’utilisateur tape ses messages peut être également un facteur déterminant. En général, un individu effectue environ 20 % de mouvements de souris sans véritable objectif lorsqu’il utilise son application bancaire. Toutefois, cette proportion peut grimper à 40 %, voire atteindre 60 % en cas de stress intense, pouvant potentiellement signaler que l’utilisateur est sous influence et donc manipulé par une personne malveillante. Les champs écrits sont en général complétés en moins de 15 secondes. Si les détails du compte sont tapés par blocs de deux ou trois par exemple – un signe de dictée – et que le propriétaire du compte corrige même certaines informations, cela peut signifier un cas d’escroquerie.
La position du téléphone est aussi un très bon indicateur : en général, lorsque l’utilisateur rentre ses coordonnées bancaires sur son smartphone, l’appareil qu’il utilise est en mouvement ce qui signifie que l’utilisateur écrit. Ces mouvements sont ensuite analysés et comparés à son historique. Si par exemple le smartphone ne bouge pas, indiquant qu’il est sur une surface plane et que le téléphone est en haut-parleur, cela montre que le mouvement ne correspond pas à ses antécédents et qu’il y a un risque de fraude.
Les arnaques à la romance représentent une menace sérieuse pour les clients des banques, tant financièrement qu’émotionnellement. Ce type d’escroquerie existera toujours, et leurs auteurs continueront de cibler les populations qu’ils jugent les plus vulnérables. Pour aider leurs clients, les banques développent des campagnes de sensibilisation, mais sont également en train de se doter de nouvelles technologies, telle que l’intelligence comportementale, pour lutter contre les tentatives de fraude. Grâce à l’analyse du comportement de l’utilisateur lorsqu’il est actif sur sa session, la banque peut déceler une tentative de fraude avant même qu’elle ne se produise.
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